765e réunion - 19 septembre 2001
Point 4.3
Situation des lesbiennes et des gays dans les Etats membres du
Conseil de l'Europe – Recommandation 1474 (2000) de l'Assemblée
parlementaire
(REC_1474 (2000))
Les Délégués adoptent la réponse suivante à la Recommandation 1474 (2000) de l'Assemblée parlementaire
«1. Le Comité des Ministres a attentivement examiné la Recommandation 1474 (2000) sur la situation des lesbiennes et des gays dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Il déplore, comme l'Assemblée parlementaire que les homosexuels soient, aujourd'hui encore, l'objet de discrimination et de violence. On trouve encore, dans l'ordre juridique et la pratique d'Etats membres, un traitement différencié des homosexuels, de même que des attitudes méprisantes ou intolérantes à leur égard.
2. Pour élaborer une réponse à la recommandation, le Comité des Ministres a demandé l'avis de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI). L'ECRI a adopté son avis auquel le Comité des Ministres souscrit dans l'ensemble – lors de sa 24e réunion en mars 2001 (voir l'annexe à la présente réponse). Eu égard à la proposition concernant le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, celui-ci a estimé, lorsqu'il a été consulté, que le problème de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est déjà pleinement couvert par son mandat et suffisamment important pour faire partie intégrante des travaux de son Bureau dans son ensemble, plutôt que d'être réservé à une personne spécifiquement désignée à cet effet.
3. Le Comité des Ministres souligne l'importance de couvrir toutes les formes de discrimination dans le cadre des activités du Conseil de l'Europe et insiste à cet égard sur la pertinence du nouveau Protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l'Homme (interdiction générale de toute discrimination). De toute évidence, un large éventail d'instruments juridiques et d'activités offre la possibilité de progresser dans la lutte contre la discrimination dont font l'objet les lesbiennes et les gays. Dans cet ordre d'idées, il se félicite de la proposition de l'ECRI concernant «un vaste débat au sein du Conseil de l'Europe sur la manière dont l'Organisation dans son ensemble peut traiter au mieux les divers domaines de discrimination.»
4. En ce qui concerne le paragraphe 11.i de la Recommandation 1474, le Comité des Ministres ne propose pas de rouvrir le débat concernant la nécessité d'ajouter l'orientation sexuelle aux motifs de discrimination expressément mentionnés dans le Protocole n° 12 (ou à l'article 14 de la Convention). Il rappelle que la question a été attentivement examinée par les rédacteurs du Protocole; il peut être fait référence aux explications données au paragraphe 20 du Rapport explicatif du Protocole. Le Comité des Ministres aimerait cependant attirer l'attention sur plusieurs affaires dans lesquelles la Cour a procédé à un examen très rigoureux des discriminations fondées sur des motifs non expressément mentionnés à l'article 14 (voir par exemple l'arrêt de la Cour dans l'affaire Gaygusuz c. Autriche du 11 janvier 1995, Rapport 1996-IV), et notamment celles fondées sur l'orientation sexuelle (par exemple, l'arrêt du 21 décembre 1999 dans l'affaire Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal).
5. En général, la jurisprudence des organes de la Convention européenne des Droits de l'Homme incite, elle aussi, fortement tous les Etats membres, au-delà de l'obligation spécifique des Parties contractantes d'exécuter les arrêts de la Cour, à réformer toute législation ou réglementation discriminatoire et, à ce propos, le Comité des Ministres ne fait pas uniquement référence aux affaires mentionnées dans la recommandation, mais également, par exemple, à l'affaire Norris c. l'Irlande ou aux affaires Modinos ou Marangos c. Chypre.
6. Il reste des progrès à faire dans le droit et la pratique internes des Etats membres. Il convient de les maintenir constamment à l'étude afin de s'assurer des meilleures normes et pratiques. A cet égard, le Comité des Ministres peut marquer son accord avec plusieurs des injonctions faites aux Etats membres au paragraphe 11.iii de la recommandation. Il souligne en particulier la nécessité mentionnée à l'alinéa 11.iii.e de prendre des mesures dans les secteurs de l'enseignement et de la formation professionnelle pour combattre les attitudes d' homophobie, dans certains milieux spécifiques. Aujourd'hui encore, l'homosexualité peut susciter de fortes réactions culturelles dans certaines sociétés ou certains secteurs, mais cela ne justifie pas la passivité de la part des gouvernements ou des parlements. Au contraire, ce fait souligne simplement la nécessité de promouvoir plus de tolérance dans les questions d'orientation sexuelle.
7. Enfin, le Comité donne l'assurance à l'Assemblée qu'il continuerait à suivre la question de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle avec une grande attention.
Annexe
Avis de l'ECRI sur la Recommandation 1474 (2000) de l'Assemblée parlementaire
1. L'ECRI a pris connaissance avec intérêt de la Recommandation 1474 (2000) relative à la situation des lesbiennes et des gays dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Elle est d'accord avec l'Assemblée parlementaire pour dire que les homosexuels sont encore trop souvent l'objet de discriminations ou de violences et que la législation discriminatoire qui existe parfois et le climat d'homophobie qui peut souvent être constaté dans les Etats membres mènent à des attitudes agressives ou méprisantes à leur égard. L'oppression à l'encontre des homosexuels est un indicateur du degré d'intolérance qui peut régner dans une société.
2. Jusqu'à présent, l'ECRI ne s'est pas penchée sur cette question. Jusqu'ici, l'ECRI a perçu sa tâche comme consistant à combattre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance associée à ces phénomènes. L'action de l'ECRI couvre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la violence, les discriminations et les préjugés auxquels sont confrontés des personnes ou groupes de personnes, notamment au motif de la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l'origine nationale ou ethnique.
3. L'ECRI se félicite de l'adoption du Protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l'Homme qui contient une interdiction générale de la discrimination, et insiste sur l'importance de couvrir toutes les formes de discrimination dans le cadre des activités du Conseil de l'Europe.
4. Pour cette raison, l'ECRI serait favorable à un large débat au sein du Conseil de l'Europe sur la façon dont l'Organisation dans son ensemble pourrait couvrir au mieux les divers secteurs de discrimination et se déclare prête à participer à un tel débat.
5. L'ECRI rappelle que les ressources dont elle dispose sont fort limitées et déjà insuffisantes pour couvrir son domaine d'activités actuel. Elle souligne en conséquence que toute décision sur la meilleure façon de couvrir la question de la discrimination au sens large devrait être assortie des ressources humaines et financières nécessaires. »