SENAT


Le C.C.U.S. a été reçu le 3 février à l'Elysée par le conseiller de la Présidence pour les affaires juridiques et s'est vu commander un rapport sur les mesures à prendre d'urgence, rapport sur lequel la Présidence s'engage à donner un avis d'ici un mois.

Le C.C.U.C.S. en Congrès

Le congrès du collectif pour le contrat d'union civile et sociale (C.C.U.S.) qui a eu lieu le samedi 11 janvier au Sénat a été l'occasion de se remettre les idées en place concernant le projet porté par le collectif, à savoir le C.U.S.

Des représentants de partis politiques, d'associations ainsi que des chercheurs ont participé à deux tables rondes qui ont permis un travail de qualité.

Le C.U.S. aujourd'hui

L'objet du C.U.S. est de créer un "statut universel pour tout ceux qui partagent un projet de vie commun". Il ne s'agit donc pas d'un statut spécifique aux seuls homosexuels, qui ne sont pas considérés comme une catégorie à part, mais de donner une réponse sous une forme concrète à l'ensemble des questions concrètes que peut amener un tel projet de vie impliquant une solidarité mutuelle des deux partenaires.
Comme l'a noté Gérard Bach-Ignasse, les principes du C.U.S. sont, depuis l'annonce du projet en 1992, de plus en plus souvent repris et traduits en actes. Ainsi, de nombreuses mairies acceptent de délivrer des certificats de vie commune sans tenir compte du sexe des personnes concernées. D'autre part, ces certificats ont acquis une valeur autre que symbolique puisque la SNCF délivre maintenant des cartes couples aux personnes vivant sous le même toit, toujours sans discrimination de sexe. Enfin, la Lesbian & Gay Pride a rassemblé en 1996 plus de cent mille personne autour de la revendication du C.U.S., parmi lesquelles un certain nombre de personnes qu'on peut définir comme "hétérosexuelles" .

Le C.U.S. à l'Assemblée

Sur un plan pratique, le congrès s'est intéressé aux perpectives pour l'avenir. Le C.U.S., texte issu d'une réflexion du collectif, a subi des modifications et peut sans doute être amélioré et affiné. En tout état de cause, la discussion sur une rédaction définitive s'engagera à partir des propositions déposées à l'Assemblée nationale. Le P.C. et le P.S. ont exprimé leur intention de déposer un texte (le P.S. a déposé une proposition légèrement modifiée le 23 janvier 1997), le Mouvement des Citoyens a déjà plusieurs fois déposé la proposition du collectif. Une fois acquises ces avancées grâce au travail opini‰tre du collectif, il s'agira de défendre ces propositions à l'Assemblée comme en dehors.
Roseline Bachelot (R.P.R.), qui n'a pas caché la difficulté qu'il pouvait y avoir à défendre le C.U.S. dans son propre parti, a tenu à dire qu'il peut suffire "d'expliquer gentiment, calmement, les évolutions de notre société (...) de rappeler même quelquefois des éléments qui peuvent faire appel à un souvenir, à un cas personnel de [son] interlocuteur" pour lui faire prendre conscience de la valeur du projet.
Ensuite, il est nécessaire que "ces textes législatifs soient portés, soient accompagnés par une opinion publique complice. Parce qu'on peut combattre un texte dans les faits." Cité ici, l'exemple de l'autorisation de l'avortement, qui est régulièrement remis en cause par les agissements de groupes de pression.

Les moeurs et la loi

Janine Mossuz-Lavau (directeur de recherche au C.N.R.S.) a fait le bilan de l'évolution de la loi sur les trois questions de la contraception, de l'I.V.G. et de l'homosexualité. En soulignant que "dans tous les cas, la loi vient toujours bien après l'évolution des moeurs".
Ainsi, au sujet de la contraception: " il a fallu onze ans de combat pour obtenir la loi de 1967 qui autorisait la contraception dite moderne qui était en vigueur dans d'autres pays depuis pas mal d'années". Et encore, cette loi précise qu'on ne peut faire aucune publicité sur son texte, alors qu'il est dans le principe d'une loi d'être portée à la connaissance de tous. Pour l'avortement, il a fallu un combat encore plus fort pour obliger les pouvoirs publics à se saisir de la question. C'est seulement à la suite d'événements comme le "manifeste des 343" ou le procès de Bobigny, montrant que des femmes ayant avortées n'étaient pas condamnées, et grâce à l'action du M.L.A.C. (Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception) qui a pratiqué des avortements au vu et au su des pouvoirs publics, qu'il est devenu évident que la loi ne pourrait plus être appliquée. Et il a encore fallu un changement de président et une bataille à l'Assemblée mettant en scène des propos orduriers avant d'obtenir une modification de la loi.
Enfin, sur la question de l'homosexualité, il a fallu de nombreux mouvements successifs, le F.H.A.R., puis le C.U.A.R.H. qui a organisé débats et défilés, pour aboutir enfin en 1982, après une bataille de textes où aucun argument fallacieux n'aura été épargné, à la suppression des dernières mesures discriminatoires.
Il est donc absolument nécessaire de "ne jamais arrêter les actions les plus diversifiées possibles" et, "quand les projets sont en débat au Parlement, la vigilance ne doit pas être rel‰chée pour autant".

Débats autour du C.U.S.

Plusieurs questions ont créé un débat, comme celle relative à l'adoption, à partir notamment de l'intervention d'Eric Dubreuil pour l'A.P.G.L. (Association des Parents et futurs parents Gais et Lesbien). Les interlocuteurs présents à la tribune ont exprimé des avis réservés sur cette question telle Dominique Voynet pour qui "l'adoption est avant tout l'affirmation d'un droit, pour les enfants, à avoir des parents qui leur donne sécurité et affection et non pas le droit, pour les parents, d'avoir des enfants", même s'il faut "s'assurer qu'il n'existe (...) aucune disposition discriminante" et "éliminer l'arbitraire qui prévaut parfois, et même souvent en ce qui concerne les homosexuels dans les enquêtes sociales en vue d'adoption".
Ensuite, sur la question de la signification symbolique du C.U.S., si certains ont insisté sur la nécessité de rites illustrant une union amoureuse, d'autres ont signifié que chacun était libre de se donner les rites qu'il désirait mais qu'il n'était pas du rôle de l'état d'instituer un cadre normatif. Un intervenant a souligné son espoir de ne pas voir reproduite la situation due au mariage, passage obligé pour être reconnu. L'adoption du C.U.S. pourrait être suivie de l'abolition du mariage qui n'aurait plus lieu d'être.

David Lecompte
lecompte@email.enst.fr

Gageure 67 - janvier / mars 97