Vendredi 30 juin 2000 à 10 heures
VEUILLEZ NOTER QUE CECI EST UNE VERSION PROVISOIRE DU COMPTE-RENDU DU 30 juin 2000 10 HEURES ET SERA CORRIGE PAR LES ORATEURS.
Dans ce compte rendu:
1. Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.
2. Les discours prononcés dans une autre langue font l'objet d'un compte rendu analytique. Les interventions en allemand et en italien, in extenso, dans ces langues, sont distribuées séparément.
3. Les corrections doivent être adressées à la pièce 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.
SOMMAIRE
5.Situation des lesbiennes et des gays
Interviennent: la Présidente, M. Tabajdi (rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme), Mme Vermot-Mangold (rapporteuse pour avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille), MM. Etherington (rapporteur pour avis de la commission pour l'égalité des chances pour les femmes et les hommes) Eörsi, Einarsson, Mme Zapfl-Helbling, M. Schieder, Mme Err, M. Lupu, Mme Squarcialupi, M. Libicki, Pinggera, Mmes Faldet, Høegh, M. Jaskiernia, Mme Lalonde (observatrice du Canada), M. Provera
Demande de quorum
Interviennent: le Président, MM. Provera, Schieder, Etherington, Risari, Monfils, Mme Err, MM. Fyfe, Marshall, Kalkan, Lord Clinton-Davis
Renvoi des votes sur le projet de recommandation (8755)
Reprise de la discussion
Adoption du projet de recommandation (8654)
La séance est ouverte à 10 heures sous la présidence de Mme Štěpová, Vice-Présidente de l'Assemblée.
LA PRÉSIDENTE (Interprétation) dit que l'ordre du jour appelle la discussion commune du rapport de M. Tabajdi, au nom de la commission des questions juridiques, sur la situation des lesbiennes et des gays dans les Etats membres du Conseil de l'Europe (document 8755), ainsi que du rapport de Mme Vermot-Mangold, au nom de la commission des migrations, sur la situation des gays et des lesbiennes et de leurs partenaires en matière d'asile et d'immigration (document 8654). Le premier rapport sera assorti de l'avis de la commission des questions sociales, présenté par Mme Vermot-Mangold, et de celui de la commission sur l'égalité des chances, présenté par M. Etherington.
La liste des orateurs a été close hier à 18 heures; dix-huit orateurs se sont fait inscrire et dix amendements ont été déposés sur le premier texte.
Elle donne la parole à M. le rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme.
M. TABAJDI (Hongrie). – Il y a déjà presque vingt ans que cette Assemblée a ouvert le dossier des lesbiennes et des gays. C'est alors que M. Voogd a présenté un rapport et une recommandation de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille. L'occasion était historique: pour la première fois que les droits des lesbiennes et des gays étaient défendus dans un forum international représentatif. Je tiens en même temps rendre hommage à la rapporteuse espagnole qui m'a précédé, Mme Calleja, qui a élaboré une grande partie du présent rapport.
Beaucoup de choses ont changé au cours des vingt dernières années, pour qu'un jour les lesbiennes et les gays puissent vivre libres et égaux en droit partout en Europe. Il ne faut pas oublier que nous parlons ici de plusieurs dizaines de millions d'Européennes et d'Européens.
Le Conseil de l'Europe peut être fier du rôle qu'il joue dans ce domaine. Mais beaucoup reste à faire.
Il ne faut pas oublier que nous parlons de plusieurs dizaines de millions d'Européens. Le Conseil de l'Europe peut être fier du rôle qu'il joue en ce domaine, mais beaucoup reste à faire.
Le présent rapport a deux objectifs. D'une part, supprimer de la législation des pays membres toutes dispositions discriminatoires à l'encontre les homosexuels. Le propos est la non-discrimination et l'égalité des droits. D'autre part, faire évoluer la mentalité même des politiciens et surtout de la majorité de la société, en sensibilisant l'opinion publique européenne. C'est notre tâche et notre responsabilité.
Ce rapport est sans nul doute un dossier très sensible, compliqué et extrêmement délicat. Les discussions intervenues au cours des travaux de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme ont prouvé que l'égalité du traitement des gays et des lesbiennes suscitaient de vives réactions et de grands débats.
Ce n'est pas un rapport maximaliste, ce n'est pas un rapport exhaustif. L'adoption des enfants comme la procréation assistée pour les couples homosexuels ont suscité une forte résistance. J'ai décidé de respecter les opinions diverses et de prendre en compte ces résistances. L'adoption des enfants et la procréation assistée ne figurent donc pas dans les recommandations. Aujourd'hui, notre commission a soutenu l'amendement visant à supprimer du projet de recommandation le paragraphe 9 relatif à l'adoption des enfants, car notre but vise au consensus le plus large possible.
Près de la moitié des pays membres a répondu à notre questionnaire. Nous assistons déjà à des évolutions. Heureusement! Pour l'exemple, Chypre a supprimé toutes discriminations dans sa législation et, en Roumanie, la Chambre des députés a adopté un amendement à l'article 200. J'espère que le Sénat agira de même.
Aux pays membres du Conseil de l'Europe, se pose le problème de l'âge minimal de consentement. En effet, il varie dans treize pays. Dans six, le partenariat enregistré existe déjà.
L'abrogation des lois pénales discriminatoires n'est qu'un premier pas vers la disparition des discriminations et des préjugés. Le problème le plus délicat porte sur le traitement des lesbiennes et des gays.
Le projet de rapport vise à faire comprendre aux dirigeants politiques et à l'opinion publique européenne que, si les homosexuels ne demandent pas de privilèges, ils réclament toutefois plus que la simple tolérance, autrement dit l'égalité de la citoyenneté, l'égalité en droit. La citoyenneté comme la liberté ne sont pas divisibles. Nous sommes loin de traiter sur un pied d'égalité les hétérosexuels et les homosexuels. Il ne s'agit pas du tout d'introduire un traitement de faveur comme il se doit vis-à-vis des minorités nationales ethniques. Non, en l'occurrence, il est question de non-discrimination. Telle est la différence essentielle entre le traitement des minorités nationales et des minorités sexuelles. Au reste, les homosexuels ne réclament pas de privilèges.
Pour ce qui est de la mentalité des sociétés européennes, juridiquement, la seule discrimination qui demeure est fondée sur l'orientation sexuelle. Les discriminations fondées sur la race, sur le sexe, sur les opinions politiques et sur l'appartenance syndicale sont progressivement prohibées. A la différence du racisme, nombre de personnes considèrent l'homophobie comme justifiée. La tâche des politiciens consiste à informer la société sur le caractère véritable de l'orientation sexuelle des homosexuels et les propos homophobes doivent être sanctionnés. Un consensus européen doit se former autour du caractère inacceptable de l'homophobie.
Sur l'orientation sexuelle et les causes de l'homosexualité, la science n'a pas livré son dernier mot. Dans la majorité des cas, la cause essentielle de l'homosexualité réside dans des racines génétiques, dans la détermination biologique; ce n'est pas un choix libre de l'individu. L'approbation ou la désapprobation morale de la majorité est sans doute liée à l'irréversibilité de l'orientation homosexuelle. Si l'on peut changer son identité nationale, il est impossible de modifier son identité sexuelle. C'est une caractéristique: les lesbiennes et les gays sont perçus comme un danger pour le reste de la société comme si l'homosexualité, une fois reconnue, risquait de s'étendre. Or, si l'homosexualité devenait plus visible, ce ne signifierait pas l'extension de cette orientation sexuelle, mais marquerait simplement le signe de l'élargissement de la liberté de l'individu, de la démocratie et de l'égalité des citoyens. Si tel n'était pas le cas, ce serait un problème, car quelques dizaines de millions de personnes devraient se cacher en Europe.
Je ne demande rien de plus pour les lesbiennes et les gays de l'Europe que la non-discrimination, la liberté, l'égalité, les droits acquis pour tous les êtres humains. (Applaudissements)
LA PRÉSIDENTE (Interprétation) donne la parole à Mme Vermot-Mangold, rapporteuse pour avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille.
Mme VERMOT-MANGOLD rapporteuse pour avis (Hollande). – La commission des questions sociales, de la santé et de la famille soutient le rapport, dont je souligne l'importance. Il a pour objectif d'éliminer les discriminations à l'encontre des homosexuels et des lesbiennes et rejoint le but de notre action: la défense et la promotion des droits de l'homme.
La lutte contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle est l'une des tâches du Conseil de l'Europe et doit concerner l'ensemble des Etats membres. La commission a marqué son accord sur toutes les propositions présentées et a notamment soutenu le paragraphe 11.iii.h. Pour la commission, le partenariat enregistré reconnaît la validité du lien entre deux individus, apporte la stabilité au couple homosexuel, le rend visible socialement, et souligne publiquement la reconnaissance de l'homosexualité. C'est là une barrière contre la discrimination. Elle engage les Etats à modifier leurs lois en matière d'assurance, d'asile, entre autres. Au surplus, cela permet davantage de campagnes d'information sur le thème de l'homosexualité. La commission soutient donc ces améliorations et ces changements.
Trop nombreux, je ne suis pas en mesure d'énumérer l'ensemble des aspects positifs. Je souligne néanmoins les conséquences positives d'un lien stable sur la santé. La création d'un environnement affectif solide est un facteur diminuant les risques de propagation du sida et d'autres maladies à risques, qui, en matière de sexualité, sont davantage liées à la contamination hétérosexuelle. La commission s'est d'ailleurs interrogée sur la possibilité pour elle de consacrer un texte spécifique à la problématique du sida.
Sans être assimilé à un mariage, le partenariat enregistré doit néanmoins, pour être efficace, impliquer pour les partenaires, non seulement une reconnaissance sociale, mais des droits aux plans fiscal et successoral. Toutefois, l'insertion des homosexuels dans la société n'est pas uniquement une question juridique, c'est une question d'évolution des mentalités. Tous les Etats ne progressent pas du même pas et un énorme travail reste à entreprendre.
Si certains membres de la commission ne sont pas opposés au paragraphe 9 du projet de recommandation, ils ont néanmoins exprimé des doutes sur son libellé et ont contesté la mention d'autosatisfaction de l'assemblée, notamment au regard des possibilités d'adoption données par certaines législations aux couples homosexuels. Ils craignent une dévalorisation et un affaiblissement de la famille traditionnelle hétérosexuelle.
LA PRÉSIDENTE (Interprétation) donne la parole à M. le rapporteur pour avis de la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes.
M. Etherington (Royaume-Uni) (Interprétation), indique que sa commission, qui s'est réunie hier, a longuement débattu du paragraphe 9 et que, à une courte majorité, elle a préféré retirer l'expression de sa satisfaction. Certains voulaient écarter toute référence à l'adoption, tandis que d'autres, une minorité dont faisait partie le rapporteur, était favorable au maintien du texte. Des amendements ont donc été déposés.
L'orateur se félicite de l'accord qui a pu être trouvé entre sa commission et la commission de questions juridiques. Il annonce toutefois qu'il s'en remettra à la sagesse de l'Assemblée sur l'amendement oral au paragraphe 11 iii a. Pour le reste la commission se déclare satisfaite par la teneur du rapport. Ce ne sont pas les lois qui doivent seules évoluer, mais aussi les esprits, et ce rapport constitue un pas dans cette direction. (Applaudissements)
LA PRÉSIDENTE (Interprétation) donne la parole à Mme la rapporteuse de la commission des migrations sur la situation des gays et des lesbiennes et de leurs partenaires en matière d'asile et d'immigration dans les États membres du Conseil de l'Europe.
Mme Vermot-Mangold (Suisse) rapporteuse (Interprétation) s'interroge sur le statut des homosexuels dans les sociétés modernes. Elle constate que ceux-ci sont souvent victimes de discriminations qui portent atteinte à leurs droits, qu'il s'agisse d'emploi, de logement, d'accès aux lieux publics. Présidente d'une organisation d'aide aux victimes du sida, l'oratrice a pu voir que les couples homosexuels n'avaient pas les mêmes droits que les couples hétérosexuels quant à la prise en charge des soins.
Dans certains pays d'Afrique ou d'Orient, l'homosexualité est même un crime passible de la peine de mort, et Mme Vermot-Mangold cite le cas de cinq homosexuels condamnés à la bastonnade et à la prison en Arabie saoudite. Elle cite aussi les propos du Président Mugabe du Zimbabwe qui a déclaré un jour que l'homosexualité était contraire à la dignité humaine et constituait un acte contre nature qui fait des homosexuels des êtres pires que les chiens et les porcs. Depuis cette date, les homosexuels sont dans ce pays livrés à la vindicte populaire. De même, on peut citer en Ouganda le cas de quinze étudiants homosexuels qui ont été arrêtés, exclus de l'université et torturés pour être «guéris» de leur perversion.
Mme Vermot-Mangold dit que les homosexuels de ces pays, soumis à de telles pressions, sont naturellement tentés d'émigrer vers l'Europe. C'est la raison pour laquelle elle souhaite que l'homosexualité puisse être un motif légitime de demande d'asile et un critère d'octroi. Certains pays, en revanche, ont une législation avancée comme le Danemark, l'Islande, la Suède et un certain nombre d'Etats membres inscrivent dans leur Constitution le droit à un comportement homosexuel, ce qui, pour Mme Vermot-Mangold, est admirable. L'oratrice, pour conclure, invite les membres de l'Assemblée à plaider dans leurs parlements respectifs pour une modification des législations. (Applaudissements)
Lord Russell-Johnston, Président de l'Assemblée, prend place au fauteuil présidentiel.
LE PRÉSIDENT (Interprétation) ouvre la discussion en donnant la parole à M. Eörsi.
M. EÖRSI (Hongrie) (Interprétation) félicite les rapporteurs, au nom du Groupe libéral démocrate et réformateur. Dans le monde entier, les gays et les lesbiennes sont victimes de discriminations et même, dans certains pays, l'homosexualité est considérée comme un délit passible de sanctions. L'orateur ne comprend pas pourquoi l'on n'arrive pas à éradiquer cette discrimination dans les Etats membres du Conseil de l'Europe L'homosexualité est pourtant une caractéristique individuelle qui ne porte pas atteinte à la liberté d'autrui.
Il faut suivre la voie des pères fondateurs qui, il y a cinquante ans, ont condamné, dans la Convention européenne des Droits de l'Homme, toute discrimination de race, de religion, de langue ou d'opinion. Les gays et les lesbiennes méritent, comme tout un chacun, que leurs droits soient respectés. Ceux qui, dans l'Assemblée, s'opposent aux projets de recommandation devraient se lever et dire clairement que, à leur avis, les homosexuels ne sont pas des citoyens à part entière. Le Conseil de l'Europe a été institué pour assurer le respect des droits de l'homme: c'est pour lui un impératif que d'adopter les textes proposés par les rapports. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à M. Einarsson.
M. EINARSSON (Suède) (Interprétation), s'exprimant au nom de la Gauche unitaire européenne, observe que ces deux excellents rapports traitent de ce qui fonde le Conseil: le caractère universel des droits de l'homme. Ces textes ne sont pas extrémistes, ils sont même peut-être un peu trop timides, se contentant d'indiquer que les droits de l'homme doivent être respectés pour tous et que le Conseil n'accepte aucune discrimination.
L'orientation sexuelle n'est ni un crime ni un délit, elle ne rend ni meilleur, ni pire. Les Etats et les sociétés civiles ne sont pas en droit d'en faire un sujet de discrimination. Une société qui oblige certains de ses citoyens à cacher une partie de leur personnalité n'est pas civilisée et l'orateur regrette qu'il soit encore nécessaire d'avoir à voter ces deux projets de recommandation. Par ailleurs, seule une minorité d'Etats du Conseil reconnaît l'homosexualité comme un motif valable pour réclamer le droit d'asile. La Suède, qui a changé sa législation en la matière en 1997, ne reconnaît pas encore les homosexuels comme un groupe social, ce qui conduit à des absurdités: des homosexuels iraniens ont dû d'abord prouver qu'ils étaient vraiment homosexuels, ensuite qu'ils ne pouvaient pas le cacher aux autorités iraniennes et, enfin, qu'ils étaient persécutés dans leur pays.
L'Assemblée parlementaire, conclut l'orateur, doit affirmer clairement qu'elle n'accepte plus aucune discrimination!(Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à Mme Zapfl-Helbling.
Mme ZAPFL-HELBLING (Suisse) (Interprétation), s'exprimant au nom du Parti populaire européen, rappelle que la Charte sociale européenne garantit le respect des droits fondamentaux. Or, ceux des gays et des lesbiennes ne sont pas reconnus, par exemple sur les lieux de travail ou au service militaire et, dans certains pays, on les emprisonne.
L'oratrice se félicite du vote, cette semaine, d'un projet de loi qui, en Roumanie, interdira ce genre de discrimination. La plupart des difficultés juridiques rencontrées par les homosexuels viennent du fait que, partout, on privilégie le mariage. Ces difficultés sont aussi celles des hétérosexuels en union libre, auxquels on oppose qu'ils ont toujours la possibilité de se marier. Or, ce choix n'existe pas pour les homosexuels.
Le Parti populaire européen accorde une très grande valeur à la famille mais cela ne l'empêche pas de réclamer qu'on améliore la situation faite aux homosexuels. Une action commune pourrait être envisagée pour résoudre les problèmes de retraite, de sécurité sociale, d'héritage. En Suisse, par exemple, le survivant n'a pas droit à la pension de réversion. Et en cas de maladie ou de décès d'un homosexuel, les familles s'opposent souvent à ce que son partenaire lui rende visite ou assiste à son enterrement.
Le Parti populaire européen, défavorable à toute aide à l'adoption ou à la procréation médicale assistée, approuvera le rapport si ces deux points en sont exclus. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à M. Schieder.
M. SCHIEDER (Autriche) (Interprétation) s'exprimant au nom du Groupe socialiste, déclare que l'égalité de traitement est un bon critère pour juger du Code pénal d'un pays. Beaucoup d'Etats pratiquent encore la politique du «deux poids, deux mesures». Par ailleurs, il n'y a pas lieu de se réjouir d'un soi-disant meilleur traitement réservé aux lesbiennes qu'aux gays puisqu'il est dû, en réalité, à un profond mépris des femmes. A l'âge de l'amour, il est cruel d'avoir, suspendue au-dessus de sa tête, l'épée de Damoclès de la poursuite pénale!
L'orateur a honte de la situation qui prévaut dans son pays. Les religions et les diverses politiques familiales continuent de prôner la discrimination. L'orateur en appelle à l'Assemblée. Qu'elle n'oublie pas qu'elle va décider ici du sort de jeunes dont l'existence peut être détruite! Et comment refuser le droit d'asile à des homosexuels menacés de mort dans leur pays? Le Conseil a le devoir moral de mettre un terme à ces discriminations. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à Mme Err.
Mme ERR (Luxembourg). – Monsieur le Président, je remercie le rapporteur pour son travail des plus fouillés, ainsi que tous ceux qui ont participé à l'élaboration de ce rapport de qualité.
Je profite de la présence du Président de notre Assemblée pour regretter, une fois encore, qu'un sujet jugé à tort comme politiquement moins important soit traité un vendredi matin, c'est-à-dire à un moment où il devient plus difficile de réunir une assistance nombreuse. J'espère que c'est un hasard, mais je commence sérieusement à en douter.
L'homophobie, le racisme, le sexisme et la xénophobie sont autant de violations des droits de l'homme qu'il faut combattre de façon concomitante et avec la même vigueur. La question qui nous occupe ne concerne pas la sexualité mais les droits humains.
L'homosexualité demeure, dans toutes nos sociétés et dans presque tous nos pays, un obstacle à la pleine réalisation des droits humains. C'est scandaleux, inacceptable. L'homosexualité n'est en fait que la matérialité d'une pratique sexuelle différente de celle de majorité de gens. L'homophobie, par contre, est le rejet de cette différence. Elle vise actuellement non seulement les homosexuels mais aussi toutes les personnes qui n'adhèrent pas à l'ordre classique des genres, indépendamment de toute sexualité. Je parle, par exemple, non seulement des bisexuels mais aussi des hommes ou des femmes qui possèdent les caractéristiques de l'autre sexe, généralement acceptées.
Il est donc important que ce rapport passe, même si c'est à l'ordre du jour d'un vendredi matin. D'autant plus, mes chers collègues – mais peu d'entre vous le savent déjà – qu'un rapport – discuté au cours d'une session précédente un vendredi matin – portant sur le Protocole n° 12 vient d'être rejeté par le Comité des Ministres. Il s'agit, vous vous en souviendrez sans doute, du rapport sur un protocole additionnel instituant, par un avis de l'Assemblée, d'une part, l'inscription de l'égalité entre les hommes et les femmes dans la Convention européenne des Droits de l'Homme, d'autre part, l'orientation sexuelle comme motif de non-discrimination dans l'article 14.
Le Comité des Ministres vient d'arrêter ce texte cette semaine. Or le texte de l'article 4 n'a été modifié sur aucun de ces deux points, contrairement à ce que l'Assemblée avait bien voulu le recommander dans un rapport d'une excellente qualité. Et qui, lui aussi, avait été inscrit à l'ordre du jour un vendredi matin!
Je suis consternée par ce résultat. Consternée plus encore quand je constate que, dans une déclaration, notre secrétaire général, bien qu'aucune suggestion de l'Assemblée n'ait été retenue, a dit apprécier que le Protocole n° 12 constitue une amélioration significative de la protection légale contre les discriminations – ce qui est vrai dans une certaine partie – et une avancée pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Cela, mes chers collègues, est absolument faux. Il n'y a eu aucun progrès en la matière! Il est important que nous sachions ce qu'il advient des avis de l'Assemblée. A mon sens, il serait bon que la commission des droits de l'homme opère un suivi de cette question.
Je reviens au questionnaire qui a été distribué. Mon pays n'a pas jugé bon d'y répondre. Pourtant, à plusieurs reprises, je le lui ai rappelé. Je souhaitais que les autorités officielles, le gouvernement, dressent un constat afin que les ONG actives sur le terrain puissent émettre leurs commentaires. La position gouvernementale manque à l'heure actuelle. Toutefois, j'ai pu obtenir des réponses d'une ONG luxembourgeoise avec laquelle j'ai discuté du présent rapport. Je me permettrai de transmettre ses réponses aux collègues ici présents par la voie non officieuse.
Pour décrire brièvement la situation au Luxembourg, je dois dire que nous avons heureusement une législation qui interdit la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Nous n'avons plus de pénalités pour les relations homosexuelles entre majeurs consentants. L'homosexualité n'est pas un motif d'asile. Malheureusement, nous avons une discrimination en ce qui concerne l'âge, en dépit de la jurisprudence européenne.
Je soutiens les deux recommandations, notamment sur deux points: la reconnaissance de la persécution pour orientation sexuelle comme motif d'asile; le partenariat enregistré, last not least, qui constitue la reconnaissance d'un fait de société par le droit, la reconnaissance d'une égale dignité dans la différence pour toute personne indépendamment de l'orientation sexuelle.
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à M. Lupu.
M. LUPU (Roumanie). – A l'occasion de l'adhésion au Conseil de l'Europe, les autorités roumaines ont pris connaissance de la Recommandation 924 de 1981 de l'Assemblée parlementaire ainsi que de la pratique judiciaire de la Cour européenne des Droits de l'Homme et de la préoccupation des parlementaires qui ont compris qu'ils devaient dédier leur activité politique à la protection des droits de l'homme, dont les droits à l'intimité, à la vie privée et à une vie sexuelle librement consentie.
Confronté à une attitude critique de la part de l'Eglise orthodoxe roumaine et à la réaction, d'ailleurs attendue, de la part de l'opinion publique, qui s'est manifestée même dans la presse libre roumaine, le Parlement roumain a modifié tout de même l'article 200 du Code pénal en 1996, discriminant les actes homosexuels librement consentis consommés dans l'intimité. Ce premier pas a préparé le terrain pour une nouvelle orientation dans la pratique judiciaire et pour de nouvelles modifications législatives.
Nous sommes tous conscients du rôle de la pratique judiciaire dans la formation du droit. N'ignorons pas que dans d'autres pays, qui ont des réglementations beaucoup plus avancées, on prononce davantage de condamnations, remontées même devant la Cour européenne des Droits de l'Homme.
Personnellement, je suis favorable à la désincrimination totale des relations homosexuelles et pas seulement pour entrer dans le cadre de certains standards. Il s'agit surtout du respect de la vie privée et du droit à l'intimité. Pendant la dictature communiste en Roumanie, l'incrimination de ces actes consommés dans l'intimité a été utilisée plusieurs fois par la police politique afin de couvrir la violation d'autres libertés fondamentales – l'inviolabilité du domicile, l'intégrité de la personne humaine, par exemple.
De plus, je considère que l'Etat ne peut pas interdire ce qu'il ne peut pas contrôler, ce qui tient strictement à l'intimité de l'individu, de la même façon qu'il ne peut pas imposer l'acceptation totale de telles pratiques à l'opinion publique.
A l'occasion de ce débat, je suis en mesure de vous confirmer que, cette semaine, mercredi 28 juin, la Chambre des députés de la Roumanie a adopté un projet de loi qui abroge entièrement l'article 200 de Code pénal, si discuté, ainsi que toute référence aux pratiques homosexuelles. De plus, un accord politique est intervenu entre les partis de la coalition gouvernementale, afin que ce projet soit également adopté par le Sénat à la fin du mois de septembre. Lors de la dernière partie de la session parlementaire de septembre, je serai donc en mesure de vous assurer que la Roumanie a rempli intégralement ses obligations sur cette question.
Nous ne pouvons pas nous engager, même si on nous le demande, à intégrer dans la législation la possibilité pour un couple homosexuel d'adopter des enfants. Si l'acte homosexuel consommé avec l'accord des individus juridiquement responsables ne peut plus être interdit, on ne peut pas faire courir le risque à un mineur de naître dans une famille «assez bizarre» pour la plupart des Européens; il pourrait être marqué d'un complexe qui l'isolerait du point de vue social et affecterait gravement sa personnalité.
En conclusion, en tant que leader de la délégation roumaine au Conseil de l'Europe, je peux vous assurer que je suis toujours prêt à vous transmettre toutes les informations nécessaires pour donner une image la plus correcte possible de la Roumanie. Ainsi, je peux vous parler, à tout moment, des grands problèmes auxquels est confrontée la Roumanie: la consolidation de l'économie de marché, la privatisation, la restitution des propriétés immobilières confisquées, le chômage, la pauvreté. En même temps, je peux vous assurer que la situation des homosexuels, par la fréquence des cas, en réalité et dans la pratique judiciaire, ne constitue pas un problème inquiétant pour la Roumanie en tant que pays membre du Conseil de l'Europe.
Enfin, toutes mes félicitations au rapporteur et mes remerciements pour votre attention. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à Mme Squarcialupi.
Mme SQUARCIALUPI (Italie) (Interprétation) rappelle avoir rédigé, en 1984, un rapport sur les discriminations sexuelles sur les lieux de travail pour la commission des affaires sociales et de l'emploi du Parlement européen. Elle avait rappelé à cette occasion la Résolution 756 votée en 1981 par l'Assemblée parlementaire.
C'est à n'y pas croire: vingt ans n'ont pas suffi pour effacer cette honte qu'est la discrimination sexuelle sur le lieu du travail, dans la société et les mentalités. Quand on pense aux droits acquis en cinquante ans par tant de catégories humaines, pourquoi en va-t-il autrement pour ceux qui ont d'autres préférences sexuelles que celles de la majorité dite bien-pensante? Certes des progrès ont été réalisés. L'homosexualité n'est plus considérée comme une maladie mentale.
L'oratrice espère que la recommandation actuelle permettra de faire progresser la société vers plus de tolérance et qu'elle contribuera à modifier les mentalités. Il existe, à Rome, une organisation de familles et d'amis d'homosexuels que l'oratrice a rencontrée à plusieurs reprises. Dans celle-ci, une mère et un fils ont écrit un livre Comment vivre sereinement l'homosexualité en famille. On y comprend les difficultés rencontrées pour annoncer l'homosexualité à la famille et pour abattre les barrières du stéréotype. En fait, la mère a été littéralement éduquée par son fils homosexuel. Les auteurs de ce livre comptent organiser des rencontres avec des enseignants pour expliquer ce qu'est la différence car la discrimination est la peur du nouveau. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) constatant l'absence de M. Varela I Serra, donne la parole à M. Libicki.
M. LIBICKI (Pologne) (Interprétation) relève dans le rapport deux assertions qui lui semblent abusives. Il est dit que les discriminations à l'égard des homosexuels sont parmi les plus odieuses qui soient. L'orateur ne voit aucune raison de mettre cette discrimination en exergue. Pour lui, toute discrimination est inacceptable. Le rapport indique également que l'Assemblée n'a pas choisi une attitude maximaliste. Pour l'orateur, le rapport suggère tout de même des propositions fortes qui ouvriront la porte à d'autres exigences encore plus surprenantes de la part des défenseurs des homosexuels. C'est déjà le cas avec l'adoption d'enfants et l'âge du consentement. Si l'on n'y prend garde, on finira par fixer l'âge minimal à 8 ans.
Au début des années 80, les homosexuels s'élevaient contre l'intolérance sur le lieu de travail. Ils veulent maintenant le droit au mariage, à l'adoption. Leurs revendications sont sans fin. Or ils ne recherchent pas une coexistence pacifique au sein de la société mais provoquent des affrontements avec la moralité et le monde politique. La Gay Pride se déroule traditionnellement dans tous les pays le 26 juin. Sauf à Rome, où elle aura lieu début juillet en même temps que l'apothéose du Jubilé 2000. Les chrétiens qui désirent s'imprégner de l'atmosphère de ce jubilé seront confrontés aux provocations de ces manifestants homosexuels qui ne se gênent pas pour pratiquer le blasphème.
On reproche à certains dirigeants religieux de s'opposer aux droits des homosexuels. Il est exact que les religions n'acceptent moralement pas de tels actes.
Mais le catéchisme catholique proscrit toute discrimination injuste à l'égard des homosexuels. De leur côté, ceux-ci doivent, s'ils sont chrétiens, accomplir les vœux de Dieu dans leur vie et s'unir au sacrifice du Christ.
Pour toutes ces raisons et parce qu'il n'entend pas multiplier les privilèges et les droits non plus que les obligations imposées aux Etats, l'orateur votera contre le projet de recommandation. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à M. Pinggera.
M. PINGGERA (Italie) (Interprétation) estime juste que des adultes puissent vivre la sexualité qui a leur préférence avec un partenaire consentant mais estime que la situation est très différente lorsque des mineurs sont en cause. Leur personnalité n'est pas suffisamment formée pour qu'on puisse considérer qu'il y ait de leur part libre consentement ou libre décision.
Par ailleurs, les enfants doivent dans toute la mesure du possible vivre dans une famille composée d'un père et d'une mère et, dès lors que l'on admet ce point, on a déjà répondu implicitement à la question de savoir s'il faut autoriser l'adoption par des couples homosexuels. Le problème n'est d'ailleurs pas de savoir où se trouve l'intérêt de ceux qui adoptent, mais bien de déterminer l'intérêt de l'enfant.
En l'occurrence, il est clair aussi qu'on ne peut parler de discrimination: ce ne sont pas les adultes, mais bien les seuls enfants qui peuvent prétendre à l'adoption.
Pour toutes ces raisons, l'orateur votera les amendements visant à supprimer toute référence à l'adoption dans le projet de recommandation. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à Mme Faldet.
Mme FALDET (Norvège) (Interprétation) considère que le débat ne porte ni plus ni moins que sur l'aptitude des sociétés européennes à respecter les droits de leurs minorités, les droits de ceux qui sont différents. Certes, même au regard des valeurs que défend le Conseil, la question de l'homosexualité est une question très délicate dans la plupart des pays du continent. Cependant, si l'on refuse une politique fondée sur la tolérance, le respect et la solidarité, on privera la société du civisme dont elle a besoin pour progresser. Tous les pays membres doivent donc assurer l'égalité des droits à leurs citoyens et l'oratrice appuiera donc la recommandation visant à ajouter l'orientation sexuelle au motif de discrimination prohibée.
La recherche de l'identité est pour chacun un moteur puissant. Nombre de gays et de lesbiennes ont traversé une période sombre et douloureuse avant de s'accepter comme tels. Toute intolérance de la société à leur égard ne ferait que rendre ce processus encore plus difficile, il aggraverait leur isolement, il accroîtrait les risques de harcèlement. Les parlementaires doivent donc mesurer leurs responsabilités et faire obstacle à toutes les discriminations dont souffrent encore les homosexuels. Il faut améliorer les lois, informer, éduquer pour que progresse la compréhension et la tolérance. Le sujet doit faire l'objet de discussions dans les écoles et les organisations de jeunesse, avec la collaboration des enseignants et des animateurs qu'il convient également de mieux former. D'autres mesures doivent être prises dans les secteurs économique, sanitaire et culturel.
Rappelant à ses collègues que personne n'a le droit de juger, l'oratrice invite ses collègues à faire leur devoir, qui est de garantir le respect des droits de l'homme. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à Mme Høegh.
Mme Høegh (Norvège) (Interprétation), qui est conservatrice, juge cependant tout naturel d'appuyer le projet de recommandation. Sa seule réserve portera sur le passage du point 9 relatif au droit d'adoption, mais elle a cru comprendre que la commission avait accepté un amendement visant à le supprimer.
La Norvège a institué depuis 1993 le «partenariat enregistré» dont il est question au point 11. L'oratrice était alors la porte-parole de son parti sur le sujet, bien que minoritaire. Sept ans après, elle constate que la majorité s'est ralliée à sa position et ne conteste plus ces partenariats enregistrés. Malheureusement, la situation est encore bien différente dans beaucoup de pays, de sorte que les homosexuels sont privés d'une précieuse sécurité et ne sont encouragés ni à se comporter en citoyens autonomes, ni à demeurer avec leur partenaire. Le partenariat enregistré est en effet une puissante incitation à vivre une relation stable. Inspiré du mariage, il ne menace en rien cette institution mais constitue plutôt un hommage à la force des liens qu'il crée.
Certains des pères fondateurs du Conseil s'étaient opposés au suffrage universel pour les femmes ou à l'égalité des droits entre enfants légitimes et enfants illégitimes. Nul doute qu'ils ne seraient pas fiers de leur attitude aujourd'hui. Les hésitants d'aujourd'hui devraient méditer la leçon et se demander si leurs réticences ne viennent pas tout entières de la force de l'habitude. Qu'ils songent plutôt à conforter les droits de l'homme. D'autre part, être conservateur, ce n'est pas maintenir les choses en l'état, mais chercher à construire une société qui reconnaisse le droit à la différence. La plupart des homosexuels ne se cachent plus, mais il serait raisonnable et responsable d'adopter une disposition qui leur assure d'être mieux respectés. La mesure n'a eu aucune conséquence négative en Norvège, bien au contraire, et l'oratrice insiste donc pour que les sceptiques l'acceptent: ils n'auront pas à le regretter. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à M. Jaskiernia.
M. JASKIERNIA (Pologne) (interprétation) exprime sa reconnaissance aux rapporteurs et aux commissions, ainsi qu'à son ancienne collègue espagnole qui a consacré de longs mois à l'élaboration de ce rapport.
Tous ceux qui sont contre les discriminations ne peuvent s'opposer au projet de recommandation, à moins de faire preuve d'hypocrisie. On ne peut dénoncer ces discriminations en paroles et refuser d'agir concrètement contre elles. Or, le séminaire organisé par la sous-commission des droits de l'homme à Paris a démontré qu'elles étaient encore bien réelles. Des pays comme l'Arménie et comme la Roumanie, qui viennent de réformer leur code pénal en vue d'assurer une meilleure protection aux homosexuels, ont d'autant plus de mérite.
L'orateur souligne l'intérêt des décisions prises par la Cour européenne des Droits de l'Homme, qui a rappelé les Etats au respect de l'article 8 de la convention. Le Protocole n° 12 recommandait au Comité des Ministres de prendre des mesures contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle. Le Comité a fait le sourd, en alléguant des motifs budgétaires, mais l'orateur craint aussi dans ce cas qu'il n'y ait que pure et simple hypocrisie. Il suggère donc à l'Assemblée de renouveler sa demande: il y va du respect qui lui est dû. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à Mme Lalonde, observatrice du Canada, autorisée par le Bureau à prendre la parole, conformément à l'article 60 du Règlement.
Mme LALONDE (Canada), observatrice du Canada. – Je suis heureuse de féliciter le rapporteur et la commission pour cet excellent rapport. Moi, qui suis toujours prompte à féliciter le Conseil de l'Europe pour toutes ses excellentes réalisations, j'ai été déçue d'entendre Mme Err à propos de la réponse du Comité des Ministres. Je suppose que la présente assemblée va demander à nouveau que l'orientation sexuelle figure parmi les motifs de discrimination prohibées dans les législations nationales. Nous allons donc reposer la même question.
Je suis très fière du Québec, premier Etat d'Amérique du Nord à avoir aboli dans ses lois toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Récemment, le 16 juin 2000, la loi 32 a accordé les mêmes droits et imposé les mêmes obligations aux conjoints de même sexe. C'est le biais par lequel le Québec, suivi un peu plus tard par le Canada, a pu reconnaître les couples homosexuels. Il n'existe pas de partenariat enregistré, une formule que certains auraient préféré. Mais les couples homosexuels ont voulu que cette loi reconnaisse la réalité de leur union. Ils n'ont pas voulu se cacher derrière des partenariats enregistrés qui pourraient recouvrir d'autres réalités souhaitables mais qu'ils ont voulu séparer de cette loi.
La loi a pu être adoptée parce que depuis longtemps dans la Charte des droits et des libertés figurait l'orientation sexuelle: celle-ci ne pouvait jamais être un motif de discrimination. Au Québec, un large consensus règne à propos de la reconnaissance des conjoints de même sexe. Je suis fière que notre société soit tolérante. Néanmoins, je dois préciser qu'elle compte encore beaucoup de personnes homophobes.
Récemment, un journaliste et cuisinier, populaire à la télévision, a publiquement révélé son homosexualité afin de protester contre les humoristes québécois qui avaient pris la fâcheuse habitude de tourner les homosexuels en ridicule. Il a suscité de nouveau un débat important.
Je voudrais féliciter la commission, et notamment les rapporteurs, pour avoir attiré l'attention sur la situation des jeunes et sur les crimes homophobes.
La situation des jeunes est plus particulièrement émouvante. En effet, lorsque ceux-ci constatent qu'ils ne sont pas ce qu'ils voudraient être et ce qu'ils devraient être pour plaire à leurs parents et à la société, ils sont en proie à un trouble déjà suffisamment grave pour qu'il ne soit pas sanctionné par une répression qui, si elle n'est pas physique, n'en est pas douloureusement ressentie parce qu'elle est celle de leur entourage.
Je vais transmettre ce rapport à qui de droit. La juridiction reconnaît l'existence de couples formés de conjoints de même sexe. Deux députés connus ont affiché publiquement leur homosexualité, dont un député du NPD. L'autre est de mon parti. Je souhaite que le rapport que nous examinons marque une étape de plus dans la marche de nos sociétés vers une société plus douce, afin que toutes les personnes qui la composent et y vivent puissent vivre selon leur propre inclination et, par conséquent, aimer mieux les autres. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation), donne la parole à M. Provera, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.
La loi a été adoptée grâce à un large consensus, car la société canadienne est tolérante, même si les cas d'homophobie persistent. Mme Lalonde remercie le rapporteur d'avoir attiré l'attention sur le sort des jeunes homosexuels qui sont souvent victimes de la réprobation de leur entourage et se trouvent dans des situations délicates. Elle forme le vœu que ce rapport puisse être une étape dans la constitution d'une société plus ouverte. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à M. Provera.
M. PROVERA (Italie) (Interprétation) est d'accord sur le fond avec les deux documents: chacun doit être libre de suivre son orientation sexuelle, mais il est en complet désaccord sur le point 9 relatif à l'adoption des enfants. L'Assemblée doit se préoccuper de défendre les enfants et de leur permettre de se développer dans des conditions normales, ce qui suppose qu'ils aient deux personnes de référence, un homme et une femme. La physiologie et l'anthropologie énoncent à ce propos des règles qu'aucune législation ne peut remettre en cause. L'orateur comprend les motivations des homosexuels dans cette affaire mais veut d'abord protéger celui qui est en situation de faiblesse, c'est-à-dire l'enfant.
Autre sujet de préoccupation: l'homophobie supposée de certaines conceptions religieuses. L'orateur est favorable à la laïcité mais considère que des autorités religieuses sont fondées à se prononcer sur l'homosexualité d'un point de vue moral.
Enfin il lui paraît contestable de dire que, sur l'adoption des enfants par des homosexuels, les résistances s'expliquent par des mentalités qui devraient évoluer. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (interprétation), constate que la liste des orateurs est épuisée et appelle la réplique des commissions.
Il donne la parole à Mme la rapporteuse.
Mme VERMOT-MANGOLD (Suisse) (Interprétation) remercie l'Assemblée et se félicite de la récente révision du Code pénal en Roumanie, qui est encourageante. Elle considère que les préjugés, quelque «profonds» qu'ils soient, doivent évoluer. S'agissant du partenariat enregistré, qui existe en Suisse depuis six mois, elle apprécie ce que Mme Høegh a rapporté concernant l'expérience norvégienne. Elle déclare qu'elle connaît des cas bouleversants de couples homosexuels détruits par l'expulsion d'un des membres: l'homosexualité n'est toujours pas reconnue comme motif d'octroi de l'asile. En temps que catholique elle regrette d'une manière générale que l'Eglise fasse preuve de tant de rigidité sur ces questions. Enfin elle déplore vivement que le Comité des Ministres n'ait pas retenu la discrimination envers les homosexuels dans le Protocole n° 12 sur l'égalité de traitement. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à M. le rapporteur.
M. TABAJDI (Hongrie). – La majorité des orateurs ont exprimé leur soutien en ce qui concerne le rapport présenté, indépendamment de leurs orientations politiques. Nous avons une chance réelle d'avoir un consensus dans cette salle aujourd'hui parce que l'adoption des enfants et la procréation assistée ne figureront pas dans la version finale de cette recommandation. C'est une question très importante. C'est la raison pour laquelle il faut encore une fois redire qu'il n'y aura aucune référence sur ces deux sujets délicats.
Je remercie Mme Danièle Cohen pour son aide et de son travail.
Je ne vais pas essayer de convaincre ceux qui ne veulent pas l'être. Chers collègues, ce n'est pas seulement une question juridique, mais plutôt une question de mentalité de la majorité.
Cette question n'est pas celle de l'orientation sexuelle mais plutôt celle de la véritable démocratie, du respect des êtres humains. Mme Err et d'autres orateurs ont demandé la suppression de toute forme de discrimination, ce qui suppose d'éradiquer les causes.
Je m'accorde avec M. Jaskiernia lorsqu'il dit que l'Assemblée parlementaire devra convaincre le Comité des Ministres en ce qui concerne le Protocole 12 . Le Conseil de l'Europe ne peut être en retrait par rapport à l'Union européenne. Le Traité d'Amsterdam inclut l'orientation sexuelle parmi les motifs de discrimination prohibés. Il y va du prestige du Conseil de l'Europe.
En ce qui concerne la jeunesse, je me suis réjoui des propos de M. Schieder et de Mme Faldet. Oui, les jeunes subissent de très fortes pressions dues à l'image négative de l'homosexualité, aux brutalités homophobes et à l'hostilité des familles. La crainte de l'isolement, de la stigmatisation, cause beaucoup de souffrance aux jeunes.
Pour ce qui est du partenariat enregistré, je suis reconnaissant à Mme Høegh de nous avoir bien convaincu qu'il ne porte pas préjudice à l'institution du mariage; au contraire, il peut stabiliser les partenariats en général. L'exemple norvégien était excellent.
Je terminerai en reprenant les mots de Mme Høegh: «Chers collègues, il faut agir à temps.»
LE PRÉSIDENT (Interprétation) signale que la commission des questions juridiques et des droits de l'homme a présenté un projet de recommandation sur la situation des lesbiennes et des gays dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, contenu dans le document 8755, et ainsi rédigé:
«Projet de recommandation:
1. Il y a près de vingt ans, dans sa Recommandation 924 (1981) relative à la discrimination à l'égard des homosexuels, l'Assemblée a dénoncé les discriminations dont étaient victimes les homosexuels dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe.
2. Depuis, les homosexuels sont encore trop souvent l'objet de discriminations et de violence à l'école et dans la rue. Ils sont perçus comme un danger pour le reste de la société, comme si l'homosexualité, une fois reconnue, risquait de s'étendre. Or il est clair que lorsque l'homosexualité n'est pas visible dans un pays cela n'est que le signe infaillible d'une oppression à l'égard des homosexuels.
3. Une telle homophobie est parfois relayée par certains politiciens ou leaders religieux justifiant ainsi l'existence de législations encore discriminatoires et surtout d'attitudes agressives ou méprisantes.
4. Dans le cadre des procédures d'adhésion des nouveaux Etats membres, l'Assemblée veille à poser comme condition que les actes homosexuels entre adultes consentants ne figurent plus comme un délit dans les Codes pénaux.
5. L'Assemblée constate que l'homosexualité est toujours un délit dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe et que dans une grande partie des autres des discriminations entre homosexuels et hétérosexuels existent concernant l'âge du consentement.
6. L'Assemblée se félicite que la Cour européenne des Droits de l'Homme, dès 1981 dans son arrêt Dudgeon c. Royaume-Uni, ait estimé que l'interdiction d'actes sexuels entre hommes consentants violait l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et que plus récemment, en 1999, elle se soit prononcée contre toute discrimination d'ordre sexuel dans ses arrêts Lustig-Prean et Beckett c. Royaume-Uni et Smith et Grady c. Royaume-Uni.
7. Elle se réfère à son Avis n° 216 (2000) sur le projet de protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l'Homme, dans lequel elle a recommandé au Comité des Ministres d'inclure l'orientation sexuelle parmi les motifs de discrimination estimant qu'il s'agissait de l'une des formes les plus odieuses de discrimination.
8. En matière d'emploi, si les législations ne prévoient aucune restriction concernant les homosexuels, dans la pratique ils en sont parfois exclus et l'accès à l'armée fait l'objet de restrictions non justifiées.
L'Assemblée constate toutefois avec satisfaction que certains pays ont non seulement aboli toute discrimination mais ont adopté des législations reconnaissant le partenariat entre homosexuels et même le droit à l'adoption d'enfants, et reconnaissent l'homosexualité comme un motif pour accorder l'asile lorsque le risque de persécution en raison de l'orientation sexuelle existe.
10. Elle est toutefois consciente que la reconnaissance de ces droits se heurte, pour l'instant, à des difficultés tenant aux mentalités qui devront encore évoluer.
11. L'Assemblée recommande donc au Comité des Ministres:
i. d'ajouter l'orientation sexuelle parmi les motifs de discrimination prohibés dans la Convention européenne des Droits de l'Homme, comme elle l'avait demandé dans son Avis n° 216 (2000);
ii. d'élargir le mandat du Comité européen contre le racisme et l'intolérance (Ecri) pour y inclure l'homophobie fondée sur l'orientation sexuelle;
iii. d'inviter les Etats membres:
a. à inclure l'orientation sexuelle parmi les motifs de discrimination prohibés dans leur législation nationale;
b. à supprimer de leur législation toute disposition qui rend passible de poursuites pénales les actes homosexuels entre adultes consentants;
c. à remettre immédiatement en liberté ceux qui sont emprisonnés en raison d'actes sexuels entre homosexuels adultes consentants;
d. à appliquer le même âge minimum de consentement pour les actes homosexuels et hétérosexuels;
e. à prendre des mesures positives pour combattre les attitudes d'homophobie, en particulier à l'école, dans le corps médical, l'armée et la police, au travers de la formation;
f. si nécessaire, à prendre des mesures disciplinaires à l'encontre de ceux qui discrimineraient les homosexuels;
g. à assurer l'égalité de traitement des homosexuels en matière d'emploi;
h. à adopter une législation prévoyant le partenariat enregistré;
i. à accepter la persécution des homosexuels comme motif d'asile.»
Sur ce projet, dix amendements ont été déposés qui seront appelés dans l'ordre auquel ils s'appliquent au texte tel que publié dans le bulletin de la présente séance, à savoir: nos 8, 9, 7 rév., 10 et 1 à 6.
Demande de quorum
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à M. Provera.
M. PROVERA (Italie) (Interprétation) demande la vérification du quorum. La crédibilité de l'Assemblée, explique-t-il, dépend de la présence de ses parlementaires et il serait absurde que le problème d'un droit aussi fondamental soit traité en si petit comité. Ou alors qu'on modifie le Règlement de façon à inscrire le débat sur la Tchétchénie, par exemple, à l'ordre du jour du vendredi matin!
LE PRÉSIDENT (Interprétation) rappelle que pour être valable, cette demande doit être appuyée par au moins dix membres présents. Il demande donc aux représentants et suppléants dûment désignés, et à eux seuls, qui soutiennent cette demande, de voter en sa faveur au moyen du système électronique.
Il est procédé au scrutin.
La demande de vérification du quorum est appuyée par seize parlementaires.
LE PRÉSIDENT (Interprétation) constate que plus de dix membres ont soutenu la demande. Il va donc faire procéder à la vérification du quorum au moyen du système électronique. Il demande aux parlementaires d'appuyer sur n'importe quel bouton, uniquement pour signaler leur présence.
Il est procédé au scrutin.
LE PRÉSIDENT (Interprétation) constate que 42 parlementaires sont présents. En conséquence, le quorum, qui est de 136, n'est pas atteint. Conformément à l'article 41.5 du Règlement, le vote doit être reporté.
Il donne la parole à M. Schieder.
M. SCHIEDER (Autriche) (Interprétation) réclame que le nom de ceux qui ont demandé la vérification du quorum soit inscrit au procès-verbal.
LE PRÉSIDENT (Interprétation) indique qu'il s'agit de Mme Agudo , M. Anusz, D'Aron, Duka-Zólyomi, Mme Gatterer, MM. Kalkan, Libicki, Lupu, Risari, Robol, Schreiner, Wittbrodt, Raškinis, Dolazza, Reimann et Pinggera.
Il donne la parole à M. Etherington.
M. ETHERINGTON (Royaume-uni) (Interprétation) regrette que des parlementaires venus faire d'utiles contributions en soient empêchés par les forces les plus réactionnaires du Conseil de l'Europe. (Mouvements divers) C'est la majorité de l'Assemblée qui doit s'exprimer et non pas ses forces les plus réactionnaires.
LE PRÉSIDENT (Interprétation) explique que le Bureau en a précisément discuté au cours de sa réunion de ce matin. Un consensus a semblé se dégager en faveur de la réduction du chiffre requis pour le quorum, et de l'élévation du nombre de personnes nécessaire pour le demander. Le Bureau a décidé de renvoyer la question à l'examen de la commission du Règlement.
Il donne la parole à M. Risari.
M. RISARI (Italie) (Interprétation) ne voit aucune difficulté à ce que son nom figure au procès-verbal mais il aimerait que cela soit demandé sur un ton moins menaçant. Il est présent dans l'hémicycle ce matin, contrairement à de nombreux progressistes dont les sièges sont vides. La distinction entre progressistes et réactionnaires est d'ailleurs dépassée. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à M. Provera.
M. PROVERA (Italie) (Interprétation) est un de ceux que l'on a qualifiés, de façon très stalinienne, de «réactionnaire». Ceux qui emploient ce terme, qui n'est plus à la mode depuis longtemps, sont eux-mêmes dépassés. L'orateur demande qu'on inscrive son nom parmi les demandeurs de vérification du quorum. Il est fier d'être présent dans l'hémicycle, ce vendredi matin, pour faire le travail pour lequel il a été élu.
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à M. Monfils.
M. MONFILS (Belgique). – Monsieur le président, chers collègues, il est ici des interventions qui relèvent du terrorisme intellectuel. Chacun d'entre nous a ses convictions qu'il a le droit d'exprimer. Les récriminations que nous avons entendues sont tout à fait intolérables j'y vois une volonté de discrimination. J'aimerais que le collègue qui s'est reconnu cesse de nous faire la leçon. (Applaudissements)
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à Mme Err.
Mme ERR (Luxembourg). – La présente situation ne nous étonne pas outre mesure; elle a été rendue possible par l'organisation de l'ordre du jour. Mercredi, quand une vérification du quorum a été demandée pour la troisième fois, vous avez développé une interprétation fort intéressante qui trouverait à s'appliquer parfaitement aujourd'hui encore. Désormais, les questions discutables, et discutées, comme celle-ci, ne devraient plus être abordées un vendredi matin, en fin de session.
LE PRÉSIDENT (Interprétation) donne la parole à Mme Fyfe.
Mme FYFE (Royaume-Uni) (Interprétation) constate que le débat sur les mères et leurs bébés en prison ne rassemblait pas beaucoup de monde non plus et que, pourtant, personne n'a demandé la vérification du quorum. Le présent rapport peut-il être reporté à l'ordre du jour de la session de septembre?
LE PRÉSIDENT (Interprétation) confirme qu'il peut tout à fait l'être, même si cet ordre du jour est déjà encombré.
Il donne la parole à M. Marshall.
M. MARSHALL (Royaume-Uni) (Interprétation) demande si le rapport doit être à nouveau étudié en commission.
LE PRÉSIDENT (Interprétation) répond par la négative: personne n'a demandé le renvoi en commission.
Il donne la parole à M. Kalkan.
M. KALKAN (Turquie) (Interprétation) fait observer que seize parlementaires ont demandé la vérification du quorum: c'est leur droit le plus légitime. Venus de pays et d'horizons différents et sans s'être concertés, ils ont estimé qu'un tel projet de recommandation devait être voté par la majorité des membres de l'Assemblée. Il proteste contre le qualificatif de «réactionnaire».
LE PRÉSIDENT (Interprétation) observe que le quorum n'est jamais atteint le vendredi matin.
Il donne la parole à Lord Clinton-Davis.
Lord CLINTON-DAVIS (Royaume-Uni) (Interprétation) déclare être venu dans l'hémicycle ce vendredi matin, malgré un état de santé très défaillant, car il jugeait le sujet important. Il insiste pour que celui-ci soit réinscrit à l'ordre du jour de la session de septembre. Il faut par ailleurs prendre des dispositions pour que les débats du vendredi matin ne soient plus désertés.
LE PRÉSIDENT (Interprétation) pense que la commission du Règlement se penchera sur le problème. Il précise que le débat sur les deux rapports a eu lieu. Il ne sera donc pas nécessaire de le recommencer mais, uniquement, de procéder au vote des amendements.
Reprise du débat
LE PRÉSIDENT (Interprétation) appelle le projet de recommandation contenu dans le document 8654, et ainsi rédigé:
«Projet de recommandation:
1.L'Assemblée rappelle et réaffirme les principes de sa Recommandation 924 (1981) relative à la discrimination à l'égard des homosexuels, de sa Recommandation 1236 (1994) relative au droit d'asile et de sa Recommandation 1327 (1997) relative à la protection et au renforcement des droits de l'homme des réfugiés et des demandeurs d'asile en Europe. Elle se réfère également à sa Recommandation ... (2000) sur la situation des lesbiennes et des homosexuels dans les Etats membres du Conseil de l'Europe.
2.L'Assemblée est préoccupée par le fait que les politiques de l'immigration de la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe sont discriminatoires à l'égard des homosexuels. La majorité de ces Etats, par exemple, ne reconnaissent pas la persécution pour raison d'orientation sexuelle comme un motif valable d'octroi de l'asile et ne prévoient aucun type de droit de séjour pour les membres de nationalité étrangère de couples homosexuels binationaux.
3. De même, les règles en matière de regroupement familial et de prestations sociales ne s'appliquent généralement pas aux couples homosexuels.
4.L'Assemblée est consciente de l'existence de cas avérés de persécution d'homosexuels dans les pays d'origine, dont certains sont membres du Conseil de l'Europe.
5.L'Assemblée estime que des homosexuels qui craignent avec raison d'être persécutés du fait de leur préférence sexuelle doivent être considérés comme des réfugiés au sens de l'article 1 A (2) de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés en leur qualité de membres d'«un certain groupe social» et doivent, par conséquent, bénéficier du statut de réfugié. La pratique actuelle de certains Etats membres du Conseil de l'Europe consistant à leur accorder un permis de séjour pour raisons humanitaires peut porter préjudice aux droits de l'homme de ces personnes et ne doit pas être considérée en soi comme une solution satisfaisante.
6. De plus, l'Assemblée est consciente que le refus de la plupart des Etats membres d'accorder un droit de séjour aux membres de nationalité étrangère de couples homosexuels binationaux est à l'origine de situations douloureuses pour de nombreux couples homosexuels, qui peuvent se trouver séparés de ce fait et contraints de vivre dans deux pays différents. Elle estime que les règles applicables aux couples en matière d'immigration ne doivent pas établir de distinction entre relations homosexuelles et relations hétérosexuelles. Par conséquent, un document établissant l'existence d'une relation suivie, autre que le certificat de mariage, devrait pouvoir être admis parmi les pièces demandées pour l'admission au bénéfice du droit de séjour dans le cas des couples homosexuels.
7.L'Assemblée recommande donc au Comité des Ministres:
i. de charger ses comités compétents:
a. de procéder à des échanges de vues et de mettre en commun l'expérience acquise en cette matière;
b. d'examiner la question de la reconnaissance des homosexuels en tant que membres d'«un certain groupe social» au sens de la Convention de Genève de 1951 dans le but de faire que la persécution pour homosexualité soit considérée comme un motif d'octroi de l'asile;
c. de définir des lignes directrices concernant le traitement des homosexuels réfugiés ou membres d'un couple binational;
d. d'entreprendre la mise en place d'un système européen de collecte de données sur le sujet et d'informations sur les abus commis envers les homosexuels;
e. d'apporter leur concours et leur soutien aux groupes et aux associations de défense des droits de l'homme des homosexuels en matière d'asile et d'immigration dans les Etats membres;
ii. de demander instamment aux Etats membres:
a. de réexaminer leurs politiques et procédures de détermination du statut de réfugié, afin que puissent être reconnus comme réfugiés les homosexuels ayant présenté une demande d'asile parce qu'ils craignaient avec raison d'être persécutés pour l'un des motifs énumérés dans la Convention de Genève de 1951 ou dans le Protocole relatif au statut des réfugiés de 1967;
b. d'adopter des critères et des lignes directrices concernant les homosexuels demandeurs d'asile;
c. de veiller à ce que les autorités chargées de la procédure de détermination du statut de réfugié soient bien informées de la situation dans le pays d'origine des demandeurs, en particulier en ce qui concerne la condition des homosexuels et les persécutions dont ils pourraient faire l'objet de la part d'agents de l'Etat ou d'autres tiers;
d. de revoir leur politique en matière de droits sociaux et de protection des migrants de manière à ce que les couples et les familles homosexuels soient traités selon les mêmes règles que les couples et les familles hétérosexuels;
e. de prendre les mesures requises pour que les couples homosexuels binationaux bénéficient des même droits en matière de résidence que les couples binationaux hétérosexuels;
f. d'encourager la création d'organisations non gouvernementales de défense des droits des réfugiés, des migrants et des couples binationaux homosexuels;
g. de coopérer plus étroitement avec le HCR et les organisations non gouvernementales nationales, de les encourager à travailler en réseaux et de leur demander d'effectuer un suivi systématique du respect des droits des homosexuels des deux sexes en matière d'immigration et d'asile;
h. de veiller à ce que les agents des services de l'immigration en contact avec des demandeurs d'asile et des couples homosexuels binationaux soient formés à prendre en considération la situation spécifique des homosexuels et de leurs partenaires.»
Il met aux voix le projet de recommandation.
Le projet de recommandation est adopté par 19 voix pour, 2 voix contre, et 2 abstentions.
La séance est levée à 13 h 40.