ESPIONNAGE INDUSTRIEL


Education allemande

En Allemagne, on n'a pas de pétrole, mais... zut, je me suis planté. En tout cas, il y a des organisations bouillonnantes, telles le "Jugendnetzwerk Lambda" -ne partez pas déjà-, association fondée en 1989, issue des "mouvements démocratiques" d'Allemagne de l'Est, qui est ensuite devenue une fédération nationale après l'unification allemande et après avoir suscité la création d'organisations régionales dans toute l'Allemagne. Cette fédération, dont sont membres des groupes de jeunes homosexuel(le)s et des individus, s'inscrit dans une démarche générale vis-à-vis de la jeunesse suivant un concept d'implication des jeunes dans la société.

Plus concrètement, les buts fondateurs sont :
- être un interlocuteur de référence vis-à-vis des institutions à tous les niveaux, local, régional ou national (la fédération est membre du bureau des associations pour la jeunesse)
- aider au financement d'actions vers la jeunesse s'adressant aux homosexuel(le)s

- faire un travail permettant de dépasser les préjugés, en direction du milieu scolaire, avec les familles et dans le cadre des actions à destination des jeunes
- organiser des loisirs et des échanges pour des jeunes homosexuel(le)s
- créer un espace pour les jeunes homosexuel(le)s, leur famille et amis, apporter une aide pour faire face à des difficultés individuelles.

"Parole, parole, parole" ? Pas vraiment... De quoi pâlir d'envie ou de jalousie : un dialogue effectif avec les autorités locales, régionales et nationales, l'organisation de loisirs, voyages en particulier, et pas mal de travail vers l'extérieur, en particulier les "Schulprojekte" -projets d'intervention en milieu scolaire-.

Au départ initiatives locales et isolées, ces projets sont devenus une véritable action coordonnée au niveau national et nourrie par une réflexion permanente. En pratique, il s'agit de susciter un échange entre une classe et deux ou trois jeunes identifiés comme "homosexuel(le)s". L'intervention fait l'objet d'une préparation avec le prof, les élèves participants sont volontaires. L'objectif : dialoguer simplement et naturellement au sujet de relations homosexuelles, d'individus identifiés comme "homosexuels", parler de sexe en utilisant des mots comme "homo", "hétéro", ou "bi" -sexuel pour ce qu'ils sont, des repères idéalisés sans prétention autre.

Dans un texte explicatif, Christoph Behrens tente d'expliquer dans quel contexte et dans quel démarche le thème (homo-)sexualité peut intervenir dans un cadre scolaire :
A l'origine, une focalisation sur la question de l'éducation sexuelle pour deux raisons : le soucis de prévention du sida et la question des rôles sexuels conventionnels, en héritage des mouvements féministes en particulier. Malgré un aspect potentiellement conservateur du concept de "prévention", une telle éducation sexuelle repose sur l'idée de responsabilité individuelle avec comme arrière-plan le droit de chacun à l'accomplissement individuel.
L'aspect de prévention du sida consiste à préparer les jeunes à se protéger. Quant aux questions de rôles sexuels, il s'agit de soutenir les jeunes femmes face à une domination masculine et d'apporter une autre image de la masculinité qui relativise la "virilité" conventionnelle.
Ce thème est en rapport étroit avec la discrimination sociale de l'homosexualité, dans la mesure où la perception de l'homosexualité est fortement liée avec une certaine forme de modèle social masculin. L'éducation sexuelle ainsi envisagée peut donc être un des ressorts d'une évolution de la perception de l'homosexualité, également parce que la prévention nécessite qu'il y soit fait allusion.
Cette démarche ne s'inscrit pas dans l'engagement homosexuel classique, où il était question de revendiquer des sortes de "niches", avec des opportunités politiques ou sociales particulières, sous une forme de quota par exemple. Il ne s'agit pas ici de faire une action "pour les jeunes homosexuel(le)s", de réclamer la solidarité ou la tolérance d'on ne sait qui vis-à-vis de on ne sait quoi, mais, dans le contexte de l'éducation sexuelle, de travailler à l'élimination des préjugés et de prendre en compte l'idée d'une sexualité conçue comme épanouissement individuel surmontant les repères très connotés de "homo", "hétéro" ou "bi" -sexuel.

Ensuite vient la justification de la forme de l'action entreprise. Partant de la constatation que la visibilité de l'homosexualité -c'est-à-dire des relations amoureuses entre personnes du même sexe-, va en croissant, l'école, en tant qu'élément d'un apprentissage social et confrontée aux interrogations des élèves, ne peut raisonnablement pas éviter ces questions.Dans un tel cadre, le fait que les préjugés soient largement répandus parmi les enseignants et un certain décalage entre l'école et la jeunesse justifie l'implication de jeunes dans une action de type éducatif, comme celle menée dans le cadre d'un "Schulprojekt".

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, trouver ce genre de chose quand j'étais au collège et au lycée, ben, ça m'aurait peut-être facilité un peu la vie, je me serai posé moins de questions, ou j'aurais sans doute pu en discuter, ne pas les garder pour moi...
Maintenant, je m'adresse à nos amis militants et bonnes volontés en tout genre : ça pourrait nous donner des idées, non ?

David Lecompte,
lecompte@email.enst.fr

Gageure 67 - janvier / mars 97