Les
traitements de substitution (mÈthadone, Subutex) sont compatibles
avec les traitements anti-VIH, y compris les antiprotÈases. Il ne
semble pas non plus y avoir díinteraction dangereuse avec les autres
opiacÈs (morphine, hÈroÔne, codÈine) ou avec la cocaÔne. En revanche,
ce danger pourrait exister avec les amphÈtamines et líecstasy.
Aujourdíhui,
en France, plusieurs milliers de personnes prennent ý la fois un traitement
de substitution (destinÈ ý remplacer l'héroÔne) et un traitement
anti-VIH. Les laboratoires pharmaceutiques ont trËs peu ÈtudiÈ les
interactions entre ces diffÈrents traitements. Cíest surtout la pratique
de soignants, persuadÈs que les usagers et ex-usagers de drogues doivent
avoir accËs aux traitements anti-VIH, qui a permis de faire avancer
les connaissances. Cependant, en dÈpit de ces progrès, díautres
soignants continuent ý avoir une attitude discriminatoire vis-ý-vis
des usagers de droguesÖ
MÈthadone
et antiprotÈases
Les antiprotÈases,
et en particulier Norvir, diminuent líÈlimination par le foie de plusieurs
autres mÈdicaments : on craignait donc que la mÈthadone síaccumule
dans líorganisme, entraÓnant un surdosage. Mais la rÈalitÈ est diffÈrente
: chez la majoritÈ des patients prenant ý la fois mÈthadone et Norvir,
on nía relevÈ aucun problËme particulier. Mais une minoritÈ de personnes
ont prÈsentÈ des signes de manque, dus ý une baisse de la quantitÈ
de mÈthadone dans le sang : le Norvir semble activer, et non diminuer,
líÈlimination de la mÈthadone.
Devant des signes de manque, il faut augmenter les doses de mÈthadone,
parfois de maniËre importante (jusquíý doubler ou plus, dans certains
cas). Cependant, pour certains patients, il est plus efficace de prendre
la mÈthadone deux fois par jour. Le dosage sanguin (mesure de la quantitÈ
de mÈthadone dans le sang) est pratiquÈ dans de nombreux centres mÈthadone
et permet de mieux ajuster les doses.
On a Ègalement constatÈ que Viracept pouvait diminuer les quantitÈs
de méthadone dans le sang chez certains patients. En revanche,
cela ne semblerait pas se produire avec Crixivan ou Invirase. On nía
pas de donnÈes concernant Fortovase (la nouvelle forme díInvirase),
mais il paraÓt probable quíil níy ait pas díinteraction importante.
Dans líautre sens, la mÈthadone ne semble pas modifier les taux díantiprotÈase
dans le sang. On nía pas díÈtude ý ce sujet, mais la pratique mÈdicale
et les quelques dosages sanguins rÈalisÈs ne montrent pas une diminution
díefficacitÈ.
Subutex
Les interactions
avec le Subutex ont ÈtÈ encore moins ÈtudiÈes que celles avec la mÈthadone.
Mais la pratique mÈdicale montre que les personnes prenant du Subutex
peuvent bÈnÈficier des diffÈrents traitements anti-VIH sans que cela
pose de problËme particulier. RÈtrovir et ses cousins RÈtrovir, Videx,
Hivid, ZÈrit, Epivir, Ziagen, Combivir appartiennent ý une mÍme famille
díanti-VIH, celle des nuclÈosides. Les risques díinteraction avec
les mÈdicaments de substitution ou les drogues sont thÈoriquement
limitÈs car leurs mÈcanismes díÈlimination par líorganisme diffËrent.
MalgrÈ cela, chez les personnes qui prennent de la mÈthadone et du
RÈtrovir (AZT), la quantitÈ díAZT dans le sang peut augmenter, ce
qui pourrait thÈoriquement accroÓtre le risque díeffets secondaires
dus ý líAZT. Mais, en pratique, on nía pas constatÈ ce problËme.
On ne dispose pas díÈtudes concernant les autres nuclÈosides, mais
la pratique mÈdicale indique que ces mÈdicaments peuvent Ítre employÈs
aux doses habituelles.
Viramune,
Sustiva, Rescriptor
Ces mÈdicaments
anti-VIH appartiennent ý la mÍme famille (voir Remaides nƒ 28, p.26).
Chez certaines personnes prenant Viramune, la quantitÈ de mÈthadone
dans le sang baisse de maniËre trËs importante : pour compenser, il
faut alors nettement augmenter la dose de mÈthadone (ou, dans certains
cas, prendre la mÈthadone deux fois par jour). Le mÍme phÈnomËne a
ÈtÈ signalÈ chez un patient prenant du Sustiva.
On nía pas díinformation concrËte concernant Rescriptor et les opiacÈs.
Il paraÓt possible que ce mÈdicament augmente les taux díopiacÈs dans
le sang. Par ailleurs, au cours du traitement par Rescriptor, la prise
díamphÈtamines ( ´ speed ª) est contre-indiquÈe car elle prÈsente
des dangers.
Traitements
des hÈpatites
Aucune Ètude concernant
les interactions entre les traitements des hÈpatites et líusage de
drogue nía ÈtÈ rÈalisÈe. Cependant, un petit nombre de personnes ont
pris ý la fois un traitement de substitution, un traitement anti-VIH
avec antiprotÈase et un traitement antihÈpatite avec interfÈron alpha,
sans que cela pose de problËme particulier. (Pour les traitements
des hÈpatites, voir Remaides nƒ 29, p.20).
Dites
tout ý votre mÈdecin !
Cet article níest
pas exhaustif : díautres mÈdicaments sont contre-indiquÈs ou doivent
Ítre employÈs avec prÈcaution lorsquíon suit un traitement anti-VIH.
Pour Èviter de se mettre en danger, il est utile de signaler ý son
mÈdecin tous les mÈdicaments et produits, lÈgaux ou illÈgaux, que
líon prend.
En
conclusion
On dispose aujourdíhui díune expÈrience importante, mais de peu díÈtudes
scientifiques concernant les interactions entre les traitements anti-VIH
et les mÈdicaments de substitution ou les drogues. De plus, ces interactions
varient beaucoup díune personne ý líautre : seule, la qualitÈ du suivi
mÈdical et du dialogue entre mÈdecin et patient permet díassurer le
succËs des traitements et la sÈcuritÈ des personnes qui les prennent.
Thierry
PRESTEL
Remerciements aux
Drs Jean-Marc MAUBOUSSIN (CHU de NÓmes)
et Patrick BEAUVERIE (CHS Paul-Guiraud, ý Villejuif )
Les
autres produits
- Morphine,
hÈroÔne, codÈine :
les informations concernant la mÈthadone paraissent aussi síappliquer
ý líhÈroÔne, aux sulfates de morphine (Moscontin, SkÈnan) ou ý la
codÈine (NÈo-codion, etc.) : avec les antiprotÈases, chez certaines
personnes, les quantitÈs de morphine dans le sang risqueraient de
baisser (plutÙt que díaugmenter). Líinverse pourrait se produire
avec Rescriptor. Par ailleurs, on ignore tout des interactions avec
les produits de coupage des drogues illicites.
- Ecstasy
et amphÈtamines :
les amphÈtamines sont contre-indiquÈes au cours du traitement par
Rescriptor. On ne connaÓt pas les interactions de ces produits avec
les autres traitements anti-VIH, mais on pense que des risques existent,
en particulier avec les antiprotÈases et peut-Ítre avec Viramune
ou Sustiva. Un dÈcËs a ÈtÈ signalÈ, suite ý la prise díecstasy,
chez une personne traitÈe avec Norvir.
- CocaÔne
:
on ne dispose pas díÈtude, mais le mÈcanisme díÈlimination par líorganisme,
díune part, et la pratique, díautre part, indiquent quíil ne semblerait
pas y avoir díinteraction importante entre cocaÔne (ou crack) et
traitements anti-VIH.
- Herbe,
haschisch, etc. :
la question a ÈtÈ peu ÈtudiÈe scientifiquement, mais, en pratique,
on nía pas constatÈ de problËme díinteraction avec les traitements
anti-VIH.
Benzodiazépines
et antiprotéases
Les antiprotÈases,
et surtout Norvir, peuvent ralentir líÈlimination díautres mÈdicaments
par líorganisme, entraÓnant une toxicitÈ. Ce problËme se pose notamment
pour la famille des benzodiazÈpines : les risques sont les troubles
de la conscience et la dÈpression respiratoire, qui peut mettre la vie
en danger (cependant, Rohypnol, consommÈ par certains usagers de drogues,
ne semble pas comporter de risque majeur díinteraction avec les antiprotÈases).
Voici les benzodiazÈpines officiellement contre-indiquÈes (qui ne doivent
jamais Ítre employÈes):
- Avec Norvir
: clorazÈpate (TranxËne, Noctran), diazÈpam (Valium, Novazam, DiazÈpam),
estazolam (Nuctalon), midazolam (Hypnovel), triazolam (Halcion)
;
- Avec Crixivan
: alprazolam (Xanax), triazolam (Halcion), midazolam (Hypnovel)
;
- Avec Viracept
: triazolam (Halcion), midazolam (Hypnovel) ;
- Avec Invirase
ou Fortovase : pas de contre-indication, mais triazolam (Halcion),
midazolam (Hypnovel) ne doivent Ítre employÈs quíavec prÈcaution.
Les interactions
des benzodiazÈpines avec Sustiva, Viramune et Rescriptor sont mal connues.
Dans ce contexte, les benzodiazÈpines les plus puissantes (Halcion,
Hypnovel) ne doivent Ítre employÈes quíavec prÈcaution. Par ailleurs,
que líon suive ou non un traitement anti-VIH, attention ý la prise simultanÈe
díopiacÈs et de benzodiazÈpines (Rohypnol ou autres ) : on risque une
dÈpression respiratoire. Plusieurs dÈcËs ont eu lieu (la plupart chez
des personnes qui avaient aussi bu de líalcool).
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