03 Décembre 1998 A4-0468/98

RAPPORT ANNUEL

sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne (1997)

Commission des libertés publiques et des affaires intérieures

Rapporteur: Mme Anne-Marie Schaffner

    S O M M A I R E

  1. A. PROPOSITION DE RÉSOLUTION
  2. B. EXPOSÉ DES MOTIFS

           Au cours de sa réunion du 14 novembre 1996, la Conférence des présidents a autorisé la commission des libertés publiques et des affaires intérieures à présenter annuellement un rapport sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne..

           Au cours de sa réunion du 19 mars 1998, la commission des libertés publiques et des affaires intérieures a nommé Mme Schaffner rapporteur.

           Au cours de ses réunions des 23 juillet, 23 septembre et 24 novembre 1998, elle a examiné le projet de rapport.

           Au cours de la dernière de ces réunion, elle a adopté la proposition de résolution par 17 voix contre 4 et 7 abstentions.

           Etaient présents au moment du vote les députés d'Ancona, président; Reding et Wiebenga, viceprésidents; Schaffner, rapporteur; Berger (suppléant Mme Crawley), Buffetaut, Cederschiöld, Colombo Svevo, De Esteban Marín, Deprez, Elliott, Gomolka (suppléant M. Mendez Bota), Lambraki (suppléant M. Ford), Lindeperg, Lindholm (suppléant M. Voggenhuber), Mohamed Ali, Nassauer, Oostlander (suppléant M. Jean-Pierre), Pailler (suppléant M. Vinci), Pinck, Pirker, Posselt, Pradier, Rack, G. Schmid, Stewart-Clark, Terron I Cusi, Van Lancker (suppléant M. Schulz), Voggenhuber, Wilson (suppléant M. Bontempi) et Zimmermann.

           Le rapport a été déposé le 3 décembre 1998.

           Le délai de dépôt des amendements sera indiqué dans le projet d'ordre du jour de la période de session au cours de laquelle le rapport sera examiné.


A.


PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Résolution sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne (1997)

Le Parlement européen,

- vu la Déclaration universelle des droits de l'homme,

- vu les Pactes des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les protocoles s'y référant,

- vu la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

- vu la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes,

- vu la Convention de Genève de 1951 et le protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, ainsi que les recommandations du HCNUR,

- vu la Convention sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l'égalité de chances et le traitement des travailleurs migrants (Genève, 1975),

- vu la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant (New York, 1989),

- vu les droits fondamentaux de l'homme garantis par les constitutions des États membres et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), ainsi que ses protocoles,

- vu la Convention européenne de 1987 sur la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants,

- vu les principes du droit international et européen en matière des droits de l'homme,

- vu la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme,

- vu l'avis 2/94 de la Cour de justice des Communautés européennes du 28 mars 1996 sur l'adhésion de la Communauté européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- vu la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux,

- vu le traité instituant la Communauté européenne,

- vu le traité sur l'Union européenne,

- vu le projet de traité d'Amsterdam,

- vu sa résolution du 12 avril 1989 portant adoption de la Déclaration des droits et libertés fondamentaux 1 ,

- vu sa résolution du 9 juillet 1991 sur les droits de l'homme 2 ,

- vu sa résolution du 12 mars 1992 sur la peine de mort 3 ,

- vu sa résolution du 18 juillet 1992 sur une Charte européenne des droits de l'enfant 4 ,

- vu sa résolution du 11 mars 1993 sur le respect des droits de l'homme dans la Communauté européenne 5 ,

- vu sa résolution du 19 janvier 1994 sur l'objection de conscience dans les États membres de la Communauté 6 ,

- vu sa résolution du 8 février 1994 sur l'égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté européenne 7 ,

- vu sa résolution du 27 avril 1995 sur le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme 8 ,

- vu sa résolution du 18 janvier 1996 sur la traite des êtres humains 9 ,

- vu sa résolution du 18 janvier 1996 sur les mauvaises conditions de détention dans les prisons de l'Union européenne 10 ,

- vu sa résolution du 29 février 1996 sur les sectes en Europe 11 ,

- vu sa résolution du 9 mai 1996 sur la communication de la Commission sur le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme 12 ,

- vu son avis du 9 mai 1996 sur la proposition de décision du Conseil proclamant "1997 Année européenne contre le racisme" 13 ,

- vu sa résolution du 17 septembre 1996 sur le respect des droits de l'homme dans l'Union (1994) 14 ,

- vu sa résolution du 12 décembre 1996 sur les mesures de protection des enfants mineurs dans l'Union européenne 15 ,

- vu sa résolution du 8 avril 1997 sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne (1995) 16 ,

- vu sa résolution du 16 septembre 1997 sur la nécessité d'une campagne européenne de tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes 17 ,

- vu sa résolution du 6 novembre 1997 sur la lutte contre le tourisme sexuel impliquant des enfants, et le renforcement de la lutte contre l'abus et l'exploitation sexuels des enfants 18 ,

- vu sa résolution du 17 février 1998 sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne (1996) 19 ,

- vu les pétitions:

a) 16/97, présentée par le "Groupe Amnesty International de Dampremy", accompagnée de cinq signatures, sur la situation des objecteurs de conscience en Grèce,

b) 48/97 de Mme Marlies Mosiek-Urbahn, de nationalité allemande et députée européenne sur l'installation d'un système d'alerte dans tous les appareils de télévision, visant à signaler l'émission des programmes à caractère pornographique ou violent,

c) 67/97 de M. Heinrich Lenz, de nationalité allemande, sur le retrait de sa carte de grand handicapé,

d) 79/97 de M. Robbert Maris, de nationalité néerlandaise, sur le permis de séjour pour les ressortissants de l'Union européenne,

e) 183/97 de M. Giovanni Campano, de nationalité italienne, sur son expulsion d'Allemagne,

f) 266/97 de M. Hamza Yigit, de nationalité turque, sur l'asile politique en Allemagne,

g) 287/97 de M. John Simms, de nationalité britannique, sur le droit de vote des ressortissants dans un autre Etat membre,

h) 430/97 de M. Jean-Pierre Perrin-Martin, de nationalité française, au nom de l'association FASTI, sur la situation des réfugiés en Europe,

i) 436/97 de M. M.V. Sorani, de nationalité italienne, au nom de la "Solidarité européenne" - Syndicat des fonctionnaires de la Commission européenne à Luxembourg, comportant 1.178 signatures, concernant la lutte contre la pédophilie,

j) 506/97 de M. M.C. Verbraeken, de nationalité belge, sur l'entrée clandestine dans l'Union européenne de femmes originaires d'Europe orientale aux fins de prostitution,

k) 680/97 de Mme Judy Wall, de nationalité britannique, concernant une allocation d'entretien pour étudiants au Royaume-Uni,

l) 872/97 de M. Joesoe Maatrijk, de nationalité néerlandaise, sur le droit de vote pour les travailleurs migrants au Pays-Bas,

m) 920/97 de M. Charles Payne, de nationalité américaine, sur des prétendues discriminations raciales à l'égard de son fils au Danemark,

n) 963/97, de M. Adolfo Pablo Lapi, de nationalité italienne et argentine, sur le non-respect des homosexuels en Italie,

- vu l'article 148 de son règlement,

- vu le rapport de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures (A4-0468/98),

A. considérant que le respect des droits de l'homme, inhérents à la dignité de la personne, constitue un principe fondamental, auquel tous les Etats membres ont souscrit en instaurant les institutions et mécanismes nécessaires pour garantir leur protection effective, et qui est garanti dans l'Union européenne par des systèmes politiques démocratiques et pluralistes dotés d'institutions parlementaires et d'appareils judiciaires indépendants,

B. prenant en compte les résolutions pertinentes des Nations unies, du Conseil de l'Europe et les propositions des ONG en matière de protection et de respect des droits de l'homme,

C. préoccupé par le fait qu"en 1997 sont apparues, dans certains États membres, des situations particulières qui contreviennent aux principes inhérents au respect des droits de l"homme,

D. considérant que son rôle, au sein de l'Union européenne et dans le cadre d'une politique active de protection des droits de l'homme, doit consister aussi à mettre en lumière et à dénoncer les violations des droits de l'homme auxquelles il importe de remédier,

Droits de l'homme, Union européenne et États membres

1. rappelle que les droits de l'homme sont les droits naturels de tout individu et ne sont donc liés à aucune forme de devoirs ou de prestations préalables;

2. insiste sur la nécessité pour les États membres d'adopter ou de renforcer les dispositions nécessaires en vue de garantir le respect effectif des droits fondamentaux dans l'Union européenne et souligne l'importance qu'un tel respect revêt pour la crédibilité et la cohérence de l'action extérieure de l'Union européenne dans ce domaine;

3. demande instamment que l'Union traduise en actes politiques forts son engagement et celui de ses Etats membres en faveur des droits de l'homme et, à cet effet, que, dès l'entrée en vigueur du

Traité d'Amsterdam, la Commission confie à l'un de ses membres la responsabilité des droits de l'homme ainsi que de l'espace de liberté, de sécurité et de justice;

4. estime qu"il lui appartient, en tant qu"institution communautaire élue démocratiquement, de veiller à la défense et à la promotion des droits et libertés fondamentaux dans l"Union et en conséquence regrette que onze des quinze États membres de l"Union soient cités dans le rapport annuel d"Amnesty International relatif à l"année 1997;

5. se réjouit que le projet de traité d'Amsterdam ait inclus notamment les articles 6, 11, 49 et 177 qui visent le respect des droits de l'homme tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union;

6. postule que le respect des droits de l'homme est une composante inaliénable de toute société démocratique et doit être l'un des piliers fondamentaux de la politique intérieure et extérieure de l'Union; souligne que l'approche du 50ème anniversaire de la DUDH est l'occasion rêvée pour promouvoir un débat et une action politiques au niveau mondial visant à promouvoir le respect de ces droits et les instruments nécessaires à leur protection;

7. réaffirme que le droit à la vie et le droit de ne pas subir des traitements inhumains ou dégradants sont des droits absolus et inviolables, qui ne sont pas soumis à l'appréciation et à la discrétion des États;

8. affirme que le droit à la vie et le droit à la santé impliquent le droit à vivre dans un environnement protégé de la pollution ainsi qu'une responsabilité envers les générations présentes et futures; demande notamment à cette fin la pénalisation des atteintes à l"environnement en application du principe "pollueur-payeur”;

9. invite les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait à signer et/ou ratifier le 2ème protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

10. souligne qu'il est impossible de faire accéder à l'Union européenne des États qui ne respectent pas les droits fondamentaux de l'homme, et demande à la Commission et au Conseil de donner lors des négociations une importance majeure aux droits des minorités (ethniques, linguistiques, religieuses, homosexuelles, etc);

Accès aux soins

11. estime que le droit à la vie implique l"accès aux soins, qui doit être accordé à toute personne indépendamment de sa situation, de son état de santé, de son âge, de son sexe, de sa race, de son appartenance ethnique, de sa religion ou de son opinion;

12. estime que chacun doit avoir le droit de vivre ses derniers jours dans la dignité, exige l'interdiction de toute manoeuvre active destinée à abréger la vie des nouveaux-nés, des handicapés, des personnes âgées et des patients en état de coma persistant et invite les Etats membres à donner priorité à la mise en place d'unités de soins palliatifs, incluant le recours à tous les moyens de lutte contre la douleur, destinés à accompagner dignement le mourant en phase terminale sans acharnement thérapeutique;

13. effrayé par les risques d'émergence d'un nouvel eugénisme, s'oppose à toute tentative d'autoriser les expérimentations pouvant engendrer directement ou indirectement la modification du patrimoine génétique (ingénierie des cellules germinales) ou la production d'êtres humains améliorés génétiquement ou de modèles de recherche humains par clonage ou d'autres techniques équivalentes;

Droit à la sécurité - lutte contre le terrorisme et État de droit

14. considère que le fait de pouvoir vivre sans craindre pour leur sécurité personnelle constitue une nécessité essentielle des personnes résidant dans l'Union;

15. condamne les assassinats, les séquestrations, les extorsions de fonds et les actes de violence et de torture, tant physique que psychique, perpétrés par les organisations terroristes; considère qu"aucune motivation ou revendication politique ne saurait justifier des actes terroristes et souligne que le terrorisme doit être résolument combattu; demande instamment aux États membres de continuer à coopérer étroitement dans la lutte contre le terrorisme en renforçant la coopération judiciaire et policière en Europe; estime que, aussi déterminée qu'elle soit, toute réponse aux violations des droits de l'homme doit aller de pair avec le respect scrupuleux des normes de l'Etat de droit et qu'en particulier, la présomption d'innocence, l'exigence d'une justice équitable et les droits du prévenu doivent être assurés;

Le fonctionnement des systèmes judiciaires

16. rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme a condamné à plusieurs reprises les États membres à rétablir les droits des citoyens victimes du système judiciaire, en particulier en raison de la lenteur procédurale de leurs systèmes juridictionnels et de la violation des droits de la défense; invite par conséquent les États concernés à remédier aux dysfonctionnements des systèmes judiciaires et, notamment, à introduire dans leurs ordres juridiques la notion de délai raisonnable, telle que préconisée par la CEDH, et à étudier les moyens de réduire les lenteurs procédurales ainsi qu'à limiter au maximum le recours à la détention préventive, qui doit garder un caractère exceptionnel;

17. signale en effet que la détention préventive suppose non seulement une anticipation des conséquences d'une éventuelle condamnation et un préjudice personnel indéniable mais également un sacrifice du droit fondamental à la présomption d'innocence; qu'en conséquence, elle ne sera légitime que si elle est absolument nécessaire, fondée et adaptée à l'objectif d'une protection prudente des intérêts, des droits et des valeurs considérés dans les réglementations pénales substantielles;

18. rappelle avec fermeté le principe général de la liberté et de la pleine jouissance des droits de celui qui est soumis à un procès pénal;

19. souligne que, parmi les principes généraux de droit qui constituent le fondement des ordres juridiques des États membres, le principe de l'indépendance judiciaire, le principe "non bis in idem" celui de la présomption d'innocence et son corollaire selon lequel ce n'est pas à l'accusé de prouver son innocence mais au système juridictionnel de prouver sa culpabilité, revêtent une importance particulière;

20. invite les États membres à prendre toutes les initiatives possibles en vue de rééquilibrer les positions de l'accusation et de la défense dans les procédures judiciaires et d'assurer aux deux parties des moyens d'action égaux en qualité et en quantité;

Droits civils et politiques

21. déplore que tous les États membres n'aient pas incorporé dans leurs dispositifs législatifs la directive 94/80/CEE, qui reconnaît le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales; souligne l'importance de ce droit de nature politique dans l'optique de l'intégration sociale des citoyens non nationaux résidant dans l'État d'accueil et exhorte les États membres qui ne l'ont pas encore fait à prendre les mesures nécessaires dans les plus brefs délais possibles;

22. les invite par ailleurs à adapter leur législation, dans les meilleurs délais, de façon à étendre ce droit de vote, conformément à la Convention du Conseil de l'Europe, aux immigrés extracommunautaires résidant depuis plus de cinq ans sur leur territoire;

Respect de la vie privée

23. souligne que le droit au respect à la vie privée et familiale, du domicile, de la correspondance, ainsi que la protection des données à caractère personnel représentent des droits fondamentaux que les États sont tenus de protéger et que, par conséquent, toute mesure de surveillance optique, acoustique ou informatique doit être adoptée dans le respect le plus strict de ces droits, en étant toujours accompagnée de garanties judiciaires;

24. souligne que les banques de données telles que le SIS, le SIE, le SID et la banque de données d'Europol sont soumises au respect du droit à la vie privée et aux principes d'égalité de traitement et de non-discrimination;

25. estime que le droit de ne pas subir de discrimination (en matière de soins de santé, d'assurance, d'emploi ou autres) fondée sur l'héritage de la prédisposition génétique de l'individu est primordial et que les données génétiques individuelles ne devraient être transmises à un tiers qu'après en avoir informé la personne concernée et en avoir obtenu le consentement écrit;

Liberté d'expression et autres libertés

26. réaffirme que la liberté d'opinion et d'expression, la liberté de pensée et de conscience, la liberté de religion individuelle et collective ainsi que la liberté d'association constituent des droits fondamentaux des citoyens de l'Union;

27. rappelle toutefois que la liberté d'expression trouve sa limite dans le respect des lois et notamment des lois anti-racistes;

28. souligne que la Commission européenne des droits de l'homme estime que le négationnisme vide les principes fondamentaux de la Convention, notamment ceux de la justice et de la paix, et soutient les discriminations raciales et religieuses; que, par conséquent, les restrictions imposées par les États à l'expression des théories négationnistes constituent des mesures nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l'ordre et des droits et libertés d'autrui;

29. condamne fermement les tendances à réduire la liberté de presse et les pressions, voire les intimidations dont les journalistes font parfois l'objet;

Liberté de religion

30. condamne toute violation du droit à la liberté de religion, et est notamment préoccupé par les discriminations et parfois les véritables persécutions que les religions minoritaires subissent dans certains États membres;

31. invite les États membres à prendre des mesures, dans le respect des principes de l'État de droit, pour combattre les atteintes aux droits des personnes provoquées par certaines sectes auxquelles devrait être refusé le statut d'organisation religieuse ou culturelle, qui leur assure des avantages fiscaux et une certaine protection juridique;

32. invite tous les États membres à respecter la recommandation du Conseil de l'Europe ainsi que la résolution 1993/84 de la Commission des droits de l'homme des Nations unies en reconnaissant pleinement l'objection de conscience et la possibilité d'effectuer un service civil alternatif comportant des exigences comparables à celles du service militaire;

33. se réjouit que la Grèce ait adopté une législation reconnaissant le droit à l'objection de conscience; espère cependant que toutes les dispositions ayant caractère de sanction du service civil qui a été créé seront modifiées et que les objecteurs en situation particulièrement difficile en seront exemptés, et demande la libération des objecteurs de conscience incarcérés; souhaite qu'une même

démarche conduise ce pays à supprimer la mention de la religion sur la carte d'identité car elle porte atteinte à la vie privée des personnes et peut entraîner des discriminations;

Droits économiques et sociaux

34. rappelle la jurisprudence de la Cour européenne de Strasbourg, qui reconnaît les droits économiques et sociaux en tant que droits de l'homme fondamentaux en application de la Convention européenne des droits de l'homme;

35. se réjouit que le Royaume-Uni ait finalement signé la Charte des droits sociaux de 1989;

36. estime nécessaire de respecter les droits économiques, sociaux, syndicaux et culturels et de les reconnaître au rang des droits fondamentaux, notamment les droits au travail, au logement, à l'éducation, à la protection sociale et à la culture;

37. estime que la pauvreté et l'exclusion sont indignes de sociétés démocratiques et prospères; juge inacceptable que plus de cinquante millions de personnes puissent vivre dans la pauvreté dans l'Union européenne et que nombre d'entre elles ne bénéficient d'aucune protection sociale;

38. invite le Conseil, la Commission et les États membres à faire une priorité politique de la lutte contre l'exclusion sociale et contre la pauvreté;

39. déplore la non-adoption du programme de lutte contre la pauvreté et réitère sa demande au Conseil visant à son adoption rapide;

40. invite les États membres à adopter et à mettre en oeuvre, en étroite concertation avec les organisations humanitaires, des lois de prévention et de lutte contre l'exclusion concernant notamment l'accès au travail, à la santé, aux prestations sociales, au logement, à l'éducation et à la justice;

41. souligne que l'un des signes distinctifs de la société européenne réside dans le principe de la protection due aux personnes du troisième âge; soutient le droit de celles-ci à des pensions et une protection sociale dignes et d'un niveau satisfaisant;

42. souligne que la liberté de réunion telle que prévue à l'article 11 de la CEDH protège le droit des citoyens de défendre collectivement leurs intérêts, qui doivent pouvoir s'organiser au sein de syndicats démocratiquement constitués sur le lieu de travail; condamne toute atteinte aux droits syndicaux et toute discrimination à l'égard des délégués syndicaux ainsi que toute remise en cause du droit de grève dans les secteurs privé et public; demande que soit accordée une protection adéquate contre toute forme de discrimination des représentants syndicaux;

43. s'inquiète de la montée de la violence sur les lieux de travail dans de nombreux États membres, comme l'a révélé un rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui précise que cette violence peut aller de la rixe à l'agression physique en passant par le harcèlement sexuel et la brimade; note, comme le signale le rapport de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de travail, que cette violence au travail touche surtout les salariés précaires; demande aux États membres de se conformer sur le champ aux recommandations du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, en particulier en ce qui concerne l'interdiction du travail forcé, la liberté d'association et le droit de grève, toutes questions visées dans la Charte sociale européenne;

44. s'indigne des conditions de quasi-esclavage dont souffrent un nombre non négligeable de domestiques, souvent d'origine étrangère, du fait d'employeurs bénéficiant parfois de l'immunité diplomatique, qui profitent de leur dépendance économique et de leur vulnérabilité sociale;

Droits culturels

45. considère nécessaire d'accorder à la culture un rôle plus important en matière de création d'emplois, en l'insérant dans les stratégies de développement et en ne la limitant pas à la conservation du patrimoine, mais en l'associant à tous les investissements destinés à la création artistique et à l'audiovisuel;

46. invite les États membres à reconnaître et à promouvoir leurs langues régionales principalement dans les secteurs de l'éducation et des médias, notamment en signant et en ratifiant la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires;

47. condamne toute forme de censure culturelle et toute attaque contre la liberté d'expression et de création;

48. condamne en particulier la censure directe ou la censure par l'argent qui s'exercent à l'encontre du milieu culturel et de certaines bibliothèques de la part d'un certain nombre de dirigeants de collectivités locales ou régionales;

Lutte contre les discriminations - droits de la femme - droits de l'enfant - protection de la famille

49. se réjouit que le traité d'Amsterdam ait inclus des dispositions 20 permettant de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race, la nationalité, l'origine ethnique, l'âge, la religion ou les convictions ou l'orientation sexuelle;

50. se réjouit de l'introduction dans plusieurs États membres, à côté des lois sur le mariage civil ou religieux, de dispositions législatives qui règlent les relations entre personnes qui veulent établir un lien juridique entre elles;

51. demande aux États membres qui ne l'ont pas encore fait d'effacer toute discrimination à l'égard des homosexuels, telle que les différences entre homosexuels et hétérosexuels à propos de l'âge du consentement;

52. rappelle que les conférences de Vienne en 1993 et Pékin en 1995 ont souligné que les droits de la femme constituent une partie inaliénable, intégrale et indivisible des droits humains, et regrette qu'il y ait encore un long chemin à parcourir dans l'Union européenne afin que des principes tels que la non-discrimination fondée sur le sexe soient pleinement appliqués;

53. constate que les femmes sont toujours victimes de discriminations, notamment salariales, et ne bénéficient toujours pas d'une véritable égalité de traitement;

54. invite les États membres à lutter contre toute inégalité entre hommes et femmes et à donner à la femme un modèle positif d"identification;

55. invite les États membres à prendre les mesures adéquates afin d'améliorer l'égalité de traitement et des chances pour les femmes et d'assurer leur participation effective et égale à la vie publique et au processus de décision dans tous les domaines et rappelle sa conviction selon laquelle des actions positives sont indispensables pour y parvenir;

56. déplore que certains États membres interdisent et limitent l'information favorable à l'interruption volontaire de grossesse (IVG); condamne l'attitude de commandos anti-IVG qui sévissent dans certains États membres comme la France; demande que l'action de ces commandos soit sévèrement punie, que soit garanti l'accès à l'information sur l'IVG et que soit reconnu le rôle des associations;

57. demande à nouveau à la Commission et aux États membres de soutenir la proposition de déclarer 1999 "Année européenne contre la violence à l'égard des femmes";

58. condamne la pratique de la mutilation sexuelle des femmes; invite les institutions communautaires et les États membres à soutenir, en collaboration avec les pays concernés, des campagnes d'information et d'éducation afin de mettre un terme à cette pratique;

59. estime nécessaire que l'Union européenne et les États membres s'interdisent d'établir et d'appliquer des accords bilatéraux avec des pays qui admettent des atteintes aux droits fondamentaux, notamment aux droits des femmes et des enfants; rappelle à cet égard que les accords avec les pays tiers prévoient une clause de conditionnalité liée aux droits de l"homme et en demande l'application effective;

60. réaffirme que les droits de l'enfant comptent au nombre des droits de l'homme et demande aux États membres de s'employer à concrétiser les objectifs de la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant; demande à la Commission européenne d'inclure les principes de la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant dans ses travaux, y compris en évaluant tous les projets de l'Union européenne en matière de législation, de politiques et de programmes en fonction de leur impact sur les enfants en utilisant comme instrument d'analyse la Convention précitée sur les droits de l'enfant;

61. déplore que, dans certains États membres, malgré l'adoption d'une directive spécifique, des enfants continuent à travailler et demande que l'interdiction du travail des enfants soit respectée sans délai dans toute l'Union européenne;

62. se félicite des mesures prises aux niveaux national et communautaire en vue de lutter contre la traite d'enfants, la prostitution et la pornographie enfantines, que cette dernière soit directe ou véhiculée par l'intermédiaire des nouvelles technologies;

63. incite tous les États membres à prendre des mesures législatives en matière d'extra-territorialité afin de poursuivre sur leur territoire les auteurs d'abus sexuels commis contre des enfants dans un pays tiers;

64. invite une nouvelle fois les États membres à renforcer les mesures visant à prévenir et à éliminer les négligences graves sur les enfants, que ces négligences soient le fait d'organismes privés ou - a fortiori - d'établissements sous la responsabilité directe ou indirecte de l'État ou de collectivités territoriales;

65. invite les États membres à appliquer intégralement l'action commune adoptée le 24 février 1997 sur la base de l'article K.3 du traité UE relative à la lutte contre la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des enfants 21 et à mettre pleinement en pratique les engagements pris dans la déclaration faite à l'issue de la conférence ministérielle des 24, 25, et 26 avril 1997 à la Haye sur la lutte contre la traite des femmes;

66. juge indispensable de protéger la famille, lieu privilégié du développement et de l"épanouissement harmonieux de l"enfance - en ce compris la famille monoparentale et le couple homosexuel -, et considère que l'enfant, quelle que soit sa nationalité, a toujours droit à une famille, qui constitue l'environnement lui permettant de s'épanouir pleinement, conformément à la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant; demande aux États membres de faire en sorte, s'agissant du droit de garde en cas de séparation, que l'enfant ne soit plus l'enjeu d'inextricables combats judiciaires;

67. constate que les handicapés continuent à subir des discriminations dans leur vie quotidienne et dans le travail; invite donc les États membres à adopter des mesures destinées à améliorer leur situation, notamment au niveau de l'emploi et de l'insertion professionnelle;

68. incite les États membres à reconnaître la situation spécifique des minorités nomades, à respecter leur culture, à assurer leur protection, à s'abstenir de toute discrimination et à lutter contre les préjugés dont elles font l'objet; demande qui soit respectée (ou instaurée) l'obligation légale de prévoir des lieux d'accueil adaptés à ces populations;

69. rappelle que nul ne peut être victime d'un préjudice ou d'une discrimination, que ce soit du fait de son appartenance à une minorité nationale, linguistique, religieuse ou ethnique, du fait de son sexe, en raison de ses opinions politiques, religieuses ou philosophiques ou de son orientation sexuelle, étant entendu que ces dernières ne sauraient entraîner ni encourager des violations des droits de l'homme et, en particulier, des droits de la femme et des droits de l'enfant;

Situation des détenus - réhabilitation

70. déplore que puissent se produire dans l'Union européenne des cas de torture, de viols, de traitements inhumains, cruels et dégradants, infligés à des personnes arrêtées ou détenues, notamment au cours de gardes à vue, par des agents de la force publique ou des personnels pénitentiaires; souligne le caractère souvent raciste de tels agissements;

71. rappelle en le regrettant que des faits de ce type ont valu à plusieurs pays de l'Union européenne de figurer dans le rapport annuel d'Amnesty International;

72. constate et s'insurge contre le fait que les membres des forces de l'ordre responsables de ces actes soient rarement poursuivis ou soient condamnés à de faibles peines; invite les États à faire preuve d'une plus grande fermeté en la matière afin qu'aucun de ces actes ne reste sans sanction;

73. invite les États membres à mettre en place une "haute autorité", indépendante des pouvoirs publics, qui serait chargée de veiller au respect des règles déontologiques par l'ensemble des forces de sécurité dont les citoyens peuvent avoir à pâtir, et qui pourrait être saisie directement par les citoyens;

74. rappelle que la peine a une fonction d'amendement et de resocialisation et que l'objectif est, dans cette mesure, la réinsertion humaine et sociale du détenu; demande aux États membres d'abolir la "double peine" qui est injuste et discriminatoire; souligne que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme refuse l'expulsion de personnes ayant toutes leurs attaches familiales dans leur pays d'accueil et aucune dans leur pays d'origine;

75. souligne l'importance du respect du droit des victimes et la nécessité de favoriser la réparation des torts qui leur ont été infligés et souhaite que des actions soient entreprises dans ce sens par les États membres;

76. déplore et s'inquiète de la détérioration des conditions de vie dans les prisons de nombreux États membres telle qu'elle ressort des rapports de l'Observatoire international des prisons (OIP), qui est due notamment à la surpopulation, à la promiscuité des détenus en attente de jugement et de ceux dont le jugement a déjà été prononcé ainsi qu'à l'absence fréquente, à l'intérieur des structures carcérales, d'activités professionnelles, éducatives, culturelles et sportives indispensables pour préparer efficacement et véritablement le détenu à un retour à la vie civile;

77. invite à nouveau les États membres à accorder la priorité à la réhabilitation et à l'éducation des délinquants mineurs sur l'exécution de leur peine, d'adapter celle-ci aux besoins des mineurs et de ne pas soumettre en principe des enfants de moins de 16 ans à une exécution normale de la peine;

78. souhaite que soit prise en compte la situation spécifique de certains groupes de détenus particulièrement vulnérables: mineurs, femmes, immigrés, minorités ethniques, homosexuels, malades; invite instamment les États membres à adopter des mesures requises pour assurer l'octroi d'un traitement personnalisé à ceux-ci, en tenant compte de la situation particulière de chacun d'entre eux;

79. demande aux États membres de recourir autant que faire se peut - et en tenant compte de la nécessité de protéger la société des criminels dangereux - à des solutions alternatives aux courtes peines, et en particulier de celles qui ont déjà fait preuve de leur efficacité dans certains États de l'Union, comme les travaux d'intérêt public ou le port du bracelet électronique;

80. demande aux États membres de mettre en oeuvre une réglementation nouvelle afin de lutter plus efficacement contre la toxicomanie, la propagation de maladies transmissibles (SIDA, hépatites, etc) et le crime organisé;

Lutte contre le racisme et la xénophobie

81. renouvelle sa condamnation de toutes les formes de racisme, de xénophobie et d'antisémitisme, des actes de violence raciste et des discriminations à caractère raciste qui restent malheureusement trop fréquents dans certains États membres, notamment en matière d'accès à l'emploi et de logement;

82. s'inquiète du développement dans le monde du travail des discriminations liées à l'origine des salariés, qui a pour conséquence la discrimination à l'embauche et à la répartition des tâches et les entraves à l'évolution des carrières et des salaires; s'inquiète également des comportements inadmissibles qui ont cours dans certains services publics, s'agissant de l'accueil réservé à des étrangers en raison de leur origine;

83. s'inquiète de la montée des délits de l'extrême droite, notamment en Allemagne, où leur nombre a beaucoup augmenté;

84. se réjouit de l'inclusion de clauses antidiscriminatoires dans les instruments communautaires, notamment dans le traité d'Amsterdam, la décision relative à 1997 "Année européenne contre le racisme" et la mise en place de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (Vienne); estime cependant qu'il reste encore beaucoup à faire, sur les plans national et communautaire, pour prévenir et combattre le racisme;

85. invite les États membres qui ne disposent d'aucune législation antidiscriminatoire spécifique à en adopter une rapidement et ceux dont la législation actuelle en la matière n'est pas suffisamment efficace à réformer leurs pratiques;

86. invite les États membres à adopter ou renforcer les lois antiracistes en les fondant sur le principe selon lequel "le racisme est un délit", qu'il s'agisse d'actes, de déclarations ou de diffusion de messages;

87. insiste pour que des campagnes d'information et d'éducation soient menées en permanence, notamment dans l'enseignement et les médias, pour dénoncer le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme et promouvoir la tolérance et pour faire connaître la contribution positive des étrangers à l'économie et à la culture européennes;

88. renouvelle sa condamnation de toute politique qui suscite le racisme et la xénophobie et exige des partis qu'ils suppriment de leur programme toute propagande raciste;

89. invite les États membres à mettre en place des programmes de formation destinés aux forces de l'ordre, au personnel judiciaire et pénitentiaire et aux travailleurs sociaux, de façon à faire connaître la conduite à adopter face aux spécificités culturelles des personnes d'origine étrangère ou appartenant à des minorités ethniques;

90. invite les États membres à reconnaître intégralement le "droit du sol" pour l'acquisition de la nationalité et à accepter la double nationalité;

Immigration et asile

91. demande l'application rigoureuse par tous les États membres de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951 et de son protocole de 1967, des principes élaborés par le Comité exécutif du Haut Commissariat aux Réfugiés, ainsi que de la CEDH en matière de droit d'asile;

92. souligne que la Convention de Genève ne fait aucune distinction entre les victimes de persécutions perpétrées par des institutions de l'État ou d'autres instances;

93. s'inquiète du rapatriement, au mépris de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, de déboutés du droit d'asile, en nombre croissant, pour qui le retour au pays d'origine, o? leur sécurité n'est pas assurée, représenterait un danger évident; demande au Conseil d'adopter un instrument spécifique susceptible de leur permettre de bénéficier d'une protection satisfaisante;

94. demande à cette fin que soient adoptés des instruments légaux complémentaires concernant des formes de protection subsidiaires telle que la protection temporaire pour l'accueil des réfugiés en cas d'afflux massifs;

95. s"indigne des conditions parfois déplorables que subissent les demandeurs d'asile dans les zones d'attente et les centres de rétention; déplore que ces centres soient souvent des lieux de non-droit et demande qu'il soit mis fin à cette situation;

96. demande que soit octroyé aux demandeurs d'asile un droit propre indépendamment de leur statut d'homme ou de femme marié;

97. constate le nombre croissant de demandes d'asile émanant d'enfants seuls, dont les parents sont morts ou condamnés dans leur pays d'origine; demande à nouveau aux États membres d'examiner, dans le cadre d'une procédure particulière adaptée à leur âge, les raisons de la fuite de ces demandeurs d'asile mineurs; les invite à leur accorder un statut de résident sûr, à prévoir des structures d'accueil adaptées et du personnel qualifié afin d'assurer leur encadrement et à permettre, indépendamment de l'octroi du droit d'asile, un regroupement de leur famille;

98. prend acte des mesures prises dans de nombreux États membres pour régulariser les "sanspapiers";

99. dénonce les violations des droits des personnes commises lors d'expulsions de déboutés du droit d'asile ou d'étrangers clandestins;

100. s"inquiète du nombre de personnes qui trouvent la mort en tentant de chercher refuge sur le territoire de l'Union européenne, le plus souvent par voie maritime sur des embarcations de fortune; demande qu"une lutte efficace soit menée contre les trafiquants de clandestins;

101. exige le renforcement de la lutte contre l"immigration clandestine et le rôle joué par la criminalité organisée dans ce commerce, ses réseaux internationaux et ses trafiquants et demande que le problème lié au travail clandestin soit résolu; rappelle la nécessité de respecter les droits humains des clandestins eux-mêmes, qui sont les premières victimes de ces trafiquants;

102. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des Etats membres.


B.


EXPOSE DES MOTIFS

"Les droits de l'homme sont le fondement de l'existence et de la coexistence humaines. Universels, indivisibles et interdépendants, ils sont ce qui définit notre humanité" 22 .

I. L'UNION EUROPÉENNE ET LES DROITS DE L'HOMME

Le principe qui veut que les droits de l'homme soient universels et indivisibles et que tous les êtres humains puissent se prévaloir de tous ces droits est au coeur même de la DUDH. L'évolution de la législation internationale relative aux droits humains a été marquée par une séparation entre les droits civils et politiques d'une part, et les droits économiques, sociaux et culturels d'autre part; une séparation que reflétait un monde polarisé par le conflit idéologique et stratégique de la guerre froide.

Si les droits de l'homme ont gagné en importance jusqu'à devenir un élément clé de la politique internationale, il n'empêche qu'en dépit de leur omniprésence dans - pour ainsi dire - toutes les constitutions, ainsi que dans les conventions, les résolutions et les discours politiques, nous sommes encore loin de la réalisation des idéaux de 1948. Il suffit de lire les rapports annuels d'Amnesty International pour connaître les souffrances de notre monde. Le rapport relatif à l'année 1997, qui vient de sortir et décrit la situation dans 141 pays, c'est une succession de tortures, de violences, de viols et d'assassinats, de violations de l'État de droit et de privations de libertés. Il est tout à fait regrettable que onze des quinze États membres de l'Union soient cités dans ce rapport 23 . En fait l'Union européenne ne peut pas condamner les violations des droits de l'homme dans le monde entier et fermer complètement les yeux face aux défaillances que l'on peut constater chez elle.

Les institutions communautaires ont pris conscience de l'importance du respect des droits de l'homme, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de l'Union. En effet, les traités s'en réfèrent et les clauses relatives aux droits de l'homme ont proliféré dans les accords entre l'Union et ses partenaires.

Depuis longtemps le Parlement européenne a bâti une politique des droits de l'homme basée dans un concept élargi des droits humains, dans l'indivisibilité des droits de l'homme et dans leur universalité. Par ailleurs, le PE considère que la question des droits de l'homme ne peut pas être envisagée comme relevant exclusivement des affaires intérieures d'un État.

Le projet de traité d'Amsterdam vient de renforcer le poids du respect des droits de l'homme en tant que fondements éthiques et politiques de toute l'action intérieure et extérieure de l'Union européenne.

L'article 6, paragraphe 2 énonce que : "l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH)... et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire".

Par ailleurs, l'article 49 du même traité instaure comme condition à l'admission à tout nouveau État européen dans l'Union qu'il "... respecte les principes énoncés à l'article 6, paragraphe 1 ...". Or cet article énonce que : "l'Union est fondée sur les principes de liberté, de démocratie, du respect des droits de l'homme et des liberté fondamentales...". Cependant l'Union ne se contente pas de demander à ses propres membres le respect de ces droits fondamentaux, elle en fait une des conditions, tant de sa politique de coopération économique avec les pays tiers que de sa politique étrangère et de sécurité commune. L'article 177 du projet de traité susmentionné énonce que : "la politique de la Communauté .... contribue à l'objectif général de développement et de consolidation de la démocratie et de l'État de droit, ainsi qu'à assurer l'objectif du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales". Finalement, l'article 11, paragraphe 1, 5ème tiret stipule comme un des objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune : "le développement et le renforcement de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales". On constate donc, que de la même façon qu'un État membre qui violerait de façon grave et persistante les obligations en matière des droits de l'homme, peut voir ses droits suspendus, un État qui est lié par un accord avec la Communauté (accord de Lomé, accord d'association, etc) peut être sanctionné.

En ce qui concerne la compétence de la Cour de Justice des Communautés européennes, on constate à l'article 46 d) du projet de traité que l'exercice de cette compétence est applicable à : "l'article 6, paragraphe 2, [du présent traité] en ce qui concerne l'action des institutions, dans la mesure où la Cour est compétente en vertu des traités instituant les Communautés européennes et du présent traité". Ceci dit, la Cour de Justice aura la possibilité de surveiller la compatibilité des actes des institutions européennes avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme.

Dans ce contexte on constate qu'il y a effectivement une approche européenne des droits de l'homme, qui tient compte des dispositions de la DUDH et de la CEDH.

II. DROITS CIVILS ET POLITIQUES

1. Droit à la vie

a) La peine de mort

Il faut se réjouir que la peine de mort - qui constitue une violation du droit à la vie - n'existe plus dans aucun État membre de l'Union européenne. Il faut tout de même souligner que la France et le RoyaumeUni n'ont pas encore signé le 2ème protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) visant à l'abolir. Par ailleurs, la Belgique n'a pas encore ratifié ce même document. En outre, les États membres doivent prendre des dispositions empêchant d'extrader vers des pays tiers des personnes qui y seraient passibles de la peine capitale.

b) L'euthanasie

Une augmentation importante d'une forme particulière de violation du droit à la vie - l'euthanasie active

- se développe dans certains États membres. L'euthanasie active est un crime formellement condamné par l'article 2 de la CEDH qui stipule du droit absolu de toute personne à la vie. Le recours à l'euthanasie ne peut être que l'exception et non pas la règle. Le recours aux soins palliatifs doit être intensifié. Là où il y a préoccupation majeure du confort matériel et psychologique du malade et de son entourage, la demande d'euthanasie devient infime.

Le Parlement européen s'est à plusieurs reprises, opposé énergiquement aux attaques contre le droit à la vie des handicapés, des patients en état de coma persistant et des nouveaux-nés handicapés, qui sont généralement les victimes de l'euthanasie active, illégale, en Europe.

c) Les actes terroristes en Europe

Le droit à la vie et à la sûreté est menacé par des organisations terroristes.

En Espagne, 13 personnes ont perdu la vie en 1997 suite à des actions terroristes attribuées à l'ETA.

Aucune motivation ou revendication politique ne saurait justifier ces meurtres. Le terrorisme doit être résolument combattu. Cependant, toutes les normes et mesures de lutte contre le terrorisme doivent respecter les droits de l'homme, quelle que soit la gravité des actes commis. On ne saurait répondre à des violations des droits de l'homme par d'autres violations des mêmes droits.

2. Droit à un procès équitable

L'article 6, paragraphe 1 de la CEDH énonce : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ..."

Plus d'un tiers des arrêts prononcés par la Cour européenne des droits de l'homme en 1997 concernaient des affaires où cet article avait été violé. Malheureusement, la lenteur des procès, la violation des droits de la défense sont devenues monnaie courante dans quelques États membres, notamment en Italie. Les États concernés doivent prévenir le dysfonctionnement de leurs systèmes judiciaires.

3. Droit à la participation aux élections

Le traité de Maastricht stipule dans son article 8 B, paragraphes 1 et 2 que : "Tout citoyen de l'Union résidant dans un État membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales [et européennes] dans l'État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État".

Contrairement à la législation communautaire, de nombreux citoyens de l'Union résidant dans un autre État membre que celui de leur origine n'ont pas encore pu exercer leur droit de vote, notamment en France et en Belgique.

4. Droit au respect de la vie privée

L'article 8, paragraphe 1 de la CEDH stipule que : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance". Hélas, ce droit n'est pas toujours respecté. La Cour européenne de Strasbourg a condamné la Finlande pour violation de l'article susmentionné dans une affaire relative à la divulgation de l'identité et de l'état de santé d'une citoyenne finnoise 24 .

Le Royaume-Uni a été aussi condamné dans une affaire concernant des écoutes téléphoniques 25 .

5. Droit à la liberté d'opinion et d'expression

Les articles 19 et 10 de la DUDH et de la CEDH consacrent ce droit qui, hélas, est de plus en plus malmené dans le monde. Dans ses arrêts du 1er juillet 1997 et des 20 octobre 1997 et 25 novembre 1997 relatifs aux affaires Oberschlick contre Autriche, Radio ABC contre Autriche et Grigoriades contre Grèce respectivement, la Cour européenne des droits de l'homme a dénoncé la violation de l'article 10 de la CEDH et a condamné les États concernés à payer des amendes.

6. Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion

a) L'objection de conscience

L'objection de conscience au service militaire est inhérente à la notion de liberté de pensée, de conscience et de religion, telle qu'elle est énoncée à l'article 9 de la CEDH.

Malheureusement quelques États membres n'ont pas encore reconnu ce droit, tandis que d'autres l'ont fait mais pas avec les meilleures solutions.

En Espagne, le projet de réforme de la législation sur l'objection de conscience au service militaire était encore, à la fin de 1997, en train d'être examiné par le Parlement.

La nouvelle loi française, définitivement approuvée par l'Assemblée nationale en octobre 1997, prévoyait la suspension progressive du service national obligatoire d'ici à 2002 et son remplacement par une journée d'appel obligatoire à la défense.

En Grèce, ce droit à l'objection de conscience a été finalement reconnu par la loi du 5 juin 1997. Il est toutefois regrettable que le service civil alternatif proposé soit dix-huit mois plus long que le service militaire.

En Autriche et en Finlande, pays où l'objection de conscience au service militaire est reconnue, on constate cependant des dérapages (voir référence à l'Article dans le rapport 1998 d'Amnesty International et l'arrêt du 16 décembre 1997 de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Raninen contre Finlande.

b) Droit à la liberté de religion

Il est regrettable que la Grèce n'ait pas changé sa législation de 1993 rendant obligatoire la mention d'appartenance religieuse sur toutes les nouvelles cartes d'identité. D'autant plus que la République Hellénique a déjà été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation des articles 5, paragraphe 1 et 6, paragraphe 1, 9 et 14 de la CEDH 26 .

III. DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

1. Droits économiques et sociaux

L' article 22 de la DUDH garantit des droits économiques, sociaux et culturels à toute personne "en tant que membre de la société". Cinquante ans après l'adoption de la DUDH nous constatons que les objectifs de celle-ci sont encore loin d'avoir été atteints. Nous nous réjouissons que le gouvernement britannique ait accepté la Charte des droits sociaux fondamentaux de 1989, qui s'inspire de la Charte sociale du Conseil de l'Europe. Nous regrettons, par contre, les informations du Comité des experts indépendants du Conseil de l'Europe relatives au fait que de nombreux États membres ne respectent pas les heures et les conditions de travail, les droits syndicaux et le droit de grève, l'égalité entre hommes et femmes, la protection sociale et la protection de la santé. D'ailleurs certaines pétitions adressées au Parlement européen et certains arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme le confirment.

2. Droits culturels

La DUDH et la CEDH reconnaissent les droits culturels comme partie intégrante des droits de l'homme. Les droits culturels comprennent le droit à l'éducation, l'accès à une information pluraliste, le respect du droit à la liberté d'expression et de création, la reconnaissance des langues et cultures régionales ou minoritaires. Ainsi, nous nous réjouissons que le gouvernement français soit disposé à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Par contre, nous déplorons que le pluralisme culturel et le droit à la libre expression soient menacés, soit dans des municipalités, soit dans le système scolaire pour des raisons idéologiques.

IV. ÉGALITÉ DES DROITS ET NON-DISCRIMINATION

La protection des droits fondamentaux repose sur l'égalité en droits et en dignité. L'article 14 de la C.E.D.H énonce que : "la jouissance des droits et libertés reconnus .... doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation".

1. Nationalité

Malgré l'article 6 du traité CE et l'inclusion dans le traité de Maastricht du chapitre sur la citoyenneté de l'Union, il y a encore des discriminations qui frappent les citoyens de l'Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. Voici quelques exemples :

- la Cour de Justice des CE a décidé le 25 juin 1997 qu'un jeune espagnol (Affaire C-131/96) qui n'a jamais résidé en Allemagne et qui, dans cet État membre, perçoit une rente d'orphelin doit être traité comme un jeune allemand et bénéficier de l'avantage prévu pour ceux qui effectuent le service militaire;

- un ressortissant néerlandais marié à une allemande et résidant en Allemagne est prié par les autorités municipales de solliciter la prolongation de son permis de séjour, faute de quoi il serait obligé de quitter la ville (voir pétition nº 79/97);

- le Parlement européen a reçu plus d'une cinquantaine de pétitions sur des expulsions de citoyens de l'Union résidant en Allemagne, vers les États membres dont ils sont ressortissants, après avoir purgé leurs peines en Allemagne.

2. Droits des femmes

Les femmes continuent à faire l'objet de discriminations et ne bénéficient toujours pas d'une véritable égalité de traitement. Même dans les États membres des discriminations à l'embauche subsistent, l'écart de rémunération entre hommes et femmes à travail égal persiste et le chômage frappe davantage les femmes que les hommes. Par ailleurs, elles sont encore trop souvent victimes de violences familiales, sexuelles, tortures psychologiques et harcelées sexuellement.

La discrimination atteint même le niveau fiscal (voir Arrêt de la Cour européenne de Strasbourg du 21 février 1997 dans l'affaire Van Raalte c. Pays-Bas).

3. Droits des enfants

Les enfants nécessitent une protection particulière. C'est dans ce sens que les Nations unies ont adopté la Convention sur les droits de l'enfant entrée en vigueur le 2 septembre 1990. Il n'empêche que les droits des enfants continuent à être bafoués :

- malgré l'adoption d'une directive sur le travail des enfants, la situation est encore loin d'être réglée dans de nombreux États membres où les enfants continuent de travailler;

- le nombre des enfants maltraités augmente constamment en Europe;

- l'exploitation sexuelle des enfants a atteint des niveaux inimaginables.

Les États membres doivent criminaliser les violences physiques et les négligences lourdes ayant des conséquences graves pour le développement physique et psychique de l'enfant.

Les États qui ne l'ont pas encore fait doivent prendre des mesures législatives en matière d'extraterritorialité afin de pouvoir poursuivre sur leur territoire les auteurs d'abus sexuels commis contre des enfants dans un pays tiers et de leur infliger les mêmes peines que s'ils les avaient commis dans leur propre pays.

Les parents, parfois négligents, doivent aussi prendre leurs responsabilités envers leurs enfants et ne pas se décharger sur les écoles, voire sur l'État.

4. Droits des handicapés

L'Union européenne compte 37 millions de personnes handicapées qui ne bénéficient pas pleinement des droits civiques et humains. Les pétitions 67/97, 311/97 et 394/97 reçues par le Parlement européen révèlent que de nombreuses discriminations subsistent envers des handicapés:

- un citoyen handicapé qui, en dehors de son État de résidence, ne bénéficie pas de tarifs préférentiels lorsqu'il emprunte les transports publics;

- un citoyen allemand handicapé résidant aux Pays-Bas qui voit sa carte de grand handicapé, délivrée à Cologne, retirée sous le prétexte qu'il réside à l'étranger;

- des entreprises qui préfèrent payer des taxes que d'embaucher des handicapés.

Les États membres doivent prendre les mesures nécessaires à l'amélioration de la situation des handicapés.

5. Les minorités sexuelles

Malgré les améliorations enregistrées dans de nombreux États membres, des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle subsistent. Des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme et des pétitions reçues par le Parlement en témoignent 27 . Il faut abolir les discriminations et combattre les préjugés dont les minorités sexuelles font l'objet.

6. Les minorités nomades

Les populations nomades, Roms/Tsiganes, notamment, souffrent aujourd'hui partout en Europe de préjugés persistants à leur égard. Elles sont victimes d'un racisme profondément enraciné dans la société, sont la cible de manifestations, parfois violentes de racisme et d'intolérance, et leurs droits fondamentaux sont régulièrement violés ou menacés.

Les États membres doivent s'assurer que la discrimination en tant que telle ainsi que les pratiques discriminatoires dont les minorités nomades font l'objet soient combattues au moyen de législations adéquates.

V. SITUATION DES DÉTENUS ET DES PERSONNES EN GARDE A VUE

1. Violences policières

Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a maintes fois souligné qu'un État qui emprisonne une personne doit le faire dans des conditions qui respectent la dignité humaine. Par ailleurs, tous les États membres ont ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et signé la Convention des Nations-Unies ayant les mêmes objectifs. Ces conventions stipulent que nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Toutefois, les rapports d'Amnesty International et de l'Observatoire international des prisons, qui constituent des références dans ce domaine, font état de mauvais traitements, voire de torture en détention préventive, dans certains États membres.

Au moment de l'interpellation on constate souvent le recours à une utilisation abusive de la force par les policiers. Tous les États membres à l'exception des États du Benelux, de la Finlande et de l'Irlande sont concernés par ce problème. Les mauvais traitements lors de l'arrestation peuvent même se manifester par des coups de feu, des homicides et des viols. Telles situations ont été constatées en France, en Italie, au Portugal, au Royaume-Uni et en Suède. Ces mauvais traitements sont souvent accompagnés d'insultes racistes. Des cas de tortures ont été signalés au Portugal, en Espagne, en France et en Grèce.

Dans la plupart des cas, les administrations internes des polices des États membres ne font que peu ou pas d'enquêtes sur les plaintes concernant les mauvais traitements susmentionnés, ce qui aboutit pratiquement à l'impunité.

Chaque État membre doit mettre en place un mécanisme indépendant, chargé de recevoir et de traiter les plaintes formulées à titre individuel au sujet de mauvais traitements imputables à des agents de la force publique.

Au delà des violences policières, il faut considérer aussi les cas concernant la durée excessive des détentions provisoires en violation de l'article 5, paragraphe 3 de la CEDH 28

2. Situation dans les prisons

Le dernier rapport de l'Observatoire international des prisons (O.I.P) fait état d'une surpopulation qui ne résulte pas en général d'un accroissement des détenus mais de l'allongement des peines. La surpopulation carcérale compromet gravement les chances de réinsertion par ses conséquences sur la santé physique et mentale des détenus.

Les prisons sont souvent installées dans des bâtiments vétustes, parfois centenaires. La surpopulation, la drogue et la promiscuité entraînent une recrudescence des mauvais traitements, l'augmentation des suicides et une explosion du SIDA.

Les États membres doivent réduire au minimum les effets préjudiciables de la détention. Dans ce sens, il est souhaitable que les dispositions des règles pénitentiaires du Conseil de l'Europe soient reprises intégralement par l'ensemble des États de l'Union, notamment les règles relatives aux exigences minimales de salubrité : aménagement des cellules, alimentation, habillement, chauffage ainsi que l'hygiène, l'accès aux installations sanitaires, aux activités socio-éducatives, culturelles et sportives; tout élément qui garantit la dignité et la resocialisation du prisonnier. Par ailleurs, le recours à des peines de substitution, notamment les travaux d'intérêt général, le port du bracelet électronique doit être utilisé plus fréquemment dans le cas de détenus condamnés à de courtes peines.

3. Enfants en prison

"Un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans. L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, et n'être qu'une mesure de dernier ressort" 29 .

Les enfants détenus constituent un groupe particulièrement vulnérable, exposé à toutes sortes d'agressions et de contagions. Ils sont souvent victimes de mauvais traitements. Parfois battus par les adultes (policiers et détenus), ils sont aussi privés d'hygiène, de soins médicaux, d'alimentation et d'éducation convenables. Dans quelques États membres les jeunes restent 21 heures en cellule et dans le désoeuvrement le plus complet. Les cas de suicide et d'automutilation entre les mineurs emprisonnés ont augmenté.

Il est souhaitable, dans l'esprit de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant que :

- l'emprisonnement des mineurs ne soit plus la règle mais l'exception;

- les peines alternatives à l'emprisonnement soient multipliées;

- les enfants soient traités de façon égale devant la loi : qu'ils ne souffrent d'aucune discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion, la langue, l'origine nationale, la naissance, la culture ou toute autre situation;

- la situation et les besoins particuliers des mineurs soient pris en compte.

VI. RACISME, XÉNOPHOBIE, ANTISÉMITISME ET INTOLÉRANCE

1. La persistance des phénomènes racistes dans l'Union

Les sociétés européennes sont pluri-culturelles et pluri-ethniques, leur diversité reflétée par un large éventail de cultures et de traditions, est un facteur positif, une source d'enrichissement. La montée du racisme, de la xénophobie et de l'antisémitisme dans l'Union européenne est un défi majeur pour l'Union. La persistance de nombreux incidents racistes et de niveaux élevés de discrimination, de même que le dernier sondage Eurobaromètre de 1997 publié par la Commission à la fin de 1997, le montrent et le confirment.

On constate dans de nombreux États membres des attitudes à caractère raciste, xénophobe voire antisémite. Les travailleurs migrants originaires des pays musulmans et d'Afrique sont souvent discriminés sur le marché du travail. Les entreprises se montrent souvent réticentes à employer des personnes non européennes d'origine. Des cas de mauvais traitements ont été signalés au niveau de l'armée. Des membres des contingents belge et italien de la force multinationale de l'ONU ont été accusés d'avoir maltraité, voire torturé des Somaliens, dont des enfants.

Les résultats du sondage d'opinion d'Eurobaromètre de 1997 sont consternants : 33% des personnes interrogées se déclarent ouvertement "assez racistes" ou "très racistes". "Ces personnes sont insatisfaites de leur situation personnelle; elles ont peur du chômage, craignent l'avenir et ont peu confiance dans le

fonctionnement des institutions et de la classe politique de leur pays" 30 . Pourtant, le racisme, la xénophobie sont aux antipodes de tout ce que l'Europe représente en termes de dignité humaine, de compréhension et de respect mutuels et de citoyenneté au sens le plus large. Lutter contre le racisme et la xénophobie va de pair avec la promotion d'une société qui encourage activement l'intégration et la pleine participation de tous les groupes.

2. Rôle des États membres

Dans la lutte contre le racisme et la xénophobie les États membres doivent:

- inclure dans leurs législations des mesures pénalisant l'incitation au racisme, la négation de l'holocauste, la production et vente des textes à caractère raciste, xénophobe ou révisionniste;

- promouvoir l'éducation et la sensibilisation des jeunes dans ce domaine;

- encourager les médias à rendre compte de manière responsable des événements à caractère raciste ou xénophobe et à susciter l'intérêt du public pour d'autres cultures en illustrant les bienfaits de la diversité culturelle;

- donner une formation spécifique aux forces de l'ordre;

- procéder à la création d'organismes nationaux spécialisés à l'image de ceux qui existent déjà au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Belgique.

3. Rôle de l'Union

Si la lutte contre le racisme relève en premier lieu de la responsabilité des États membres, la dimension transnationale du problème justifie que des mesures soient prises au niveau européen. D'ailleurs quelques initiatives ont été déjà lancées:

- l'action commune du Conseil du 15 juillet 1996 concernant la lutte contre le racisme et la xénophobie 31 ;

- la création de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes 32 ;

- "1997 - Année européenne contre le racisme".

L'article 13 du projet de traité d'Amsterdam pourra fournir la base juridique nécessaire à d'éventuelles initiatives législatives. Par ailleurs, la Commission dans sa communication intitulée "Plan d'action contre le racisme" 33 propose les mesures suivantes:

- ouvrir la voie aux initiatives législatives;

- intégrer la lutte contre le racisme dans les politiques et programmes de la Communauté;

- soutenir des projets pilotes et des réseaux qui font preuve d'innovation dans la lutte contre le racisme;

- sensibiliser l'opinion publique par le biais des actions d'information et de communication aux dangers du racisme.

VII. IMMIGRATION ET ASILE

1. Les politiques d'immigration et d'asile de l'Union

Les politiques d'immigration et d'asile sont distinctes. Cependant, les événements internationaux de ces dernières années ont entraîné une certaine confusion. Le projet de traité d'Amsterdam consacre son article 63 aux politiques d'immigration et d'asile. Des propositions législatives devront suivre de façon à construire de véritables politiques européennes en la matière.

L'accroissement des demandes d'asile suite aux conflits dans l'ex-Yougoslavie, en Albanie, au Kurdistan et en Irak ont conduit les États membres à appliquer des mesures plus restrictives par le biais de l'introduction de procédures de détermination accélérées et simplifiées pour le traitement d'une grande partie de ces demandes, considérées comme clairement abusives ou "manifestement non fondées". Ils ont également introduit le concept de "pays tiers sûr" qui oblige les pays de transit avoisinant les États membres à réadmettre les demandeurs d'asile. L'extension de l'obligation de visa pour les citoyens des pays qui sont susceptibles de générer un nombre élevé de demandeurs d'asile, ainsi que l'imposition d'amendes (considérablement augmentées en 1997) aux compagnies aériennes transportant des passagers démunis de documents nécessaires à l'entrée sur le territoire de l'Union constituent des freins.

Le Parlement européen et diverses ONG ont critiqué ces mesures qui ne tiennent pas compte de la distinction nécessaire entre une politique d'immigration visant une distribution de forces de travail ou le regroupement familial et une politique d'asile visant la protection de tous ceux qui ont dû fuir la persécution pour un des motifs énumérés dans l'article 1er de la Convention de Genève de 1951. En outre, cette Convention énonce les conditions qui doivent être respectées, en particulier lors du renvoi de réfugiés dans leurs pays d'origine ou dans un pays tiers où leur sécurité peut être compromise. L'expulsion de demandeurs d'asile et d'immigrés en situation irrégulière doit toujours être entreprise dans le respect total des droits de l'homme. 34 .

2. Exploitation de domestiques étrangers

Des domestiques employés le plus souvent par leurs compatriotes sont soumis à des conditions de quasi-esclavage. Les victimes sont le plus souvent des femmes, parfois des couples, originaires des PVD, qui viennent en Europe pour échapper à la misère. Sans papiers (leurs passeports sont immédiatement confisqués par les employeurs), maîtrisant mal la langue du pays de séjour, ils travaillent sans percevoir de salaire dans des conditions indignes, étant violentés et séquestrés la plupart du temps. Réduits à la conditions d'esclaves, les employeurs qui bénéficient parfois de l'immunité diplomatique, exercent à leur encontre un véritable droit de propriété, et demeurent intouchables. C'est un phénomène visible aussi au niveau du petit commerce et même au sein des familles moins nanties en flagrante violation de l'article 4 de la CEDH.

3. Immigration clandestine et criminalité organisée

La traite des femmes est en augmentation en raison de la vulnérabilité, de la pauvreté et de la marginalisation de celles-ci dans leur pays d'origine (PECO, Asie du Sud Est, Amérique Latine), en raison des profits élevés et des risques limités pour les trafiquants, et en raison de la demande de femmes qui existe en Europe pour la prostitution et pour d'autres formes d'exploitation sexuelle. Croyant à des emplois offrant des salaires élevés, ces femmes tombent dans les mains d'organisations criminelles qui les réduisent à un véritable état d'esclavage. Ces femmes sont traitées comme de "vulgaires marchandises". Elles sont parfois même échangées contre des voitures occidentales.

Il s'agit d'un phénomène qui ne connaît pas de frontières et qui a donc entraîné une réponse de l'Union (programmes STOP et DAPHNE notamment).



(1) JO C 120 du 16.5.1989, p. 51.
(2) JO C 240 du 16.9.1991, p. 45.
(3) JO C 94 du 13.4.1992, p. 277.
(4) JO C 241 du 21.9.1992, p. 67.
(5) JO C 115 du 26.4.1993, p. 178.
(6) JO C 44 du 14.2.1994, p. 103.
(7) JO C 61 du 28.2.1994, p. 40.
(8) JO C 126 du 22.5.1995, p. 75.
(9) JO C 32 du 5.2.1996, p. 88.
(10) JO C 32 du 5.2.1996, p. 102.
(11) JO C 78 du 18.3.1996, p. 31.
(12) JO C 152 du 27.5.1996, p. 57.
(13) JO C 152 du 27.5.1996, p. 62.
(14) JO C 320 du 28.10.1996, p. 36.
(15) JO C 20 du 20.1.1997, p. 170.
(16) JO C 132 du 28.4.1997, p. 31.
(17) JO C 304 du 6.10.1997, p. 55.
(18) JO C 358 du 24.11.1997, p. 37.
(19) JO C 80 du 16.3.1998, p. 43.
(20) Articles 12 et 13.
(21) JO L 63 du 04.03.1997, p. 2
(22) Message du Secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, à l'occasion de l'inauguration de l'année marquant le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), in Bulletin de l'Association française pour les Nations unies, nº 27, décembre, p.33.
(23) La Finlande, l'Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas ne sont pas mentionnés dans ce rapport.
(24) Voir l'Arrêt du 25 février 1997 dans l'affaire Z. contre Finlande.
(25) Voir l'Arrêt du 25 juin 1997 dans l'affaire Halford contre Royaume-Uni.
(26) Voir notamment les Arrêts du 29 mai 1997 dans l'affaire Georgiadis contre Grèce et l'affaire Tsirkis & Kouloumpas contre Grèce.
(27) Voir notamment l'Arrêt du 22 avril 1997 dans l'affaire X, Y et Z contre Royaume-Uni et la pétition nº 963/97.
(28) Voir notamment l'Arrêt du 17 mars 1997 dans l'affaire Müller contre France.
(29) Convention sur les droits de l'enfant, articles premier et 37.
(30) COM (1998)0183, p.5.
(31) JO L 185 du 24.7.1996, p. 5.
(32) JO L 151 du 10.6.1997, p. 1.
(33) COM (1998)0183.
(34) Voir pétition nº 266/97.