Il fallait rappeler que le Gage est, parmi les associations homosexuelles, l'une des plus représentatives. Et que cette représentativité est le résultat d'une fidélité sans faille aux objectifs de l'association : permettre à des garcons et des filles de tisser leurs premiers liens d'amour, d'amitiés, de rencontres. Leur permettre aussi d'inventer leur vie, avec un peu plus de liberté que ne l'accorde le regard particulier que la société porte sur l'homosexualité. Et même avec un peu plus d'imagination face aux parcours obligés de la découverte de l'homosexualité, si pauvrement magnifiés par certains discours militants. Les positions du Gage ne font pas toujours plaisir à tout le monde. Elles sont parfois complexes, discutables, et discutées. Elles sont l'écho le plus respectueux possible du vécu de ses adhérents. Et je suis fier de les avoir défendues avec intransigeance.
Comme toutes les associations homosexuelles, nous menons de front un combat pour la visibilité homosexuelle et des actions de prévention contre le sida. Notre rôle est d'autant plus important que l'entrée en sexualité des jeunes, et des jeunes homosexuels en particulier, est désormais une préoccupation prioritaire des politiques de prévention. Mais mener cette double tache n'a rien d'évident !
Par exemple, ce n'est pas parce qu'on est une association de jeunes homosexuel(le)s que l'on sait forcément, par avance et par nature, ce qu'il est juste et efficace de proposer en matière de prévention. Aussi ce numéro de Gageure consacre une part importante de ses pages à la question de la prévention, mais aussi du r™le de la parole et de l'espoir autour de la maladie. Libres propos des uns et des autres, que nous préférons aux dogmes qui n'ont jamais guéri personne.
Certaines actions de prévention du Gage font désormais l'objet d'une convention établie avec la Direction générale de la santé. Du point de vue du militantisme homosexuel, on peut se réjouir de cette marque de reconnaissance à l'égard de notre association. Du point de vue de la prévention, il faut plus prosaiquement en conclure que les propositions concrètes que nous avons avancées ont été prises au sérieux. Les actions de prévention en milieu universitaire, destinées à un public dont on ne préjuge pas de la sexualité, doivent intégrer la visibilité des associations homosexuelles. Mais ce n'est pour l'instant qu'une idée. Et les moyens sont là. Alors mes derniers mots seront : Du courage !
Yves Roussel
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Jean-Baptiste
La manifestation s'inscrit dans un programme de deux journées d'actions à Rouen. Le vendredi 17, la FNAC locale programme à 17h30 un forum sur la prévention qui réunira Sébastien de l'association Prélude en Rock Majeur, association nationale qui associe musique rock et prévention du sida, un musicien du groupe Pigalle (Francois Hadji-Lazaro), un membre de AIDES Haute-Normandie et de Campus Action Sida et Laurent Gallissot. A l'issue du débat, la journée se poursuivra par un Concert de Pigalle, Aston Villa et Dominique Comont (City Kids), organisé par Prélude en Rock Majeur à l'Exocet. AIDES et Campus Action Sida tiendront des stands de prévention. Entrée 60 francs au profit de la lutte contre le sida. (A partir de 19h30.)
Renseignements complémentaires : Campus Action Sida 35 66 27 34
Sous format hypertexte : après avoir lancé Netscape, Mosaic ou Lynx, établir la connexion avec la base de donnée FQRD (pour French Queer Ressources Directory) dont l'adresse est
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Emmanuel Germain
Un nouveau guide de la vie homosexuelle parisienne vient de paraitre aux éditions RGA. Vincent Vichit-Vadakan, l'auteur de nationalité américaine a une excellente connaissance de la capitale francaise où il réside depuis 1986 et décrit en fin connaisseur les établissements, associations ou lieux qu'il recense exhaustivement dans son guide. Totalement bilingue, ce guide est à conseiller absolument à vos amis anglophones. Prix de vente 129 F.
Les Enfants Terribles
BP 7035 14081 CAEN Cedex
Benoit Godefroid
Le mercredi 26 novembre 1994, le Gage recevait Daniel Defert, sociologue et fondateur de l'association Aides. Le précédent numéro de Gageure a rapporté les circonstances de cette rencontre : deux heures de discussions, pendant lesquelles Daniel Defert nous a fait généreusement partager les outils d'analyse et de réflexion qu'il s'est forgés. Nous avons déjà publié quelques passages de cette intervention ; ils concernaient la description de la vie homosexuelle à Paris dans les années 60. Décennie au cours de laquelle on n'avait pas à affirmer une identité homosexuelle, dans la mesure où les pratiques étaient justifiées par toute une série de différences et de dissymétries. Daniel Defert soulignait ensuite que la rupture des années 70 avait signifié la constitution d'un milieu homosexuel marqué par l'homogénéité. Cette transformation, commencée aux États-Unis, est très importante pour comprendre ce que fut la délimitation de la diffusion et la perception de l'épidémie de sida.
Voici maintenant une brève synthèse des réponses et de l'éclairage original que Daniel Defert a apportés aux questions suivantes : Quelle prévention peut-on imaginer en direction des jeunes homosexuel(le)s ? Quel role peut ou doit jouer la visibilité gaie dans la prévention ? On le voit, les questions posées ont relevé d'une brulante actualité. Les associations de jeunes homosexuel(le)s, à l'exemple du Gage, mènent de front un combat pour la visibilité homosexuelle et des actions de prévention destinées à un public spécifique. D'où tirons-nous la conviction que le premier de ces combats n'est pas mené au détriment de l'autre ? Parions que les explications de Daniel Defert vont sérieusement modifier l'horizon de nos engagements.
Pourquoi cette résistance au schéma identitaire ? On peut tirer beaucoup d'enseignements des études menées sur l'échec scolaire, qui permettent de comprendre quels sont les messages qui marchent et quels sont les messages qui ne marchent pas. Il est frappant de constater que les personnes en échec scolaire sont en général des personnes à qui l'on proposait des objectifs pour plus tard. Celles qui réussissent, en revanche, sont celles qui acquièrent des expertises pour maintenant. Finalement, s'adresser au futur des gens, c'est une manière de ne pas s'adresser à eux. Le discours idéologique n'est pas forcément le meilleur outil de prévention, le plus adéquat à ce qui est vécu au présent.
En ce qui concerne la France, on affirme parfois, en comparant avec le cas des Pays-Bas, que l'épidémie aurait été mieux combattue si le milieu homosexuel avait été plus structuré. La question pertinente est la modalité de structuration du milieu homosexuel. Aux Pays-Bas, les homosexuels avaient leur mouvement d'auto- médicalisation. En France, la seule structuration était celle du milieu commercial, pour qui la mobilisation contre le sida posait de sérieux problèmes. Cela dit, dès 1985-1986, le travail de l'association Aides au sein du milieu gai a porté ses fruits : les statistiques montrent un ralentissement de l'épidémie dans la population homosexuelle, à une date où il n'y avait pas encore de campagne nationale de prévention.
Il ne faut pas confondre un mouvement de visibilité ou d'identité gaie, qui est un mouvement politique, et un mouvement de prévention. Ce n'est pas parce que ce sont les mêmes personnes qui mènent les deux qu'il faut penser que les objectifs et les moyens sont absolument homogènes. Si on ne menait de prévention qu'en proposant comme modèle une identité gaie déculpabilisée, on exclurait tout un ensemble de gens qui ont des relations homosexuelles sans se reconnaitre dans l'identité gaie. Un maghrébin qui a un rapport de pénétration n'a aucune raison de se définir comme gay. C'est complètement autre chose culturellement et socialement. La notion d'homosexualité n'est pas seulement définie par le lieu où l'on met son phallus. Il y a des homosexuels sans activité sexuelle et des personnes qui ont des pratiques homosexuelles et qui ne s'éprouvent pas comme des homosexuels. La prévention doit en tenir compte. L'identité est construite dans une interaction avec la société qui censure, qui réprouve, ou ne réprouve pas. L'enjeu d'une affirmation homosexuelle n'est pas d'affirmer une nature qui est déjà définie par la société qui vous a sanctionné, mais d'inventer sa visibilité, son mode d'être dans le champ social. Avec l'insertion dans le champ de l'épidémie, les homosexuels ont rendu visibles la totalité de leurs affects et la totalité de leurs engagements publics et sociaux. C'est un changement majeur. C'est sur cette nouvelle visibilité politique qu'émerge maintenant en France cette question de l'identité, au moment même où les américains reconceptualisent la notion de l'identité. Ils avaient substitué au concept juridico-psychiatrique d' "homosexuel", le terme auto-proclamé de gay, référé à une culture, un militantisme et une prétention identitaire. Identité qu'ils problématisent à nouveau, à partir des travaux menés par Michel Foucault : ils réutilisent le vieux terme de queer qui désigne une étrangeté par rapport à la norme, et préfèrent à la notion naturaliste d'identité une notion d'auto-création ou self fashioning.
Compte rendu Yves Roussel
J'ai vu beaucoup de villes : Constantine, Annaba, Batma, Biskra qui sont des villes de l'est. Tizi-Ouzou et Bejaia en Kabilye. Alger, Oran sur la cote ouest. Ainsi que quelques villes du sud : Touggourt, Ghardaia, El Oued, Tamanrasset. Et maintes fois, lors de discussions que j'ai eu avec des jeunes de mon age, de ma génération et avec des personnes plus agées rencontrées dans ces villes, j'ai entendu le leitmotiv : "Faire l'amour quand on n'est pas marié(e) est un acte réprouvé par notre société". Ceci dit, n'allez surtout pas croire que tous les jeunes de mon pays ne flirtent pas et/ou ne font pas l'amour. L'Algérie est pleine d'amoureux. Je réalise néanmoins qu'il y a (encore) bien (trop) peu de jeunes qui peuvent s'enorgueillir de vivre leurs amours au su de leurs parents, de "gays" qui "osent" étaler et défendre leur homosexualité.
Je vois que les jeunes vivant en milieu urbain sont plus "chanceux" que ceux qui habitent dans une commune ou en milieu rural ; ils peuvent flirter en toute liberté loin de l'entourage-gêneur. En agglomération on trouve de plus en plus d'établissements mixtes, tels que les salons de thé, discothèques... Ce qui n'est vraiment pas le cas ailleurs.
Ici quand on est "gay", on n'est pas un homme. Et c'est pire qu'être une femme. Puisque la femme ne vaut pas l'homme. Quoi qu'il en soit, nos homos existent et aiment.
Ce qui m'indigne, c'est de voir beaucoup de gens associer le terme "homosexuel" au terme "prostitué". Donc, lorsqu'on est "gay", forcement, on se prostitue ! Pour eux, la différence est infime. Pour moi elle est nette.
Dites-moi les copains francais, vous rendez-vous compte que vous avez la chance d'avoir des associations gaies ? Je dis "chance", mais je sais bien que cela ne s'est pas fait si aisément... Mais en Algérie, comment le pourrait-on ? Surtout en ces temps où le terrorisme ne cesse de sévir... Et quand je pense qu'il existe en France, des Centres Gais et Lesbiens "visibles", et qu'ils sont fréquentés par des centaines de jeunes, je crois rêver. En Algérie, dans un contexte de vie qui ne se prête pas à la création de telles associations, un tel projet demeure utopique. Mais je garde quand même l'espoir de voir un jour, tous les tabous supprimés, l'amour triompher.
Mustapha
Certaines personnes cependant ont manifesté leur courage en militant pour les droits de leurs semblables. Un premier congrès, réuni les 20-21 mars 1993 à Kiev, a proclamé la nécessité de la création de l'association Ganymède. Cette association a pour but d'offrir aux homosexuels une structure d'accueil, d'écoute, d'information et de convivialité. Ganymède agit également dans le cadre de la lutte contre le sida. Enregistrée le 12 mai 1994 au ministère de la Justice, l'association n'a pas encore une grande influence. En province, les groupes gais sont petits et peu efficaces. Les liens avec le centre sont pour l'instant peu développés. Quelle est la situation actuelle ? L'article 122 (part I) du code pénal qui punissait la pénétration anale a été abrogé il y a presque 2 ans. Mais l'action politique s'avère difficile. Les partis politiques ne sont pas très accueillants. Les seuls alliés sur lesquels peuvent compter les gais et lesbiennes sont les organisations de lutte contre le sida.
Notre plus grave difficulté est l'absence de moyens d'information. Les homos ont besoin de conseils pratiques pour affronter les problèmes moraux et mentaux qu'ils rencontrent ; l'instruction scientifique du grand public est d'autre part un enjeu extraordinairement actuel pour notre société demi-civilisée. Les médias existants, généralement homophobes, font dans le sensationnalisme lorsqu'ils traitent le sujet. En septembre 1994 l'enregistrement de la revue homosexuelle Bogdan a été définitivement refusé. Dans le cadre de la lutte pour la "moralité", les journaux érotiques Pan + Pani ("Monsieur + Madame") et Intéressnaia Gazeta ("Journal intéressant") qui quelquefois offrent des articles pour homos, ont été rappelés à l'ordre. L'association Ganymède, de son coté, publie un bulletin d'information périodique avec un tirage modeste, et un second bulletin C'est quoi être gai ? destiné aux clientèles étudiantes, aux parents et au grand public. Les autres projets, dont la création d'une agence d'information gaie, sont actuellement gelés pour cause de ressources insuffisantes. S'abonner à des revues gaies de l'étranger est presque impossible : la vie est dure dans notre pays en ce moment ; chez nous un bon salaire est estimé à 15-20$ par mois ; un journal, une revue, est la rareté. Et nous ne voyons guère d'issue pour sortir de ce marasme.
Ainés et jeunes, chez les gais, mettront longtemps à se rejoindre. Il y a un fossé entre les gens qui s'affirment et ceux qui ont peur de s'affirmer. Peur de ce que les autres vont dire. Peur d'être reconnu dans la rue. Peur... Peur... En province, il est très difficile pour les mecs de rencontrer une personne partageant les mêmes affinités Quelques journaux publient d'une facon irrégulière des petites annonces. Même à Kiev, qui est pourtant la capitale de l'Ukraine, il n'y a pas encore de clubs, de bars, de boutiques, de saunas notoirement gais. On drague dans les toilettes publiques (le lieu de rencontre le plus utilisé), les parcs ou dans les stations de métro.
Le guide international Spartacus sous la rubrique Ukraine annonce quelques adresses pour Kiev et Odessa. Cependant, comme c'est souvent le cas en ex- URSS, ce sont des endroits pour des gais riches et pour des touristes sexuels. Ces messieurs occidentaux d'ages plus que respectables draguent les jeunes ukrainiens ne voyant dans la prostitution qu'un moyen de surmonter les difficultés matérielles.
L'homosexualité étant marginalisée, l'homosexuel vit difficilement sa sexualité. Le gai a généralement une bonne connaissance des risques de transmission des MST et du VIH. Les émissions TV et radio nous rappellent constamment d'être prudents et d'utiliser des condoms. Le nombre de cas de sida officiellement recensé est de 31, parmi lesquels 15 décès dont 4 enfants. Le nombre de séropositifs est de 382 parmi lesquels 207 étrangers (septembre 1994). Mais le gai a généralement des pratiques sexuelles à fort risque de contamination. D'une part les capotes sont de mauvaise qualité (produites en ex-URSS ; pas de produits ukrainiens), coutent cher et sont destinées à la pénétration vaginale. D'autre part nous en manquons et c'est pourquoi il y a beaucoup d'avortements dans mon pays.
L'homosexuel "aurait" souvent des rapports sexuels oraux-génitaux avec des hommes hétérosexuels, car les femmes seraient plus réticentes à avoir ce type de rapport ; il adopterait généralement le role passif.
La discrimination dont font l'objet les homos dans notre société contribue à la bisexualité. Dans ce contexte, on ne s'étonne guère de voir de nombreux gais et lesbiennes quitter la misère, le chomage, la corruption, la violence, l'homophobie pour la démocratie, la prospérité et la liberté sexuelle de l'occident.
Malgré l'absence de groupes gais à l'université et à peine quelques professeurs osant parler ouvertement d'homosexualité, j'estime qu'il est plus facile d'être gai à l'université qu'ailleurs dans la société ukrainienne. On risque moins d'être agressé là qu'ailleurs. Chacun se sent assez en confiance pour être ouvert quant à ses préférences sexuelles même s'il n'a pas osé s'afficher publiquement.
Victor
lecompte@email.enst.fr
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20/04/1997, page actualisée par David Lecompte,
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