DECEMBRE 1998

Le cachet
caché
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De líÈtranglement silencieux provoquÈ par líabsorption prÈcipitÈe díun mÈdicament honteuxÖ Líautre aprËs-midi, je rentre dans un bistrot. PrÈtextant une Ènorme soif, jíapostrophe le patron-serveur figurant derriËre le bar : ´ Une limonade S.V.P. ª, et je file ý toute allure vers cet endroit salvateur quíon a coutume de nommer le petit coin. Cíest toujours dans ces moments pressÈs quíon se heurte ý une porte close qui ne síouvre quíý la seule condition díintroduire une piËce de monnaie dans le boÓtier encombrant la poignÈe. ´ SÈsame ouvre-toi, S.T.P. ª. Évidemment, je níai pas de piËce de deux francs (les tarifs augmentent avec le temps !). Je me dÈbrouille et fait un come back dÈbraillÈe, nÈgligÈe, líair insouciant, vers le bar o˜ míattend ma boisson.
A ma droite, mon voisin campe une belle trentaine dans un physique qui ne le distingue pas des autres clients. Timidement, il síimpose líassurance du look dÈtachÈ et empoigne, un peu fÈbrile, la petite bouteille de Perrier que le garÁon a dÈposÈe devant lui sur le comptoir avec une forte indiffÈrence inquisitrice. Les gouttelettes pÈtillantes se dÈversent dans son verre et, tout ý la concentration quíexigent ses gestes pondÈrÈs, il ne voit ni níentend les bavardages et gesticulations des autres consommateurs.

Comme un cachou ?
Il sursaute, effarÈ, au contact involontaire de líÈpaule de sa voisine qui líeffleure. Sans complexe, elle avale une aspirine en gÈmissant: ´ Ah, jíai mal ý la tÍte ! ª. Alors, sautant sur cette occasion inespÈrÈe, le jeune homme sort de son discret petit pilulier, quíil gardait bien planquÈ dans la poche de son veston, un gros cachet plat, blanc et ma foi anodin, quíil gobe tout honteux avec prÈcipitation, comme si le Bactrim Ètait diffÈrent de líAspro cachou de la miss respectueuse.
Et je líai vu, au bord de líÈtranglement, síappliquer ý Ètouffer son toussotement involontaire de celui qui avale de travers et síapaise enfin, ouf, glorieux et vainqueur, en tamponnant la goutte de sueur qui tombait sur son front. Rien ne fut plus Èmouvant que de voir la panique de mon gars síemballer ý toute pompe comme la frousse du fier et jeune G.I. cavalant dans la jungle du Viêt-nam ou díune autre guerre. Mais il le sait, il doit garder la tÍte froide et comme disait líautre : ´ Nous avons gagnÈ une bataille mais nous níavons pas gagnÈ la guerre ! ª

Bleu blanc rouge ?
En parlant de guerre, jíembraye sur une actu toujours ´ díactualitÈ ª, hÈlas : ý la radio, un matin, jíai entendu líhomme du ´ dÈtail ª rÈpondre ý un journaliste. Ce ´ dÈtail ª qui avait terrifiÈ plus díun Juif, sÈropo, tzigane, homo, coco, beur, noir, jauneÖ
Aujourdíhui, il propose de rÈsoudre le problËme des clandestins en les rÈÈduquant dans des camps de rÈtention. Cíest de rage que jíai Èteint la radio, sans mÍme attendre la fin de líinterview.

Christine WEINBERGER

Nous avons gagné
une bataille mais...

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