Lesbian Sex Wars

 

Retour: sur les conflits qui opposent un certain nombre de lesbiennes et/ou de féministes.

 

Pour celles et ceux qui ne seraient pas encore au courant, la sexualité des lesbiennes a fait l'objet d'une polémique houleuse au mois d'octobre dernier.
L'affaire a débuté avec le stand d'objets sexuels que nous (moi et Véronique, mon amante) avons tenu au 8e festival de films lesbiens.
Le stand - concrètement quelques godemichés, des vibromasseurs et d'autres jouets mis en vente dans cet espace privilégié qu'est le festival était aussi un moyen de susciter un débat qui couvait depuis quelque temps. Nous voulions parler de notre sexualité avec d'autres lesbiennes, ouvertement et sans jugement, parce que pour nous c'est la base de notre identité de lesbienne et de notre féminisme.
On s'attendait bien à quelques résistances : de la part de celles qui considèrent que les objets sexuels n'ont pas de place dans une sexualité lesbienne de celles qui redoutent un discours public de ce genre, et de celles qui font l'amalgame entre sexualité de femme adulte et viol, viol par inceste, torture des femmes, mutilation sexuelle, etc... Mais il y a aussi et surtout, celles qui ont envie et besoin d'en parler, pour découvrir, déculpabiliser, draguer. Il y avait là un sujet sensible et nous ne l'avons pas raté.


Aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, les lesbiennes/féministes ont connu une "guerre du sexe" (c'est plus ou moins fini!). Le premier éclat eut lieu en 1981, lors d'une conférence féministe à New York. Un groupe de femmes décida que toute une liste de sujets sur la sexualité devaient être proscrits. Elles distribuèrent des tracts et boycottèrent activement les interventions qu'elles n'approuvaient pas. S'en suivirent des luttes entre féministes qui ont duré plus de dix ans. Evidemment les tensions existaient bien avant cet incident : entre les féministes qui ne voulaient pas que le mouvement soit trop "lesbien" et les lesbiennes.
Entre des femmes comme Betty Dodson qui travaillaient pour libérer la sexualité des femmes (les ateliers masturbation) et celles comme Andrea Dworkin (auteure de Pornography : Men Possessing Women) qui luttaient contre l'exploitation sexuelle de la femme ; entre les lesbiennes "d'avant" (le mouvement féministe) et certaines lesbiennes "d'après" pour qui le féminisme, c'est la théorie, le lesbianisme, la "pratique"; entre des femmes qui travaillaient pour Off Our Backs, journal d'actualité et de réflexion féministe et celles qui ont lancé On Our Backs la première revue sexuelle pour lesbiennes.
Cette "guerre" n'était pas qu'une histoire de sexe. C'était un aspect d'une lutte bien plus large, où il s'agissait de stratégies, d'alliances et surtout de l'ouverture du mouvement à toutes les femmes et pas seulement à un petit nombre de femmes blanches, de classe moyenne et de formation universitaire.

On peut penser que pour inclure les vécus de toutes, le mouvement féministe doit s'attaquer à toutes les oppressions qu'elles soient politiques, économiques, raciales, sexuelles, intellectuelles ou autres-et surtout qu'il doit le faire avec les femmes concernées de manière à ce que chacune puisse parler pour elle-même. Qu'il s'agisse de l'abus ou du refus de nos corps, l'exploitation reste une réalité. Et il y a à faire si on veut l'éliminer. La tâche est ardue, les résultats parfois difficiles à sentir, l'opposition extrêmement forte. En plus, on est loin d'être d'accord sur les tactiques, les priorités et les buts. Mais pour y arriver, est-il nécessaire de passer par une guerre du sexe? Faut-il que certaines accusent d'autres de ne pas être féministes parce qu'elles utilisent un gode, des menottes ou des photos pour jouir ?
Souvent les désaccords dissimulent des jeux de pouvoir, de contrôle, de domination et d'ego, travers dont les féministes se croient exemptes. Ce n'est pas le cas et il est nécessaire de le savoir. Sinon on va continuer à se casser les pieds au lieu de casser le patriarcat. Pour ma part, il s'agit d'être clair par rapport à ce qui n'est vraiment pas dans l'intérêt des femmes et de m'engager là où c'est important pour moi. On peut toujours avoir des discussions passionnées sur nos priorités et nos moyens. Et on n'est pas obligé d'être d'accord avec tout ni de tout permettre. Mais si on réussit à se remettre en cause, à se mettre à la place des autres, à écouter avec respect et attention les autres femmes quand elles parlent, à discuter dans un esprit de compréhension et non pas dans un esprit de domination, on ira loin.
Une dynamique, une énergie, une réelle unité commencent à exister outre Atlantique ; un mouvement dans lequel des femmes de toute origine travaillent pour les droits des lesbiennes, des gais, des enfants et sur le genre, se battent contre le sida, pour l'égalité économique, sociale, raciale, etc... Le féminisme est divers, complexe et riche.

Et les luttes sont nombreuses. Et si la parité politique ou le CUS par exemple ne font pas partie de mes priorités, je ne m'oppose pas pour autant à ceux et à celles qui travaillent dans ce sens. Et si quelques lesbiennes de plus jouissent et sans complexe, à la bonne heure !

 

Jennifer Gay

 

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05/06/97, rédaction : 3Keller, réalisation de la page : , Copyright Gais et Lesbiennes Branchés, © 1997.

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