DECEMBRE 1998

Pacte Civil
de SolidaritÈ

naissance d'une loi... avec complications
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Le Pacte Civil de SolidaritÈ (PaCS) arrive… ou presque. Il est issu d’une longue sÈrie de propositions de lois qui visent ý permettre aux couples non mariÈs, hÈtÈrosexuels comme homosexuels, d’avoir une existence lÈgale. Le PaCS a toujours ÈtÈ une prioritÈ des militants de la lutte contre le sida, car il offre aux couples non mariÈs une certaine sÈcuritÈ face aux difficultÈs liÈes au VIH.

Le 9 octobre, Èchec retentissant : l’absentÈisme massif de la majoritÈ ý l’AssemblÈe nationale a permis ý la droite de rejeter la proposition. Le PaCS a donc ÈtÈ rÈÈcrit par la Commission des Lois et prÈsentÈ ý nouveau ý l’AssemblÈe nationale, le 3 novembre. Le projet est toujours embarrassÈ par la guerre de procÈdure livrÈe par la droite. Et il faut encore compter avec l’opposition prÈvisible du SÈnat, la possibilitÈ de recours auprËs du conseil constitutionnel… et les surprises rÈservÈes par la gauche.
MÍme si c’est l’AssemblÈe, ý majoritÈ socialiste, qui dÈcide en derniËre instance, le PaCS n’est pas pour demain ; mais on peut l’espÈrer pour l’ÈtÈ ou l’automne 1999. Dans l’Ètat actuel (proposition de loi du 13 octobre 1998), ý quoi ressemble la loi ? En sachant que le projet risque fort d’Ítre encore modifiÈ…

Qui peut conclure un PaCS ?
L’article premier du projet est sans Èquivoque : ´ Un Pacte Civil de SolidaritÈ peut Ítre conclu par deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, pour organiser leur vie commune. ª Ne sont pas concernÈes personnes dÈjý mariÈes ou ´ PaCSÈes ª, et les parents : ascendants, descendants, alliÈs (belle-famille) et collatÈraux (frËres, sœurs et cousins jusqu’au troisiËme degrÈ inclus).
Les seuls documents nÈcessaires sont des copies d’acte de naissance de chacun des partenaires et un certificat de la prÈfecture attestant qu’ils ne sont ni mariÈs ni dÈjý ´ PaCsÈs ª. A noter que, sans pouvoir conclure un PaCS, les frËres et sœurs peuvent tout de mÍme bÈnÈficier de certains des avantages qu’il offre (voir : Quels avantages financiers ?).

Comment conclure un PaCS ?
Les deux partenaires doivent se rendre au tribunal de grande instance le plus proche du lieu de leur rÈsidence commune. Le tribunal de grande instance se trouve dans la plupart des grandes villes, prÈfectures et quelques sous-prÈfectures . Lý, ils font une dÈclaration Ècrite de leur ´ PaCSage ª. S’ils se trouvent ý l’Ètranger, c’est le consulat ou l’ambassade de France qui enregistre le PaCS.

Comment rompre un PaCS ?
´ Le PaCS prend fin par la volontÈ, le mariage ou le dÈcËs de l’un des partenaires. ª (point 7 de l’article 1). Si l’on veut se ´ dÈPaCSer ª, il faut d’abord avertir le partenaire, puis, au minimum trois mois plus tard, faire la dÈclaration de rupture du PaCS au tribunal de grande instance du lieu de rÈsidence d’un des deux partenaires. Tous deux doivent Ítre prÈsents. S’ils sont en dÈsaccord, le juge peut trancher.

A quoi sert le PaCS ?
En dehors des aspects affectifs que les partenaires peuvent lui confÈrer, le PaCS a plusieurs effets. DEU_HE_30.gif (9658 octets)D’abord, les biens acquis par le couple sont soumis au rÈgime de l’indivision, c’est-ý-dire qu’ils appartiennent en commun aux deux partenaires. Ensuite, le PaCS donne des avantages immÈdiats dans deux domaines principaux : le droit du travail (articles 5 et 8) et le logement (article 9).
Ainsi, les deux partenaires d’un PaCS ont droit aux congÈs exceptionnels (naissance, dÈcËs, dÈmÈnagement, etc.), et ý des vacances communes. Les fonctionnaires ont droit au rapprochement du conjoint (comme pour un couple mariÈ).
Pour les locataires, le bail est transfÈrÈ au partenaire en cas d’abandon du domicile ou de dÈcËs. Pour les propriÈtaires, celui qui reprend le logement ý un de ses locataires peut en faire bÈnÈficier son partenaire .

Quels avantages financiers ?
Les deux avantages concernant l’imposition et la succession ne sont applicables que dans le cadre d’un PaCS conclu depuis deux ans au moins. Il existe cependant une exception notable : les personnes atteintes d’une Affection de Longue DurÈe (ce qui est le cas de l’infection ý VIH) ont ces avantages sans dÈlai.
DEU_GO_30.gif (5374 octets)A noter que, sans avoir ý conclure de PaCS (ils n’y ont pas droit), les frËres et sœurs obtiennent ces deux avantages, sans dÈlai, dËs qu’ils peuvent justifier de leur rÈsidence commune…
L’imposition des partenaires du PaCS est commune. Cette mesure est surtout intÈressante si les revenus des deux partenaires sont trËs diffÈrents . La succession entre partenaires bÈnÈficie d’un abattement de 250 000 francs (contre 330 000 francs entre Èpoux). Au-delý, la taxation est de 40 % pour une somme infÈrieure ý
100 000 francs, 50 % pour une somme supÈrieure.

Et si l’un des partenaires est de nationalitÈ ÈtrangËre ?
L’article 6 fait du PaCS un ´ ÈlÈment d’apprÈciation des liens personnels en France ª pour autoriser l’entrÈe et le sÈjour d’un Ètranger en France. L’article 7 , concernant la naturalisation d’un Ètranger, considËre que le PaCS est ´ pris en compte pour apprÈcier son assimilation ý la communautÈ franÁaise. ª Dans les deux cas, c’est la prÈfecture qui dÈcide : il s’agit d’ÈlÈments d’apprÈciation, pas de critËres.

A quels devoirs oblige le PaCS ?
L’article premier prÈcise que ´ les partenaires liÈs par un Pacte Civil de SolidaritÈ s’apportent une aide mutuelle et matÈrielle ª, comme dans le cadre du mariage. A l’Ègard des tiers, ils sont mutuellement responsables de leurs dettes faites ´ pour les besoins de la vie courante. ª

Laurent GERLAUD
Remerciements ý Daniel BORILLO


Ce n’est qu’un 1er PaCS !

Daniel Borillo est volontaire au groupe juridique de Aides Ile-de-France. Il est depuis longtemps engagÈ dans la lutte pour une reconnaissance juridique des couples homosexuels. Il a donnÈ, lors d’un entretien accordÈ ý Remaides, son point de vue sur la signification des diffÈrentes dispositions du PaCS:
L’absence des dÈputÈs socialistes lors du vote de la proposition ý l’AssemblÈe nationale, le 9 octobre, n’est bien sšr pas l’effet du week-end, mais d’une dÈsapprobation silencieuse du PaCS tel qu’il avait ÈtÈ formulÈ. Les dÈputÈs qui dÈfendent le projet ont bien compris le message et, pour rÈunir la majoritÈ derriËre eux, ils ont dš faire une concession : rÈintroduire - de maniËre subtile - l’ouverture du PaCS aux frËres et sœurs. Ce point n’est pas innocent. Il joue de l’interdit de l’inceste pour contribuer ý faire du PaCS un lien contractuel entre deux personnes administratives, en leur niant toute identitÈ sexuelle.
L’enregistrement du PaCS au tribunal de grande Instance (ou ý la prÈfecture, selon les projets ) concourt Ègalement ý nier la valeur sexuelle du lien : pas de confusion possible avec le mariage (ou le concubinage), qui se dÈclare ý la mairie, lieu de la communautÈ proche. C’est un refus symbolique du couple homosexuel. Car si le PaCS n’est pas, rÈpÈtons-le, l’union homosexuelle, puisque le projet est neutre quant au sexe des partenaires, c’est bien Èvidemment les homosexuels qui sont les premiers intÈressÈs ; eux n’auront pas le choix entre mariage, concubinage et PaCS.
Les droits matÈriels accordÈs par le PaCS sont apprÈciables. Mais ils sont rÈduits ý la portion congrue : ils sont moins importants que ce qu’ils Ètaient mÍme dans le PIC (Pacte d’IntÈrÍt Civil, l’un des projets prÈcÈdents), prÈsentÈ sous un gouvernement de droite. La liste des carences du PaCS est longue : le projet donne des avantages matÈriels bien infÈrieurs ý ceux du mariage ; il n’ouvre aucun droit apprÈciable pour les Ètrangers ; il est sans effet ý l’Ètranger, contrairement au mariage qui jouit d’une reconnaissance internationale et permet par exemple le rapprochement d’un partenaire ; le PaCS ne permet pas non plus ý un partenaire d’Ítre tuteur ou reprÈsentant de l’autre, ou d’Ítre son donneur d’organes.
Si le PaCS est adoptÈ tel qu’il est, cette victoire sera aussi un Èchec, voire un danger. Une fois acquis ce ´ minimum juridique ª, le gouvernement aura beau jeu de brandir le PaCS pour dÈsamorcer les revendications en faveur du couple homosexuel. Et les efforts, au demeurant louables, pour faire passer le PaCS aujourd’hui, aprËs dix ans de lutte, sont aussi destinÈs ý ´ expÈdier ª les attentes des militants, pour Èviter un autre dÈbat, celui de la famille homoparentale. Le droit de la famille va Ítre rÈformÈ en 1999 (une commission est dÈjý au travail) et il n’est pas question d’inclure les homosexuels dans cette vaste rÈforme. A ce titre , le PaCS est pire qu’un demi-Èchec, c’est un camouflet.

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