FQRD GAGE Gageure 56
décembre 94-janvier 95

Sommaire


Edito

Bonjour Bonsoir, bienvenue au Duplex. Comme tous les mercredis soirs, c'est le rendez-vous du Gage, l'association des étudiants et des étudiantes exotiques. Venez venez Milord, il fait si froid dehors, sous ma couette c'est supportable. Les petits nouveaux sont priés de se faire connaitre à l'accueil, avant que les administrateurs de l'association ne commencent à boire . Au dehors, l'hiver, la neige tombait, les bouches d'égout fumaient dans l'obscurité du Bronx. Sans cette voix mélodieuse qui me souhaita la bienvenue, oû serais-je maintenant ? Vous aussi, rejoignez l'accueil du Gage : c'est l'amour qui passe. (Pas avant 20h30, on n'est pas levé - Bar d'Art Le Duplex, 25 rue Michel Le Comte 75003 Paris).

Sorti de sa couette, le Gage est aussi une association qui combat l'épidémie de sida. Nous avons participé à la séance plénière du sommet de Paris, écouté moult chefs de gouvernement et dégusté une fine tranche de foie gras de canard arrosé de Sancerre. Tous les discours entendus provoquent un sentiment ambivalent. D'abord l'aspect positif : la dimension tragique de l'épidémie est enfin prise en compte par l'ensemble des Etats, et le combat à mener contre la maladie fait désormais partie des préoccupations obligatoires de tous les responsables politiques ; le droit des malades, l'importance du travail mené par les organisations non gouvernementales, sont maintenant des thèmes obligés de la langue de bois diplomatique. Et quelques pays associent très clairement la lutte contre la maladie avec la nécessité de combattre toutes discriminations visant des populations ou des comportements minoritaires. L'aspect négatif : que de mots, que de mots ! Les quelques responsables d'associations égarés dans cette grande messe se sont inquiétés de la distance entre les discours et la réalité. Il y a toujours un décalage de quelques années entre ce que disent et percoivent les associations, et la mise en oeuvre des solutions par les pouvoirs publics. Quel que soit l'accueil réservé aux associations par les institutions politiques, il est clair que lorsqu'il s'agit d'affronter des problèmes jusque là ignorés, de proposer des solutions originales, nous sommes bien seuls. Enfin, pas si seuls que ca : il y avait du monde à la manifestation du 1er décembre, entre Montparnasse et Saint-Germain. Nous avons défilé aux cotés d'Aides et d'Act-Up Paris, aux cris de "du foie gras au menu, les malades sont dans la rue" (Slogans trash, ©1994 Gage)

Voilà de quoi agrémenter d'un peu d'humour queer vos repas de fin d'année. Joyeux No¤l à toutes et à tous ! On se retrouvera en 1995, avec une nouvelle équipe, et toujours plus d'ambition et de sérénité.

Yves Roussel

Brèves

20 ans for ever

Bon, on vous l'avait peut-être pas dit, on vous le répète. 20 ans, le journal des collégiennes avec les cheveux dans le vent est votre journal. Toutes les questions qui vous préoccupent sont abordées franchement et sans tabou dans le numéro de décembre : "êtes- vous tombée sur un homme-enfant ?", "Comment reconnaitre un fou ?", "Résoudre nos blocages sexe" et surtout un spécial banc d'essai : les séducteurs gay. Pour ceux qui préfèrent quand même Gageure, juste un extrait du banc d'essai consacré au séducteur gay version intello des bas-fonds : " IL FAIT : il se rend avec entrain dans la cabane en tole ondulée que vous habitez avec votre mère veuve et vos dix-sept petits frères et arrose de dollars tout la famille. AU LIT : il aboie et vous supplie de le promener en laisse. LA PHRASE APRES : "tu es un déchet humain, tu es la lie, mais c'est toi qui es dans la lumière." N'attendez pas d'être intoxiqués à Tribus ou Illico, précipitez vous sur 20 ans. Malheureusement pour notre santé affective, aucune réduction du prix d'abonnement n'est actuellement offerte aux adhérent(e)s du Gage. (Que fait le service abonnement ?)

EXPO PHOTO

Pour encore quelques jours, la Librairie Les Mots à la Bouche accueille l'Exposition du photographe Bruce McKaig au sous-sol de la librairie (fin le 31 décembre). A partir du 5 janvier 95, le photographe RV LEBEAUPIN expose ses oeuvres pour sa première exposition. RV LEBEAUPIN sort également son premier livre après avoir travaillé au Service photo du Gai Pied et avoir réalisé des cartes postales. (NDR : certaines sont en vente à la librairie.)

RUBAN ROUGE

Ruban Rouge, l'émission sur le sida, créée dans la foulée de la soirée Sidaction et seule émission du monde consacrée à la maladie, se maintient sur la grille de France 3 avec un nouveau rythme de diffusion. Actuellement on retrouve l'émission une fois par mois chaque deuxième samedi soir du mois sur France 3 vers 23h40. Le trio d'animateur reste inchangé, Elizabeth Martichoux, Serge Hefez et Renaud Rahard complété par des chroniqueurs réguliers.

Prochain sommaire : un extrait du film Sida Propos réalisé par Raymond Depardon pour l'armée (à destination des appelés.) Téléphone du standard de l'émission pour intervenir en direct : 49 79 33 33.

YOKOHAMA

Le Journal du Sida (Arcat Sida) et Transcriptase (CRIPS) ont uni leurs efforts pour publier un récapitulatif des communications qui ont été faites à la Conférence internationale sur le sida de Yokohama. Le document se présente sous la forme inédite d'une fusion de la maquette et du format des deux revues. Extrait du sommaire : Prévention chez les homosexuels - la dynamique australienne, Sexualité et prévention - Le parti-pris des idéologies, Yokohama ou les occasions manquées, Interactions VIH/MST... En vente 100 francs au CRIPS, Chez Arcat sida, au Kiosque, aux Mots à la Bouche...

Jan-Paul POULIQUEN STORY

Jan-Paul POULIQUEN vient d'être élu délégué national chargé des questions de société du Mouvement des citoyens. A ce poste il travaillera en étroite collaboration avec les secrétariats nationaux aux droits des femmes, à la Justice et aux questions relatives à la jeunesse. Jean-Pierre MICHEL (Secrétaire national) et Jan-Paul POULIQUEN s'intéresseront plus particulièrement aux secteurs : famille, sida, bioéthique, troisième âge, sexualité... Contact : Jan-Paul POULIQUEN 43 55 03 58

Quart d'heure de gloire

"J'ai 23 ans et je suis homosexuel. L'émission de ce soir est consacrée aux jeunes et à l'amour. Ca vous pose un problème d'avoir un homo sur le plateau ? " C'est le choc : sous les applaudissements du public, Pascal vient s'installer aux cotés des autres invités de l'émission "Chela ouate", animée par le Doc. Pascal était il y a un an le rédacteur en chef de Gageure, il a accueilli dans l'association un grand nombre d'entre nous : bien placé pour savoir ce qui se passe dans la tête de tous ceux qui aimeraient entendre plus souvent un homo parler à la télé. Alors, voilà, c'est fait, bravo Pascal. Et quel courage ! Parce que pour l'instant, ce role de témoin, ils ne sont pas nombreux ceux qui acceptent de le tenir.

SIDACTION 2 ?

Les chaines organisatrices de la soirée du 7 avril dernier (TF1, France 2 - France 3, Canal Plus, M6, Arte et RFO) et la nouvelle cinquième chaine se sont mises d'accord vendredi 9 décembre dernier sur "le principe d'un engagement commun en 1995 dans la lutte contre le sida".

La forme que prendrait cet engagement n'est pas encore déterminée, une rencontre de tous les PDG doit avoir lieu en janvier 1995 et devrait trancher la question cruciale - un autre SIDACTION, ou une autre forme d'émission ? Réponse en janvier.


Manière de voir

Grande première jeudi 1er décembre, je manifeste ! C'est la première fois que je descends dans la rue. A 25 ans, il était temps ! C'est que j'attendais une vraie raison pour user mes semelles, et malheureusement, le sida en est une. Lorsque j'intégrais la manifestation près de la rue du Vieux Colombier je me demandais un peu quelle attitude tenir dans ce genre de circonstances.

J'ai d'abord regardé passer ceux qui donnaient le ton : les militants d'Act Up. Ils tirent le signal d'alarme avant le grand chaos. Ensuite, j'ai vu les militants de AIDES, et puis il y avait tous les autres, ceux qui, comme moi ne font pas partie d'Act Up ou de AIDES, qui ne sont pas directement touchés par la maladie, qui ne vivent pas dans un contexte particulièrement atteint et qui, pourtant, se sentent concernés. Ils ont fait, comme moi, la démarche individuelle de venir se joindre pour montrer leur solidarité et leur engagement personnel à lutter contre la maladie. C'est peut-être ce qui fait la réussite de cette manifestation : lorsque des gens qui n'ont rien à revendiquer pour eux-mêmes viennent livrer leur détermination pour montrer à la société quelle attitude tenir face au sida.

Autre image de la journée, autre impression : la soirée au Bataclan. Beaucoup de monde dehors (et pas forcément du beau), encore du monde à l'intérieur, il faut payer sa cotisation, et pour celui qui voulait passer par le vestiaire, alors là, le bagne. Bref pour ceux qui arrivaient à gagner la salle, la soirée n'était pas réussie d'avance pour autant. Avant de danser et/ou draguer, il a fallu se payer le spectacle des soi-disant artistes qui se sentaient concernés ce soir-là par le sida. Josiane Balasko et Pierre Palmade ont fait une apparition, mais on a surtout (et malheureusement) vu les deux présentateurs : Laurent Petitguillaume (pas si mignon que ca) et SUPERNANA de SkyRock (ouf ! je suis PD !). Entre deux présentations qui se voulaient droles, on a du supporter des chansons longues et tristes (ne me demandez pas le nom des "artistes", je ne connais pas et n'ai pas envie de connaitre !)

Et le clou de la soirée, c'était quand même l'engueulade de Jacques Higelin. Oui, oui, on s'est fait engueulé. Il n'y a pas d'autres mots. Il a même eu des gestes obscènes à notre encontre. La raison de son énervement ? Nous sommes tous des petits privilégiés qui avons la chance (tu parles !) d'être au Bataclan ce soir-là, alors que beaucoup d'autres personnes se battent "vraiment" contre le sida plus sincèrement et activement. Bref, nous étions des petits parisianistes, élitistes, des enculés (ca je le savais déjà !) Avait-il raison sur le fond ?

Je crois qu'il a confondu deux choses : le public qu'il a insulté ce soir-là, et qui l'a été injustement, et tout le show business, des VIP et des coulisses. Moi, je n'y étais pas, mais vu le spectacle qui en ressortait, c'est sur, ca devait plutot être puant. N'empêche que franchement, moi, je n'y suis pour rien. Insulter gratuitement les personnes qui étaient là ce soir là, qui étaient à la manifestation ou qui avaient participé quelques heures plus tot au déploiement du Patchwork des noms, insulter tous les militants d'Act Up, de AIDES, insulter les gens qui souffrent du sida et qui se battent contre, bref nous insulter, c'était complètement stupide. Il nous reprochait d'être là, de faire la fête. Et alors ? Se battre contre le sida, c'est se battre pour la vie. Et lui aussi était là d'ailleurs, il savait très bien ce qu'était cette soirée. Personne ne l'a obligé à venir. Il n'y a qu'une personne qui a compris ce qui se passait ce soir là, c'est Agnès B. Désinvolte, même un peu intimidée, elle est montée sur scène, en dernier. Son visage avait l'air de dire : Pourquoi moi ? Je ne suis pas une vedette, chacun est au même niveau. Elle nous a simplement dit que les capotes gratuites c'est elle, et que maintenant on pouvait faire la fête. Le seul message utile de la soirée : le préservatif, c'est la vie. Merci Agnès.

Benoit Godefroid

Le Roi Lion

Francois Vergne, notre analyste politique étudie pour vous le dernier scénario Disney

On l'apprend dans Le Monde (édition du jeudi 24 novembre), le Roi Lion , la nouvelle superproduction Disney - c'est bientot Noel, il faut bien remplir le tiroir- caisse - est l'objet de vives critiques aux Etats-Unis : non seulement le film serait un vulgaire plagiat d'une série télévisée japonaise, mais encore l'accuse-t-on de racisme, de sexisme et d'homophobie. De racisme parce que les lions, dont les valeurs sont celles de tous (vous et moi) et qui s'expriment dans un anglais ch&tié, apparaissent à bon droit comme les rois de la jungle, alors que les hyènes qui sont leurs ennemies - elles représentent le danger de déstabilisation de tout l'édifice social - parlent, elles, avec l'accent des Noirs ou des Porto-Ricains des ghettos de New-York ou d'ailleurs. De sexisme parce que, hormis une scène de lutte entre le petit prince, le futur roi de la jungle, et celle qui sera son épouse, ou on nous montre qu'une femme peut avoir le dessus sur un homme, les lionnes, impitoyablement écartées de la vie politique, sont condamnées à attendre l'arrivée du mâle qui les confine dans une pure fonction de reproduction. D'homophobie enfin, parce que Scar, l'affreux Scar (cicatrice, balafre en anglais), qui fait assassiner son frère le Roi pour prendre sa place sur le trone au détriment de son neveu, affecterait le parler maniéré et précieux qui signale certains homosexuels. Et puis regardez sa crinière : elle est propre, lisse, bien coiffée : oui, Scar est un dandy, il prend bien soin de lui, et qu'est-ce qu'un dandy aujourd'hui sinon un homosexuel ? Mais même, c'était déjà comme ca avant : tenez, César : ne disait- on pas qu'il se faisait bruler les poils de la barbe, et qu'il allait jusqu'à s'épiler le cul ? Lui aussi, il prenait soin de sa personne, et la légende dit (Suétone) qu'avant même d'être l'homme de toutes les femmes, il avait été la femme de tous ses hommes (ses soldats). Bon, what's the point ? comme diraient nos amis américains ? Le film est raciste ? Allons, allons, est-ce vraiment si grave ? Le racisme est partout, alors un peu plus ou un peu moins... Et puis moi aussi, un jour, j'ai essayé de rentrer au Banana Café en bermuda, et on m'a refoulé : c'est comme si j'avais été noir ou arabe. Sexiste ? Alors là, c'est vrai, vingt ans de lutte hystérique pour en arriver là, c'est dommage. D'autant que les femmes sont un peu nos soeurs, non ? Elles sont victimes elles aussi du phallocrato-centrisme des hommes. Quand on y réfléchit bien pourtant, attendre qu'un homme tout sexe dehors, et tendu (je n'en rajoute pas) vienne vous faire des câlins... Mais homophobe, ah ! non. Bien sur, il y a le plaisir du cinéma. Vous y étiez déjà : un gros paquet de pop-corn entre les jambes, les doigts poissés de Haagen Daaz, vous étiez prêt à laisser couler en vous le sirop Disney. Mais puisque c'est comme ca, non, vous n'irez pas. C'est un premier pas et ce n'est certainement pas moi qui vous détournerai d'une si heureuse résolution. Mais il faut s'y mettre tous : pourquoi ne pas lancer un appel au boycott ? Représentez-vous la scène : toute la presse gaie mobilisée, les associations dans la rue, les folles d'Act-Up, et celles du Gage pour une fois, en tête de tous les manifestants, de gentils représentants imberbes, cheveux coupés courts et boucle à l'oreille, allant débiter leurs lecons apprises sur les plateaux de télévision... Le discours est déjà tout prêt : nous les homos, sommes une fois de plus l'objet d'une forme d'exclusion, on nous représente sous des traits caricaturaux et on fait de nous des méchants. La culture est homophobe, et l'a toujours été. Pétrone, Sade, Proust, Genet, Burroughs et tant d'autres qui ont intégré la culture officielle ou en ont fait partie de tous les temps ? - L'Histoire commence à Stonewall.

Francois Vergne


Compte rendu de Débat Part I

Daniel Defert était l'invité du Gage le mercredi 26 novembre

"Dans les années 60, l'élément constituant de la vie homosexuelle était la dissymétrie."

C'était au café "Le Père Tranquille", un mercredi soir de novembre. Le Gage recevait Daniel Defert, sociologue et fondateur de l'association Aides, devant une assemblée attentive et impressionnée. Impressionnée par le récit d'un parcours exceptionnel, celui d'un universitaire qui fut aussi un militant. Impressionnée par la qualité des réflexions et de la pensée d'un homme d'action. La rencontre a duré deux heures, deux heures d'une grande densité ; les anecdotes, les histoires parfois croustillantes ont alterné avec des analyses sociologiques qui ne cédaient pas à la facilité. Nous nous sommes tous sentis honorés d'être l'adresse d'un discours de cette qualité. Alors vraiment, les administrateurs du Gage présentent toutes leurs excuses à celles et ceux qui ont recu les invitations trop tard. (Serait- ce la marque d'un élitisme rampant ?)

Il faudrait pouvoir rapporter ici le récit de la rencontre de Daniel Defert et de Michel Foucault, cette rencontre qui n'a jamais cessé pour Daniel Defert, même après la disparition de son compagnon, à travers les instruments intellectuels et politiques qui lui étaient légués. Il faudrait raconter les conditions de la création de l'association Aides en 1984, après la mort de Michel Foucault : lorsqu'il a fallu réagir à l'expérience d'un deuil, à l'incapacité que les gens avaient d'affronter le deuil homosexuel. Lorsque vivre l'absence de paroles franches des médecins devenait inacceptable. Aides fut créé comme un mouvement de prise de paroles, offert aux gens qui avaient été exclus d'une parole de franchise, qui se trouvaient enfermés dans un silence par le corps médical et par leur entourage. Il faudrait donc ajouter à ce récit l'histoire du Groupement d'information sur les prisons, qui servit de modèle lors de la création d'Aides.

Le débat restera aussi dans nos mémoires pour ce qu'il nous apprit de la lente prise de conscience de la communauté homosexuelle francaise, lorsqu'elle fut confrontée à l'épidémie de sida. Quelle a été la réaction des organisations homosexuelles, du milieu commercial homosexuel face à l'épidémie dans les cinq premières années de la décennie 1980 ? L'état d'esprit qui régnait alors est bien difficile à restituer ; les interventions de Jan-Paul Pouliquen présent ce soir-là ont rappelé les résistances que cette communauté a d'abord manifestées à l'égard du discours de prévention.

Dans l'obligation de choisir, voici un moment particulièrement original de ce qui s'est dit ce soir-là. Il s'agit d'une évocation de la vie homosexuelle parisienne dans les années 60, période vécue avec bonheur par Daniel Defert. Nous publierons dans le prochain numéro de Gageure un autre temps fort du débat, lorsqu'a été posée la question des messages de prévention du sida en direction de populations ciblées, et particulièrement en direction des " jeunes homosexuels "

La vie homosexuelle à Paris dans les années 60.

Les historiens américains des gay studies redécouvrent aujourd'hui la richesse de cette période. Daniel Defert a d'ailleurs mené un enseignement sur ce thème il y a quelques mois à l'université de Chicago, et nous a résumé rapidement les analyses qu'il a consacrées à cette période, aux heures de gloire d'une boite célèbre dans le monde entier : le Fiacre. A l'époque, l'élément constituant de la vie homosexuelle était la dissymétrie. Toute une série de dissymétries organisait le monde homosexuel : dissymétrie entre le jour et la nuit, puisque la vie homosexuelle était essentiellement nocturne ; dissymétrie entre semaine et week- end ; dissymétrie entre Paris et la Province ; dissymétrie entre plus jeunes et plus vieux, car il y avait alors un grand mélange d'&ges. Cette dernière s'accompagnait d'une dichotomie de fortune : ainsi le jeune prolo était très valorisé par la personne plus &gée, plus intellectuelle, ou plus riche. Dissymétrie encore de par le rôle passif ou actif emprunté dans la relation sexuelle. Dissymétries qui s'exprimaient toutes enfin dans la dissymétrie majeure entre vie privée et vie publique.

Dissymétries et légitimation

Il faut avoir à l'esprit ces traits dominants de la vie homosexuelle dans les décennies 1950 et 1960 pour comprendre comment se posait à l'époque la question de l'identité homosexuelle. On n'avait pas à affirmer une identité homosexuelle dans la mesure ou la sexualité se justifiait par le jeu de toutes ces différences. Cela signifie que les formes de légitimation des relations homosexuelles étaient différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui. La rencontre, l'acte sexuel était alors b&ti sur des dissymétries et justifié par les dissymétries. La grande rupture qui s'est faite dans les années 70, à l'époque du mouvement de libération homosexuelle (Gay Liberation Front aux états-Unis et Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire en France), aura finalement été la production d'homogénéité. Cette rupture a signifié l'homogénéisation en &ge, en style de vie, en signes de fortune. La différence s'est effacée au profit de la ressemblance. On a recherché son semblable en &ge, en présentation de soi-même La question du role qu'on tient dans la relation sexuelle s'est trouvée occultée ; on a gommé la différence des statuts sociaux au profit du blouson de cuir et du jean universel. Dans l'histoire du sida, la disparition de cette structuration de l'homosexualité, articulée à partir d'un ensemble de dissymétries, a eu une importance considérable. La rupture des années 1970, et la disparition des dissymétries, a constitué un milieu homogène qui n'existait pas auparavant. Par exemple, dans le milieu homosexuel des décennies précédentes, beaucoup d'hommes étaient mariés et pratiquaient la bisexualité. Si l'épidémie avait commencé dans ces années-là, elle aurait certainement été plus immédiatement hétérosexualisée. On ne l'aurait alors pas identifié comme atteignant spécifiquement le milieu gai. D'une part parce que les gens ne se seraient pas fait connaitre comme gais, se conformant à la dichotomie vie publique - vie privée. D'autre part parce qu'il n'y avait pas de médecins gais, à partir desquels il fžut possible de repérer des clientèles gaies. Si l'on a découvert l'épidémie dans un milieu homosexuel, et si on l'a percu comme atteignant spécifiquement le milieu gai, c'est parce que le milieu homosexuel s'était transformé, en devenant un monde délimité plut™t spatialement que temporellement, avec ses quartiers, sa visibilité commerciale, ou une part structurante de la vie privée était devenue enjeu d'une expression publique.

Compte rendu

Y. R.

(suite de l'entretien, Gageure 57)


Radio TSF 98

Rencontre au sommet le samedi 3 décembre chez Benoit pour recevoir deux excitants animateurs de la radio TSF 98, Pascal BLIN et Francois BLAIZOT. Non ne touchez pas à votre Tuner, TSF 98 c'est à Caen (Normandie), comme quoi en région, il y a des émissions qui bougent. L'émission fait un tabac chez les ménagères de moins de 50 ans. "Il faut écrire un article qui accroche" nous dit Yves en préambuleÉ Dur dur, car l'alcool aidant, les digressions étaient nombreuses - Bref puisque vous n'étiez pas présent ce soir là, voilà les moments forts de l'interview.

L'émission : "UNIVERSAL RADIO" sur TSF 98 à Caen, Hérouville et la région, en prolongement de Bric à Fac que Pascal animait précédemment avec Nadia. Tous les lundis de 20h à 21h (autant que le magazine RAGE à Paris !). UNIVERSAL RADIO : le magazine, culturel et gai, est destiné à soutenir les initiatives gaies locales et les activités culturelles remarquables. Il contribue aussi à modifier la perception que les hétéros peuvent avoir des gais et lesbiennes. Sans être prétentieux (qu'ils disent), ils servent de relais aux initiatives importantes que connait la région. L'émission essaie de faire passer l'insolite. C'est une des rares émissions qui donne la parole aux gens. Les autres animateurs de Caen n'ont pas forcement l'idée d'avoir des invités.

Les animateurs : Pascal 26 ans, animateur et Francois 21 ans, réalisateur. Contrairement à ce que pense Yves, Francois n'est pas sous la table pour détendre (!) l'animateur. Pascal : " Je n'ai jamais fait un truc qui me plaise autant, avant que Francois me rejoigne. Il ne se contente pas de faire la technique, il est créatif, il prépare l'émission avec moi, c'est quelqu'un qui apporte autant que moi à chaque émission. "

La musique : éclectique, nos gouts du moment (des Nonnes Troppo à Laurie Anderson...), 50/50 chacun pour le choix, ET des ringardises (merci Dalida !) La musique peut même devenir un thème central d'émission : le RAI bientot au programme.

Les moments forts : il y a eu des moments d'émotions intenses, quand un invité est passionné, extraordinaire et impressionne son auditoire. L'émotion à l'état brut. Un exemple : le passage à l'antenne de Martine de SOS Suicide Phoenix (présidente d'une nouvelle association de Caen).

Ils aiment - aiment pas Madonna : prévisible, charmante, impitoyable, Pascal l'adoreÉ Sheila : c'est la ringardise qu'on adore BB : elle m'emmerde Jean-Paul II : tout est prévisible, malheureusement tout est déjà écrit. Jeff Strycker : rien à foutre j'aime pas les hommes musclés et les grosses bites je m'en fous.

Il y a pas si longtemps le Gage animait une émission semblable sur FG 96,4. A Caen une émission comme celle-là ?

Propos recueillis par

Benoit
et
Jean-Baptiste

Diffusion : chaque lundi de 20h à 21h.

Contact : TSF 98 :
Antenne 31 43 98 98
Secrétariat 31 95 81 12

1010 Bd des Belles Portes - BP90
14203 Hérouville St-Clair Cédex


Petites Annonces

Réalisateur cherche témoignages. Pour permettre la préparation d'un film documentaire réalisé autour du thème "Jeunes et homosexualité aujourdh'hui", la société de production audiovisuelle F.G.D.S. recueille vos témoignages. Filles ou garcons agées de 16 à 25 ans, si vous souhaitez participer à l'enquête préliminaires, prenez contact avec Eric au (1) 43 58 64 29

Homos francais des 90's. Tristan & Sarah, deux étudiants anglais travaillent actuellement sur une thèse sur la société francaise portant sur la question de l'homosexualité dans les 90's (vie sociale, la loi, les problèmes, les progrès...) Merci de leur envoyer les articles, documents... que vous juger utile à leur travail (à part Gageure qu'ils ont déjà!). Tristan & Sarah - 4, rue de Bérulle - 94160 SAINT MANDE

Emplois

Claude, 26 ans, entreprenant et dynamique, cherche emploi sur Paris dans les domaines de l'édition, de la presse ou de l'audiovisuel scientifique. De formation scientifique (Magistère de Biologie) et historique (Thèse d'histoire des Sciences), je suis prêt à m'investir dans toute activité passionnante et enrichissante. Claude au 43 27 24 32.

Etudiant en 2ème année de LCE d'anglais donne cours de soutien. 100 F./heure Francois au 45 86 38 26

Correspondants Francais

Mustapha, jeune étudiant algérien de 21 ans, très sympa, recherche des correspondants étudiants homosexuels francais. Mustapha étudie le francais à l'université de Constantine. Ecrire au Gage qui transmettra.

Fabien, 18 ans, Réunionais voudrait correspondre avec des gais sur tous sujets pour lier amitié. Ecrire au Gage qui transmettra.


Gageure 57

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jbbouin@imaginet.fr
 


20/04/1997, page actualisée par David Lecompte, © 1995 - 1997 Gais et Lesbiennes Branchés et Gage
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