Il y a 40 ans, l'homosexualité était un fléau social

Ce 18 juillet 1960, l'Assemblée nationale examine un projet de loi autorisant le Gouvernement à prendre « les mesures nécessaires pour lutter contre certains fléaux sociaux », comme la tuberculose, l'alcoolisme ou la prostitution. Le député Paul Mirguet (MRP) propose un sous-amendement qui ajoute

« Toutes mesures propres à lutter contre l'homosexualité. »

Le député défend sa proposition :

« Je pense qu'il est inutile d'insister longuement, car vous êtes tous conscients de la gravité de ce fléau qu'est l'homosexualité, fléau contre lequel nous avons le devoir de protéger nos enfants. Au moment où notre civilisation dangereusement minoritaire dans un monde en pleine évolution devient si vulnérable, nous devons lutter contre tout ce qui peut diminuer son prestige. »

La rapporteuse du projet de loi doit interrompre les rires des parlementaires :

« Oh ! messieurs, il est trop facile de rire d'un problème moral qui devrait vous préoccuper. »

Le sous-amendement est adopté.

Cette loi permettra au gouvernement, quatre mois plus tard, d'aggraver la peine encourue pour outrage public à la pudeur quand il consiste « en un acte contre nature avec un individu de même sexe », par une simple ordonnance : c'est l'article 330, alinéa 2 du code pénal, à peine combattu par la très respectable association homophile Arcadie, qui ne sera abrogé qu'en 1980. Cette loi marque le point culminant de la répression anti-homosexuelle en France : le harcèlement policier et le fichage des homosexuels sont systématiques.

Ce n'est qu'en 1971 qu'un mouvement homosexuel visible se constitue en France. En mars, les homos, femmes et hommes, interrompent l'enregistrement de l'émission de Ménie Grégoire consacrée à « L'homosexualité, ce douloureux problème », et le FHAR (Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire) est créé dans la foulée. L'un de ses comités de quartier, celui du 5ème arrondissement de Paris (Jussieu), d'inspiration situationniste, publie en 1972 et 1973 un journal intitulé « Le fléau social ». En mai, les homos s'invitent au défilé des syndicats ; ce sera le germe des futurs défilés de la Lesbian & Gay Pride.

Si aujourd'hui, le «douloureux problème» et le «fléau social» prêtent à rire aux dépends de ceux s'en servaient pour stigmatiser les homosexuels, on imagine bien que ces propos sont restés en travers de la gorge de beaucoup, à une époque où personne ne parlait encore d'homophobie.

Cette année, dire que « l'homophobie est un fléau social » est à la fois un clin d'oeil à l'histoire et le rappel de la persistence de comportements homophobes, malgré d'incontestables avancées juridiques.