Le cul entre deux chaises, c'est l'impression que me laissent les
Assises féministes qui se déroulaient à la
Plaine-Saint-Denis les 15 et 16 mars. C'est au lendemain de la marche
du 25 novembre 1995, dont le mot d'ordre était "Tous ensemble,
défendons les droits de femmes", contre la remontée de
l'ordre moral, réunissant 140 groupes et 40 000 personnes que
l'organisation de ces assises avait été
décidée.
Cette grande messe du féminisme a pourtant bien
commencé: discours d'ouverture de la présidente de la
CADAC, puis la parole est donnée à une
représentante de sans-papiers. J'aperçois Dominique
Voynet dans une allée et, franchement, la télé
ne rend vraiment pas justice à ses charmes. Bref, j'aborde
l'atelier "Elles choisissent" avec un grand sourire.
Nous sommes déjà en retard sur l'horaire, la première partie aborde la santé et le droit de choisir, comprenez le droit à l'avortement et ses conditions, la santé au féminin, notamment les femmes et le sida. La vigilance est de mise, merci au MFPF (planning familial). C'est un vrai cours de sigles pour une néophyte comme moi. Tous les problèmes évoqués sur la santé amènent une liste de revendications tout à fait évidentes et sensées. Les femmes sont décidées et luttent toute l'année contre les cathos durs, extrémistes de droite et autres qui fournissent les commandos anti-IVG ou sont présents, plus insidieusement, dans les différents organes de décision, au parlement évidemment mais aussi au conseil d'administration de tel labo, par exemple. Bravo à toutes et à tous.
18h : c'est l'heure du carrefour lesbien mais aussi de la
deuxième partie "Corps et sexualité". Aïe! Je sens
le clash. En effet, cette table ronde aborde les modèles
identificatoires, l'éducation sexuelle, les images normatives,
quels droits pour les lesbiennes et le désir d'enfant. Mais en
même temps, on propose aux lesbiennes de se réunir,
à l'écart, dans une espèce de couloir ni
éclairé, ni chauffé.
Quelques lesbiennes protestent, c'est le début de la fin. Les
micros et bientôt la tribune sont pris d'assaut, les
organisatrices abandonnent la salle et s'ensuit un bordel digne d'une
AG du CentreÉ en pire! Loin de moi l'idée de désigner
des coupables, ce serait ignorer les antécédents et les
querelles internes auxquels je ne veux surtout pas me mêler.
Mais force est de constater que toutes les remarques que nous
pourrions faire sont inutiles et stériles.
19h30: le carrefour lesbien se tient, malgré tout, à
l'initiative de Marie-Jo Bonnet, ne ne sommes qu'une vingtaineÉ Le
débat s'avère stérile lui aussi.
Les femmes me semblent repliées sur elles-mêmes, peu
soucieuses des intérêts d'un groupe formé par les
lesbiennes. Ce fut néanmoins pour moi l'occasion
rêvée de déclarer que je
préférerais encore me battre avec des gais. "Se battre
avec" est évidemment à double sens car si la
majorité du temps c'est ensemble que nous militons, il arrive
trop souvent à mon goût que nous nous affrontions.
Le milieu homosexuel militant, sous des dehors accueillants,
fourmille de petits chefs qu'il ne faut surtout pas contrarier ou
plutôt qu'il ne faut pas menacer.
Combien d'associations mixtes ont à leurs têtes des
femmes? Combien dont les instances dirigeantes sont composées
à égalité d'hommes et de femmes ?
Il serait très facile de dire que ce sont les hommes qui en
portent la responsabilité. Les femmes sont malheureusement
aussiÉ invisibles lorsqu'il s'agit de donner un an de leur vie
à l'associatif: faire partie du bureau d'une grande
association c'est renoncer à presque tout pendant son mandat.
On a coutume de dire que les lesbiennes n'ont pas assez de conscience
politique. En fait de conscience, êtes-vous sûr messieurs
que nous ayons la même?
Les structures, les mentalités et les méthodes des
associations mixtes sont tous simplement masculines et il faut
être sacrément entêtée pour s'y imposer. Je
trimbale mon féminisme lesbien ou mon féminisme
féminin dans une association mixte car c'est cette
identité qui m'intéresse.
Le Centre gai & lesbien est un lieu idéal pour cela: j'ai
les moyens de me ressourcer avec les Vendredis des femmes et je
côtoie des gais qui s'engagent au Centre en sachant que c'est
aussi pour travailler avec des femmes.
Que me reste-t-il au final des Assises féministes?
Une profonde envie d'engager un débat sur la parité
dans les associations homosexuelles mixtesÉ Je sens que cela va
plaire!
Nathalie Millet
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05/06/97, rédaction : 3Keller, réalisation de la page : , Copyright Gais et Lesbiennes Branchés, © 1997.