DECEMBRE 1998

Quatre nouveaux médicaments anti-VIH:

Agénérase, Ziagen, Sustiva, Prévéon 

Pour les personnes chez qui les traitements actuels ne sont plus efficaces, l'arrivée de nouveaux médicaments apporte une bouffée d'oxygène (voir aussi Remaides n° 28, p. 23 à 37). Rappelons cependant qu'avant de modifier un traitement il est utile de revoir avec son médecin l'ensemble de son parcours: les médicaments que l'on a pris auparavant, leur efficacité, leur tolérance. Cela permet de choisir une stratégie mieux adaptée.

 

Agénérase: une nouvelle antiprotéase
Ce médicament est disponible aux Etats-Unis depuis le mois d'octobre et depuis la mi-novembre en France. Pour l'obtenir, votre médecin doit effectuer une demande d'ATU (Autorisation Temporaire d'Utilisation) nominative auprès de l'Agence du Médicament ( 01 55 87 30 00). On devrait ensuite rapidement passer à une ATU de cohorte où le médicament sera plus simple à obtenir (la demande devra alors être effectuée auprès des laboratoires Glaxo Wellcome).

Modalités de prise: l'Agénérase se présente sous la forme d'une grosse gélule dosée à 150 mg de produit actif (amprénavir). Le laboratoire prépare une gélule de 50 mg pour les enfants. Il existe aussi une forme sirop, mais elle n'est disponible que dans le cadre d'un essai actuellement en cours. L'Agénérase se prend deux fois par jour (pour les adultes: 8 grosses gélules à chaque prise), sans contrainte par rapport aux repas ou à la boisson.

Efficacité, effets secondaires: les premiers résultats indiquent une efficacité comparable aux autres antiprotéases. Les effets secondaires semblent se situer dans la moyenne des antiprotéases. Le médicament semble mieux supporté que le Norvir mais peut provoquer, lui aussi, des fourmillements autour de la bouche (paresthésie buccale). Nausées, vomissements, diarrhée et éruption cutanée (boutons, plaques rouges, etc.) font partie des effets secondaires constatés dans les différents essais. Les graves problèmes de peau, dus à une allergie à l'Agénérase, sont très rares. Enfin, il est trop tôt pour savoir si, comme les autres antiprotéases, l'Agénérase entraîne chez certains patients une élévation des taux de graisses dans le sang et une modification de la répartition des graisses sur le corps (voir p. 35 et voir Remaides n° 29, p. 6).

Résistances: il semblerait que l'Agénérase puisse, dans certains cas, être actif sur des virus résistants à d'autres antiprotéases. Des essais à ce sujet sont en cours.

Interactions: les interactions médicamenteuses semblent proches de celle du Crixivan (contre-indication de quelques tranquillisants et somnifères, modification de dose avec quelques antibiotiques, etc.). Le Sustiva et la rifampicine (un antituberculeux) baissent nettement les taux sanguins d'Agénérase. Enfin, Agénérase augmente les taux sanguins de Rétrovir.

En attendant la 2e génération Le nombre de gélules, la taille de celles-ci, les effets secondaires et les interactions médicamenteuses classent l'Agénérase dans la première génération d'antiprotéases. Mais il offre une option supplémentaire aux personnes en traitement.

Ziagen: Le Z de?
Efficacité: le Ziagen apparaît comme le médicament le plus puissant de la famille des nucléosides (Rétrovir, Videx, etc. Voir: les quatre familles). Utilisé seul, Ziagen entraîne une réduction de charge virale deux à trois fois supérieure à celle des autres nucléosides. Glaxo Wellcome, qui fabrique Ziagen, a comparé la bithérapie Rétrovir, Epivir à la trithérapie Rétrovir, Epivir, Ziagen. L'essai conclut évidemment que la trithérapie est supérieure à la bithérapie! D'autres résultats, très préliminaires, indiquent que, chez des personnes n'ayant jamais pris de traitement, la trithérapie Rétrovir, Epivir, Ziagen pourrait avoir une efficacité proche de Rétrovir, Epivir, Crixivan.

Modalités de prise: un comprimé de 300 mg de produit actif (abacavir), matin et soir, sans contrainte par rapport aux repas. Il existe aussi un sirop pour les enfants.

Résistance: il semble qu'un virus résistant aux autres nucléosides (Rétrovir, Videx, etc. Voir: Les quatre familles) risque souvent - mais pas toujours - d'être moins sensible à Ziagen (exception faite d'un virus seulement résistant à Epivir).

Effets secondaires: Ziagen peut provoquer des réactions allergiques. Elles se manifestent, en moyenne, une dizaine de jours après le début du traitement, par un malaise général accompagné de fièvre (comparable à un état grippal). Il faut alors rapidement prévenir son médecin. En cas de réaction allergique importante (hypersensibilité au Ziagen), il faut arrêter de prendre ce médicament et ne plus jamais en reprendre (sinon, il y a possibilité d'allergie très grave, avec risque de décès).

Disponibilité: Ziagen est disponible en France dans le cadre d'une ATU (Autorisation Temporaire d'Utilisation) de cohorte. Pour l'obtenir, votre médecin doit appeler le laboratoire Glaxo Wellcome au 0 800 50 57 54. Si l'on ne correspond pas aux critères de l'ATU de cohorte, il est possible de demander une ATU nominative.

L'abacavir sous forme sirop, pour les enfants, est également disponible grâce à une ATU nominative: le médecin doit s'adresser à l'Agence du Médicament, 01 55 87 30 00.

Sustiva: très à la mode
Sustiva appartient à la même famille que Viramune et Rescriptor (voir Remaides n° 28, p. 26).

Modalités de prise: une prise unique par jour, soit trois gélules à 200 mg de produit actif (éfavirenz). Sustiva se prend de préférence le soir afin de moins ressentir les effets secondaires. Mais il est également possible de prendre le médicament deux fois par jour (par exemple: deux gélules le soir et une le matin ou le midi): certaines personnes le tolèrent mieux ainsi. Il n'y a pas de contrainte par rapport aux repas. Cependant, le repas le plus proche de la prise de Sustiva ne doit pas être trop gras: sinon, on augmente l'absorption du médicament (qui est déjà excellente), ce qui risque d'augmenter les effets secondaires. Il existe aussi des gélules à 100 mg (et bientôt à 50 mg). Dupont-Pharma, qui fabrique Sustiva, prépare pour l'année prochaine un comprimé de 600 mg.

Efficacité: chez les personnes qui n'ont jamais pris de traitement, la trithérapie Rétrovir, Epivir, Sustiva paraît aussi efficace qu'une trithérapie avec antiprotéase (Rétrovir, Epivir, Crixivan): tels sont les résultats d'un essai portant sur une durée de 36 semaines. Cet essai continue, pour voir ce qu'il en est à plus long terme.

Effets secondaires: sans que l'on sache pourquoi, le Sustiva provoque des troubles transitoires chez plus de la moitié des personnes: sensation de vertige, d'ébriété (ivresse), troubles du sommeil, cauchemars, anxiété Dans de très rares cas, ces problèmes vont jusqu'à la dépression ou aux hallucinations. Le médecin vous préviendra et vous conseillera de commencer le Sustiva plutôt le soir que le matin. Ces troubles surviennent, en général, très rapidement (dès la première ou deuxième prise) et s'atténuent avec le temps (environ deux à trois semaines). Cependant, il semble que certaines personnes prenant ce médicament depuis plusieurs mois éprouvent des problèmes du même type (insomnie ou, parfois, crises d'anxiété). Cela n'a pas encore été étudié scientifiquement: on ignore les effets secondaires du Sustiva à moyen et long terme sur le système nerveux.

Par ailleurs, comme ses cousins Viramune et Rescriptor, le Sustiva peut entraîner l'apparition de plaques ou de boutons rouges sur la peau dans les jours ou les semaines qui suivent le début de traitement. Il est important de prévenir rapidement son médecin, même si, dans la plupart des cas, cet effet secondaire est sans gravité et disparaît ensuite spontanément.

Interactions médicamenteuses: Sustiva modifie les taux sanguins de plusieurs médicaments: il est déconseillé d'y associer Invirase ou Fortovase et peut-être Agénérase (la baisse importante de leurs taux sanguins les rend peu efficaces). Il faut augmenter les doses de Crixivan (1 000 mg au lieu de 800 mg par prise). En revanche, il n'est pas nécessaire de modifier les doses de Norvir ou de Viracept. Les taux sanguins de certains antibiotiques et antifongiques risquent aussi d'être modifiés lorsqu'on prend du Sustiva. Il est donc important d'établir une liste de tous les médicaments que l'on est amené à utiliser et d'en parler avec son médecin.

Résistances: elles paraissent proches pour Viramune, Rescriptor, Sustiva. Un virus résistant à l'un de ces médicaments risque souvent de l'être aux autres. Il semble cependant que, parfois, un virus résistant à Viramune puisse être sensible à Sustiva. A suivre

Disponibilité: Sustiva est largement disponible en France depuis le mois de mai dans le cadre d'une ATU de cohorte (le médecin doit appeler le laboratoire Dupont-Pharma au 0 800 87 93 19). Il est disponible en ATU nominative pour les enfants (le médecin doit appeler l'Agence du Médicament au 01 55 87 30 00). Sustiva devrait rapidement obtenir son AMM (autorisation de mise sur le marché).

Conclusion: Sustiva apparaît comme un nouveau médicament très intéressant. Certains médecins le prescrivent déjà comme premier traitement, en trithérapie (sans antiprotéase). Cette possibilité figurera-t-elle dans les prochaines recommandations officielles françaises?

Prévéon, le 4e élément
Prévéon (adéfovir dipovoxil) est le premier médicament d'une nouvelle famille d'anti-VIH (voir: Les quatre familles). Il est actif contre le VIH, mais aussi contre le virus de l'hépatite B et, au moins au laboratoire, contre le CMV. C'est tout petit! La dose de Prévéon n'est pas encore clairement définie: ce sera soit 60 mg, soit 120 mg, en une prise par jour (les comprimés sont minuscules), sans contrainte par rapport aux repas.

Efficacité: l'efficacité anti-VIH du Prévéon est démontrée, même si elle est modeste. Chez les personnes n'ayant jamais pris de traitement, Prévéon entraîne une baisse de charge virale un peu moins importante que Rétrovir.

Effets secondaires: une toxicité rénale importante est apparue chez environ un tiers des patients, après six mois d'utilisation. Il semblerait cependant que les reins se remettent à fonctionner normalement après l'arrêt du traitement. Pour limiter cette toxicité, la dose de Prévéon est passée de 120 mg à 60 mg par jour. Des examens sanguins réguliers (créatinine et potassium, par exemple) devraient permettre de détecter cette toxicité rénale avant qu'elle devienne importante.

Par ailleurs, le Prévéon entraîne une carence en carnitine, un acide aminé indispensable à l'organisme: pour éviter ce problème, il est nécessaire de prendre deux comprimés de 500 mg de carnitine par jour (ils sont remis avec le Prévéon).

Résistances: les premiers résultats sont un peu décevants et compliqués. Si l'on est porteur d'un VIH très résistant au Rétrovir, le Prévéon ne donne pas de bons résultats. Par contre, sur un VIH très résistant à l'Epivir, le Prévéon semble deux fois plus efficace que sur un virus non résistant. Enfin, avec un virus résistant au Rétrovir et à l'Epivir, l'efficacité de Prévéon paraît comparable à celle qu'il a sur un virus non résistant.

Disponibilité: accessible depuis plus d'un an aux Etats-Unis, Prévéon devrait être rapidement disponible en France. Le médecin doit demander une ATU (Autorisation Temporaire d'Utilisation) nominative à l'Agence du Médicament ( 01 55 87 30 00). Prévéon est fabriqué par les laboratoires Gilead.

Que faire de ce médicament? Sa faible efficacité et sa toxicité pour les reins en rendent l'emploi délicat pour le traitement anti-VIH. En revanche, il paraît plus intéressant dans l'hépatite B, où la dose utilisée est plus faible (30 mg par jour). Par ailleurs, Gilead étudie un deuxième médicament de cette famille: le PMPA. Les tous premiers essais indiquent une efficacité anti-VIH nettement plus importante.


Les quatres familles

Les inhibiteurs de la transcriptase inverse:
* Les nucléosides: Rétrovir (AZT), Videx (ddI), Hivid (ddC), Zérit (D4T), Epivir (3TC), Ziagen (abacavir). Combivir regroupe AZT et 3TC.
* Les &laqno; non nucléosides »: Viramune (névirapine), Rescriptor (delavirdine), Sustiva (efavirenz) et bientôt MKC 442.
* Les nucléotides: Prévéon (adéfovir dipivoxil), et bientôt PMPA.
Les antiprotéases:
Invirase (saquinavir), Fortovase (saquinavir), Crixivan (indinavir), Norvir (ritonavir), Viracept (nelfinavir), Agénérase (amprénavir).
 

Interactions: pour en savoir plus

Un tableau des interactions médicamenteuses est régulièrement mis à jour sur le site Internet de l'université Johns Hopkins:
https://www.hopkins-aids.edu/treatment/index_treat.html
ou sur le site de l'université de Liverpool:
https://www.liv.ac.uk/hivgroup
Pour Sustiva, on peut aussi consulter https://www.sustiva.com
Si vous n'avez pas de connection Internet, nous pouvons vous adresser ces informations: appeler Emmanuel 01 44 52 33 52.

 

Emmanuel TRÉNADO