DECEMBRE 1998

Drogues,
substitution et traitements
anti-VIH:

quelles sont les interactions ?
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Les traitements de substitution (mÈthadone, Subutex) sont compatibles avec les traitements anti-VIH, y compris les antiprotÈases. Il ne semble pas non plus y avoir díinteraction dangereuse avec les autres opiacÈs (morphine, hÈroÔne, codÈine) ou avec la cocaÔne. En revanche, ce danger pourrait exister avec les amphÈtamines et líecstasy.

Aujourdíhui, en France, plusieurs milliers de personnes prennent ý la fois un traitement de substitution (destinÈ ý remplacer l'héroÔne) et un traitement anti-VIH. Les laboratoires pharmaceutiques ont trËs peu ÈtudiÈ les interactions entre ces diffÈrents traitements. Cíest surtout la pratique de soignants, persuadÈs que les usagers et ex-usagers de drogues doivent avoir accËs aux traitements anti-VIH, qui a permis de faire avancer les connaissances. Cependant, en dÈpit de ces progrès, díautres soignants continuent ý avoir une attitude discriminatoire vis-ý-vis des usagers de droguesÖ

MÈthadone et antiprotÈases
Les antiprotÈases, et en particulier Norvir, diminuent líÈlimination par le foie de plusieurs autres mÈdicaments : on craignait donc que la mÈthadone síaccumule dans líorganisme, entraÓnant un surdosage. Mais la rÈalitÈ est diffÈrente : chez la majoritÈ des patients prenant ý la fois mÈthadone et Norvir, on nía relevÈ aucun problËme particulier. Mais une minoritÈ de personnes ont prÈsentÈ des signes de manque, dus ý une baisse de la quantitÈ de mÈthadone dans le sang : le Norvir semble activer, et non diminuer, líÈlimination de la mÈthadone.
Devant des signes de manque, il faut augmenter les doses de mÈthadone, parfois de maniËre importante (jusquíý doubler ou plus, dans certains cas). Cependant, pour certains patients, il est plus efficace de prendre la mÈthadone deux fois par jour. Le dosage sanguin (mesure de la quantitÈ de mÈthadone dans le sang) est pratiquÈ dans de nombreux centres mÈthadone et permet de mieux ajuster les doses.
On a Ègalement constatÈ que Viracept pouvait diminuer les quantitÈs de méthadone dans le sang chez certains patients. En revanche, cela ne semblerait pas se produire avec Crixivan ou Invirase. On nía pas de donnÈes concernant Fortovase (la nouvelle forme díInvirase), mais il paraÓt probable quíil níy ait pas díinteraction importante. Dans líautre sens, la mÈthadone ne semble pas modifier les taux díantiprotÈase dans le sang. On nía pas díÈtude ý ce sujet, mais la pratique mÈdicale et les quelques dosages sanguins rÈalisÈs ne montrent pas une diminution díefficacitÈ.

Subutex
Les interactions avec le Subutex ont ÈtÈ encore moins ÈtudiÈes que celles avec la mÈthadone. Mais la pratique mÈdicale montre que les personnes prenant du Subutex peuvent bÈnÈficier des diffÈrents traitements anti-VIH sans que cela pose de problËme particulier. RÈtrovir et ses cousins RÈtrovir, Videx, Hivid, ZÈrit, Epivir, Ziagen, Combivir appartiennent ý une mÍme famille díanti-VIH, celle des nuclÈosides. Les risques díinteraction avec les mÈdicaments de substitution ou les drogues sont thÈoriquement limitÈs car leurs mÈcanismes díÈlimination par líorganisme diffËrent.
MalgrÈ cela, chez les personnes qui prennent de la mÈthadone et du RÈtrovir (AZT), la quantitÈ díAZT dans le sang peut augmenter, ce qui pourrait thÈoriquement accroÓtre le risque díeffets secondaires dus ý líAZT. Mais, en pratique, on nía pas constatÈ ce problËme
.
On ne dispose pas díÈtudes concernant les autres nuclÈosides, mais la pratique mÈdicale indique que ces mÈdicaments peuvent Ítre employÈs aux doses habituelles.

Viramune, Sustiva, Rescriptor
Ces mÈdicaments anti-VIH appartiennent ý la mÍme famille (voir Remaides nƒ 28, p.26). Chez certaines personnes prenant Viramune, la quantitÈ de mÈthadone dans le sang baisse de maniËre trËs importante : pour compenser, il faut alors nettement augmenter la dose de mÈthadone (ou, dans certains cas, prendre la mÈthadone deux fois par jour). Le mÍme phÈnomËne a ÈtÈ signalÈ chez un patient prenant du Sustiva.
On nía pas díinformation concrËte concernant Rescriptor et les opiacÈs. Il paraÓt possible que ce mÈdicament augmente les taux díopiacÈs dans le sang. Par ailleurs, au cours du traitement par Rescriptor, la prise díamphÈtamines ( ´ speed ª) est contre-indiquÈe car elle prÈsente des dangers.

Traitements des hÈpatites
Aucune Ètude concernant les interactions entre les traitements des hÈpatites et líusage de drogue nía ÈtÈ rÈalisÈe. Cependant, un petit nombre de personnes ont pris ý la fois un traitement de substitution, un traitement anti-VIH avec antiprotÈase et un traitement antihÈpatite avec interfÈron alpha, sans que cela pose de problËme particulier. (Pour les traitements des hÈpatites, voir Remaides nƒ 29, p.20).

Dites tout ý votre mÈdecin !
Cet article níest pas exhaustif : díautres mÈdicaments sont contre-indiquÈs ou doivent Ítre employÈs avec prÈcaution lorsquíon suit un traitement anti-VIH. Pour Èviter de se mettre en danger, il est utile de signaler ý son mÈdecin tous les mÈdicaments et produits, lÈgaux ou illÈgaux, que líon prend.

En conclusion
On dispose aujourdíhui díune expÈrience importante, mais de peu díÈtudes scientifiques concernant les interactions entre les traitements anti-VIH et les mÈdicaments de substitution ou les drogues. De plus, ces interactions varient beaucoup díune personne ý líautre : seule, la qualitÈ du suivi mÈdical et du dialogue entre mÈdecin et patient permet díassurer le succËs des traitements et la sÈcuritÈ des personnes qui les prennent.

Thierry PRESTEL
Remerciements aux
Drs Jean-Marc MAUBOUSSIN (CHU de NÓmes)
et Patrick BEAUVERIE (CHS Paul-Guiraud, ý Villejuif )


Les autres produits

  • Morphine, hÈroÔne, codÈine :
    les informations concernant la mÈthadone paraissent aussi síappliquer ý líhÈroÔne, aux sulfates de morphine (Moscontin, SkÈnan) ou ý la codÈine (NÈo-codion, etc.) : avec les antiprotÈases, chez certaines personnes, les quantitÈs de morphine dans le sang risqueraient de baisser (plutÙt que díaugmenter). Líinverse pourrait se produire avec Rescriptor. Par ailleurs, on ignore tout des interactions avec les produits de coupage des drogues illicites.
  • Ecstasy et amphÈtamines :
    les amphÈtamines sont contre-indiquÈes au cours du traitement par Rescriptor. On ne connaÓt pas les interactions de ces produits avec les autres traitements anti-VIH, mais on pense que des risques existent, en particulier avec les antiprotÈases et peut-Ítre avec Viramune ou Sustiva. Un dÈcËs a ÈtÈ signalÈ, suite ý la prise díecstasy, chez une personne traitÈe avec Norvir.
  • CocaÔne :
    on ne dispose pas díÈtude, mais le mÈcanisme díÈlimination par líorganisme, díune part, et la pratique, díautre part, indiquent quíil ne semblerait pas y avoir díinteraction importante entre cocaÔne (ou crack) et traitements anti-VIH.
  • Herbe, haschisch, etc. :
    la question a ÈtÈ peu ÈtudiÈe scientifiquement, mais, en pratique, on nía pas constatÈ de problËme díinteraction avec les traitements anti-VIH.

Benzodiazépines et antiprotéases

Les antiprotÈases, et surtout Norvir, peuvent ralentir líÈlimination díautres mÈdicaments par líorganisme, entraÓnant une toxicitÈ. Ce problËme se pose notamment pour la famille des benzodiazÈpines : les risques sont les troubles de la conscience et la dÈpression respiratoire, qui peut mettre la vie en danger (cependant, Rohypnol, consommÈ par certains usagers de drogues, ne semble pas comporter de risque majeur díinteraction avec les antiprotÈases). Voici les benzodiazÈpines officiellement contre-indiquÈes (qui ne doivent jamais Ítre employÈes):
  • Avec Norvir : clorazÈpate (TranxËne, Noctran), diazÈpam (Valium, Novazam, DiazÈpam), estazolam (Nuctalon), midazolam (Hypnovel), triazolam (Halcion) ;
  • Avec Crixivan : alprazolam (Xanax), triazolam (Halcion), midazolam (Hypnovel) ;
  • Avec Viracept : triazolam (Halcion), midazolam (Hypnovel) ;
  • Avec Invirase ou Fortovase : pas de contre-indication, mais triazolam (Halcion), midazolam (Hypnovel) ne doivent Ítre employÈs quíavec prÈcaution.
Les interactions des benzodiazÈpines avec Sustiva, Viramune et Rescriptor sont mal connues. Dans ce contexte, les benzodiazÈpines les plus puissantes (Halcion, Hypnovel) ne doivent Ítre employÈes quíavec prÈcaution. Par ailleurs, que líon suive ou non un traitement anti-VIH, attention ý la prise simultanÈe díopiacÈs et de benzodiazÈpines (Rohypnol ou autres ) : on risque une dÈpression respiratoire. Plusieurs dÈcËs ont eu lieu (la plupart chez des personnes qui avaient aussi bu de líalcool).

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