De
líÈtranglement silencieux provoquÈ par líabsorption prÈcipitÈe díun
mÈdicament honteuxÖ Líautre aprËs-midi, je rentre dans un bistrot.
PrÈtextant une Ènorme soif, jíapostrophe le patron-serveur figurant
derriËre le bar : ´ Une limonade S.V.P. ª, et je file ý toute allure
vers cet endroit salvateur quíon a coutume de nommer le petit coin.
Cíest toujours dans ces moments pressÈs quíon se heurte ý une porte
close qui ne síouvre quíý la seule condition díintroduire une piËce
de monnaie dans le boÓtier encombrant la poignÈe. ´ SÈsame ouvre-toi,
S.T.P. ª. Évidemment, je níai pas de piËce de deux francs (les
tarifs augmentent avec le temps !). Je me dÈbrouille et fait un come
back dÈbraillÈe, nÈgligÈe, líair insouciant, vers le bar o˜ míattend
ma boisson.
A ma droite, mon voisin campe une belle trentaine dans un physique
qui ne le distingue pas des autres clients. Timidement, il síimpose
líassurance du look dÈtachÈ et empoigne, un peu fÈbrile, la petite
bouteille de Perrier que le garÁon a dÈposÈe devant lui sur le comptoir
avec une forte indiffÈrence inquisitrice. Les gouttelettes pÈtillantes
se dÈversent dans son verre et, tout ý la concentration quíexigent
ses gestes pondÈrÈs, il ne voit ni níentend les bavardages et gesticulations
des autres consommateurs.
Comme
un cachou ?
Il sursaute, effarÈ, au contact involontaire de líÈpaule de sa voisine
qui líeffleure. Sans complexe, elle avale une aspirine en gÈmissant:
´ Ah, jíai mal ý la tÍte ! ª. Alors, sautant sur cette occasion inespÈrÈe,
le jeune homme sort de son discret petit pilulier, quíil gardait bien
planquÈ dans la poche de son veston, un gros cachet plat, blanc et
ma foi anodin, quíil gobe tout honteux avec prÈcipitation, comme si
le Bactrim Ètait diffÈrent de líAspro cachou de la miss respectueuse.
Et je líai vu, au bord de líÈtranglement, síappliquer ý Ètouffer son
toussotement involontaire de celui qui avale de travers et síapaise
enfin, ouf, glorieux et vainqueur, en tamponnant la goutte de sueur
qui tombait sur son front. Rien ne fut plus Èmouvant que de voir la
panique de mon gars síemballer ý toute pompe comme la frousse du fier
et jeune G.I. cavalant dans la jungle du Viêt-nam ou díune autre
guerre. Mais il le sait, il doit garder la tÍte froide et comme disait
líautre : ´ Nous avons gagnÈ une bataille mais nous níavons pas gagnÈ
la guerre ! ª
Bleu
blanc rouge ?
En parlant de guerre, jíembraye sur une actu toujours ´ díactualitÈ
ª, hÈlas : ý la radio, un matin, jíai entendu líhomme du ´ dÈtail
ª rÈpondre ý un journaliste. Ce ´ dÈtail ª qui avait terrifiÈ plus
díun Juif, sÈropo, tzigane, homo, coco, beur, noir, jauneÖ
Aujourdíhui, il propose de rÈsoudre le problËme des clandestins en
les rÈÈduquant dans des camps de rÈtention. Cíest de rage que jíai
Èteint la radio, sans mÍme attendre la fin de líinterview.
Christine
WEINBERGER
Nous
avons gagné
une bataille mais...
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