Euro-Letter n°106, avril 2003 [fr]

Publiée au nom de l'ILGA-Europe, section européenne de l'International Gay and Lesbian Association par la branche internationale de LBL, l'association danoise pour les gais et les lesbiennes, avec le soutien de la Communauté européenne - programme de l'Union européenne contre les discriminations.

Éditeurs: Steffen Jensen, Ken Thomassen, Peter Bryld, Lisbeth Andersen et Soeren Baatrup.

Traduit de l'anglais par Marie France Blanchard et Martial Faure.

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1.- L’ÉLARGISSEMENT EUROPÉEN FAIT DE LA PROTECTION DES DROITS DES LESBIENNES, HOMOSEXUELS, BISEXUELS ET TRANSGENRES DANS LA NOUVELLE CONSTITUTION EUROPÉENNE UNE CHOSE ESSENTIELLE.

Communiqué de presse, ILGA-Europe, 17 Avril 2003

Avec la cérémonie de signature du traité d’accession qui s’est tenue hier à Athènes, l’Union a franchi un pas supplémentaire vers l’élargissement. Si le traité est ratifié par les 25 membres alors Chypre, la République Tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République Slovaque, et la Slovénie rejoindront l’Union Européenne le 1er Mai 2004 venant définitivement combler le fossé géographique et politique entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest. Malgré toute ces réjouissances, la divergence des opinions est réelle.

La forte désunion continue d’être une réalité européenne si l’on en juge par la diversité des sentiments envers l’administration post Saddam Hussein en Irak et envers le futur de l’Europe.

Tandis que l’attention portée sur la politique étrangère et les réformes politiques peut se comprendre, il est important de souligner que ce ne sont pas les seules sources de contestation. Avec le traité d’Amsterdam en 1997, l’Union Européenne a mis en place des pouvoirs pour combattre la discrimination liée à l’orientation sexuelle. Ceci fut suivi par la mis en place en 2000 de la Charte Européenne des Droits Fondamentaux qui proscrit la discrimination de l’orientation sexuelle et la Directive sur l’Emploi (Directive 2000/78/EC) qui met en place des règles précises pour le bannissement de la discrimination à l’encontre de l’orientation sexuelle sur le lieu de travail. Ceci fait partie des règles et des lois de ce qu’on appelle l’ acquis communautaire que tout nouveau membre doit accepter. Mais il reste des doutes quant à la volonté qu’ont les pays en attente d’accession à l’UE de prendre en considération ces valeurs et ces règles dans leur intégralité – doutes qui sont aussi valables pour les « anciens » membres.

Quand la Commission Européenne a révélé sa réflexion stratégique « vers une union élargie » en Octobre 2002, l’ILGA Europe a manifesté son soutien au projet d’élargissement (voir article de presse du 09 Octobre 2002). Dans le contexte des critères de Copenhague sur les Droits de l’Homme, beaucoup ont espéré que rejoindre l’Union Européenne offrirait une occasion réelle de rectification des lois discriminatoires du fait de l’orientation sexuelle. Sans aucun doute, des progrès considérables ont été fait avec l’abrogation des lois discriminatoires à Chypre, en Estonie, en Hongrie, en Lituanie et en Roumanie. Des changements qui auraient pris des décennies pour être effectifs, l’ont été en quelques années. Mais, tout n’est pas encore rose.

Malgré des déclarations claires du Commissaire à l’Elargissement Günter Verheugen, selon lequel « l’interdiction de la discrimination basée sur l’orientation sexuelle est une partie des critères politiques de l’accession à l’Union Européenne », il y a évidemment une hésitation à accepter cela. Le premier exemple est la mise à l’écart notoire des dispositions sur la discrimination du fait de l’orientation sexuelle contenues dans la Directive sur l’Emploi. Une tendance réelle d’atténuer les dispositions légales contenues dans la directive peut être observée. Ceci est particulièrement vrai au regard de l’orientation sexuelle. Alors que Malte, la Slovaquie, ou la Pologne sont les principaux « suspects », la plupart des gouvernements des pays en voie d’accession voudrait probablement éviter cette question s’ils le pouvaient.

Certains pays comme la Pologne ont choisi d’aller encore plus loin. En Janvier le gouvernement Polonais, sous la pression de la hiérarchie de l’Eglise, a décider d’adjoindre une déclaration unilatérale au traité d’accession statuant que « rien dans les dispositions du Traité sur l’Union Européenne (…) ne pourrait empêcher l’Etat Polonais de gérer les questions morales (voir article de presse IE du 4 Février 2003). En Avril 2003, la Chambre Basse du Parlement Polonais s’est de nouveau focalisée sur le fait que « l’ordre moral de la vie sociale, la dignité de la famille, le mariage et l’éducation » ne doivent pas être encadrés par des lois internationales. Il y a une tension réelle quand on en vient à parler des valeurs fondamentales d’égalité et de respect pour les minorités.

La Commission Européenne et le Parlement Européen sont conscients de ces questions. La situation légale est claire. Quelque soit la déclaration qu’un Etat choisit d’adjoindre aux traités d’accession, elle n’a aucune réalité légale. Les Etats membres ont clairement clarifié ce point sous la forme d’une contre déclaration qui stipule que l’obligation de respecter l’ acquis communautaire ne sera pas affectée.

La Commission suit de près une mise en pratique de l’acquis anti-discriminatoire de l’Union Européenne et a exprimé en de multiples occasions son inquiétude face aux progrès hésitants réalisés. La Directrice Générale de la Commission pour l’Emploi et les Affaires Sociales, Odile Quintin, a par exemple publiquement mis en lumière en mars le fait que le Code du Travail Slovaque n’est pas en accord avec la législation européenne et a demandé au gouvernement de le rectifier afin de faire disparaître toute discrimination.

Le rapport Brok de Mars 2003, comme le Parlement Européen, tout en reconnaissant que certaines avancées ont été faites au regard de la protection des droits des personnes et des minorités, souligne que dans beaucoup de pays candidats persistent des situations d’abus et de discrimination dues aux imperfections de leur système répressif et judiciaire. Le rapport réitère que « les acquis européens anti-discrimination doivent être mis en pratique comme défini dans l’article 13 du Traité de l’Union Européenne et dans la Charte des Droits Fondamentaux ».

Une surveillance attentive du processus législatif effectué ou bien par les institutions européennes, ou bien par l’ILGA Europe et ses membres, est importante mais n’est pas suffisante. Dans le contexte d’une opposition apparente et institutionnalisée aux droits LGBT, un rapport clair rappelant la nature intangible des valeurs et des principes de base de l’Union Européenne est demandé. « Dans ce contexte, le débat sur la future constitution de l’Union Européenne devient des plus urgent » dit Nigel Warner, membre du bureau de l’ILGA Europe. « La Charte des Droits Fondamentaux pose déjà le principe d’égalité et de droit à la non discrimination sur la base de l’orientation sexuelle. Mais il est essentiel que le respect des minorités et le principe d’égalité fassent partie des valeurs fondamentales de l’unité européenne et se retrouvent dans la nouvelle constitution préparée par la Convention ».

2.- L’ILGA-EUROPE ACCUEILLE FAVORABLEMENT LA RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LA PERSÉCUTION DES GAYS EN EGYPTE, ET APPELLE L'UE À SUSPENDRE SON AIDE FINANCIÈRE JUSQU’À L’ARRÊT TOTAL DE CETTE PERSÉCUTION.

Communiqué de presse, ILGA-Europe, Bruxelles, 11 avril 2003

Hier 10 avril 2003, le Parlement Européen a exhorté les autorités égyptiennes d’arrêter toutes poursuites judiciaires contre les homosexuels et de prohiber toutes discriminations sexuelles (rappel de la demande commune pour une résolution sur les violations aux droits de l’homme en Egypte – Doc B5-0212…/..B5-0224/2003)

La résolution rappelait à l’Egypte l’accord signé en novembre 2001 comprenant une clause de respect des droits de l’homme et des principes démocratiques.

Le Parlement a souligné que cela constitue une valeur fondamentale de l’accord et exhorté le Conseil d’exprimer leur inquiétude aux autorités égyptiennes sur la situation des homosexuels en Egypte.

La résolution fut votée au regard de la persistante augmentation des violations des droits de l’homme envers les homosexuels en Egypte.

L’arrestation de 52 hommes, lors d’un raid de police sur le « Queen Boat » en mai 2001, pour « débauche » n’était qu’un début.  Depuis, la police égyptienne a arrêté et interrogé beaucoup d’individus soupçonnés d’homosexualité, bien qu’elle ne soit pas explicitement proscrite en Egypte.

A la suite des protestations de beaucoup de gouvernements occidentaux et d’organisations des Droits de l’Homme, (dont Ilga-Europe), suite au 1er procès de novembre 2001, le Président Moubarak a ordonné un nouveau procès qui eu lieu le 15 mars.

D’une façon inquiétante, 21 condamnés au 1er procès furent à nouveau condamnés à des peines plus fortes, soit d’emprisonnement soit de travaux forcés.

Jackie Lewis, Vice-Présidente Ilga-Europe :

« Nous remercions le Parlement Européen d’avoir rappelé aux autorités égyptiennes leurs obligations quant auxDroits de l’Homme. et aux principes démocratiques. Malgré tout, la persécution des gays en Egypte a continué. De plus, la violations des Droits de l’Homme par le gouvernement égyptien ne se limite pas aux gays.

Il est clair que des mesures beaucoup plus fortes sont nécessaires, et c’est pourquoi nous demandons à l’Union Européenne de suspendre toute aide financière à l’Egypte jusqu’à ce qu’une amélioration significative soit nettement constatée. Sans cela les accords de développement tripartites de l’Union Européenne seraient ignorés ».

3.- PROJET DE RESOLUTION SUR LES DROITS DE L’HOMME ET L’ORIENTATION SEXUELLE AUX NATIONS UNIES REPORTÉ À L’ANNÉE PROCHAINE.

Une résolution sur les Droits de l’Homme et l’Orientation Sexuelle (texte complet ci-dessous) a été proposée par le BRESIL,( avec le soutien de divers pays, incluant des membres de l’Union Européenne, le Canada, la Nelle Zélande et l’Afrique du Sud,) à la Commission des Droits de l’Homme aux Nations Unies.

Une résolution de cet ordre n’avait jamais été discutée dans aucun groupe des Nations Unies ; discussion et vote qui devaient avoir lieu lors de la 59ème session en avril 2003 étaient attendus avec impatience.

Mais un tas de problèmes de procédure furent soulevés lors de la dernière réunion de la session du 25 avril, et le débat se termina par une proposition de report de la résolution à la 60eme session, l’année prochaine.

C’est un succès dans la mesure où la résolution ne fut pas abandonnée et que nous avons plus de temps pour travailler avec les états membres (voir www.unhchr.ch).

Le projet de résolution :

PP1 réaffirmant  la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le Pacte International des Droits Economique, Sociaux et Culturel, le Pacte International des Droits Civil et Politique, la Convention Internationale sur l’élimination de la discrimination raciale sous toutes ses formes, la Convention sur la discrimination à l’égard des Femmes sous toutes ses formes, la Convention contre la torture et autre punition ou traitement cruel ou dégradant, la Convention sur les droits de Enfants,

PP2 rappelant que la reconnaissance des droits inaliénables de tous Humains à la dignité et l’égalité est la base de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde

PP3 réaffirmamt que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme impose le respect du principe fondamental du refus de la discrimination et proclame que tous les Etres Humains sont nés libres et égaux en dignité et en droits, et que chacun est en droit de faire valoir ses droits et libertés sans distinction de quelque sorte

PP4 affirmant que l’enseignement des Droits. de l’Homme est une clé du changement d’attitude, de comportement et de promotion pour la diversité de la société

OP1 exprime être directement concerné par les violations des Droits de l’Homme, dans le monde entier, pour cause d’orientation sexuelle

OP2 insiste sur le fait que les Droits de l’Homme et les libertés fondamentales sont un droit de naissance pour tous les Etres Humains, que la nature universelle de ces droits et libertés est au-dessus de tout et ne doit pas être entravée pour cause d’orientation sexuelle

OP3 fait appel à tous les Etats pour promouvoir et protéger les Droits de l’Homme. pour tous sans y déroger pour l’orientation sexuelle

OP4 note les violations des Droits de l’Homme pour cause d’orientation sexuelle par une procédure spéciale dans les rapports du Commissaire aux Droits de l’Homme ainsi que dans les corps constitués et suggérer des procédures spéciales du Commissaire aux Droits de l’Homme dans le cadre de son mandat afin d’insister sur le sujet

OP5 demande au Haut Commissaire aux Droits de l’Homme d’apporter une attention toute spéciale aux violations des D. de l’H. pour cause d’orientation sexuelle

OP6 décider de continuer à porter attention à ce sujet au cours de la 60ème session.


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