DECEMBRE 1998

Usagers de drogue:
la substitution amÈliore l'accËs
ý la santÈ
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En juillet 1998, AIDES a menÈ une enquÍte nationale auprËs des personnes en traitement de substitution (mÈdicaments destinÈs ý remplacer l’hÈroÔne). Les rÈsultats confirment l’intÈrÍt de ces traitements : ils permettent un meilleur accËs ý la santÈ et amÈliorent la qualitÈ de vie. Cependant, le soutien mÈdical, social et psychologique reste assez souvent insatisfaisant.

MÈthode de l’enquÍte

L’enquÍte a ÈtÈ rÈalisÈe du 6 au 30 juillet 1998, au sein du rÈseau AIDES, auprËs des personnes en traitement de substitution. Des questionnaires ont Ègalement ÈtÈ diffusÈs par des associations comme MÈdecins du Monde ou ASUD (Auto-Support des Usagers de drogues) . Cette enquÍte est originale : pour la premiËre fois en France, les usagers sont questionnÈs directement, sans passer par l’intermÈdiaire des intervenants en toxicomanie ou des professionnels de santÈ. Pour 1 000 questionnaire s distribuÈs, nous avons eu 536 retours. 495 questionnaires ont ÈtÈ exploitÈs. 41 ont ÈtÈ ÈcartÈs car non interprÈtables.


AIDES a ÈtÈ amenÈe, dËs le dÈbut de l’ÈpidÈmie de sida, ý mettre en place une rÈponse aux besoins des usagers de d rogues concernÈs par le VIH. Il apparut trËs vite, dËs 1986, que les usagers de drogues par voie intraveineuse Ètaient le second groupe touchÈ par l’ÈpidÈmie de sida aprËs les homo-bisexuels. Ils reprÈsentent actuellement 28 % des cas de sida dÈclarÈ depuis le dÈbut de l’ÈpidÈmie.
ouin1_30.gif (8386 octets)L’accËs aux traitements de substitution pour les usagers de drogues dÈpendants aux opiacÈs a ÈtÈ rapidement un enjeu de santÈ publique. En effet, si la substitution n’est pas une fin en soi, elle offre aux usagers de drogues l’accËs ý un traitement prescrit mÈdicalement. Cela leur permet de sortir des alÈas liÈs ý la drogue et de rÈduire les risques liÈs ý l’injection. Un travail de prise en charge mÈdico-psycho-sociale peut dËs lors s‘effectuer et amÈliorer la situation globale des personnes. C’est cette hypothËse que nous avons voulu tester par une enquÍte s’adressant directement aux personnes concernÈes et leur laissant toute libertÈ de rÈponse.

´ Marre des galËres ª
Les rÈsultats confirment ce que l’association AIDES constate quotidiennement dans son expÈrience d’accueil et de soutien :

  • les usagers de drogue ont une rÈelle demande d’accËs ý un traitement de substitution : ils en ont massivement ´ marre des galËres liÈes ý la drogue ª ;
  • la qualitÈ de vie de ceux qui reÁoivent un traitement de substitution s’amÈliore ;
  • avoir accËs aux droits sociaux est un prÈalable ý l’accËs aux soins et ý une amÈlioration des revenus des personnes;
  • dans notre enquÍte, les personnes suivies dans les centres spÈcialisÈs o˜ existe une prise en charge globale de leurs difficultÈs ont des rÈsultats plus positifs dans les diffÈrents domaines : insertion sociale, accËs aux soins, qualitÈ de vie, etc. IndÈpendamment du produit de substitution prescrit, c’est la qualitÈ de l’accompagnement mÈdico-psycho-social qui conditionne la stabilisation d’un ex-usager de drogues ou sa rechute vers des opiacÈs. Conscientes de cet enjeu, de nombreuses personnes ayant rÈpondu ý l’enquÍte demandent un meilleur soutien mÈdical et social ;
  • l’ajustement du dosage du traitement aux besoins de la personne est essentiel pour Èviter le sentiment de manque et le recours ý d’autres produits.

Des adaptations indispensables
Les points suivants devront Ítre pris en compte par les pouvoirs publics pour adapter le dispositif actuel de la substitution aux opiacÈs :

  • les ÈlÈments favorisant une bonne prise en charge des usagers dans les centres spÈcialisÈs doivent Ítre transfÈrÈs vers les mÈdecins gÈnÈralistes. Parfois isolÈs dans leur pratique mÈdicale, ceux-ci n’ont pas toujours le temps ou les moyens pour un suivi global des personnes. Adapter la rÈponse des mÈdecins gÈnÈralistes passe, entre autres choses, par la reconnaissance du rÙle de soutien du mÈdecin vis-ý-vis de la personne en traitement de substitution, par un renforcement des rÈseaux ville-hÙpital et par un travail entre les diffÈrents intervenants : mÈdecins, psychologues, assistants sociaux, etc. ;
  • il est urgent d’Èlargir la gamme des produits proposÈs aux personnes afinouin3_30.gif (6182 octets) d’avoir une rÈponse correspondant ý la diversitÈ des toxicomanies. Plus de 50% des rÈpondants souhaitent d’autres produits et notamment une substitution injectable, avec des produits conÁus pour l’injection et qui n’abÓment pas les veines. PlutÙt que d’inciter les laboratoires ý rendre les produits actuels ininjectables, les pouvoirs publics doivent mettre en œuvre une vraie politique de substitution qui prenne en compte les besoins des usagers ;
  • des Ètudes comportementales autour des pratiques d’injection doivent Ítre mises en œuvre. C’est ý ce prix que nous pourrons trouver un dÈbut de rÈponse aux problËmes posÈs par la dÈpendance ý l’injection ;
  • on ne supprime pas des annÈes de dÈpendance aux opiacÈs en quelques semaines ou quelques mois. Un dosage initial inadaptÈ ou une diminution trop rapide des doses du mÈdicament de substitution replonge les personnes vers l’usage de drogues ou l’achat, par des moyens dÈtournÈs et souvent illicites, de produits de substitution pour complÈter leur prescription ;
  • substituer n’est pas sevrer mais permettre, par une prescription mÈdicale, de retrouver un Èquilibre dans un mode de vie perturbÈ par l’usage de drogues.

Quelle volontÈ politique ?
Les moyens mis en œuvre par la politique de substitution actuelle ne sont que partiellement adaptÈs. La substitution peut Ítre une vraie rÈponse aux usagers de drogues souhaitant dÈcrocher. Encore faudrait-il que les responsables franÁais de la santÈ aient la volontÈ politique d’amÈliorer la prise en charge globale des usagers de drogues, ce qui passe notamment par une sensibilisation et une meilleure formation du corps mÈdical. Il faut aussi lever le tabou entourant la demande d’une substitution injectable.

JÈrÙme SOLETTI


La substitution en France

Depuis le 12 fÈvrier 1996, la possibilitÈ de prescrire de la buprÈnorphine (Subutex) en ville a ouvert la porte des gÈnÈralistes aux usagers de drogues et remÈdiÈ en part i e au manque de places dans les structures spÈcialisÈes, notamment pour la dÈlivrance de la mÈthadone. Plus de
45 000 personnes prennent aujourd’hui du Subutex alors que le nombre de places mÈthadone reste dramatiquement bas. 4 500 personnes environ sont substituÈes ý la mÈthadone dans des centres de soins. 2 000 personnes environ, prÈalablement stabilisÈes avec la mÈthadone dans un centre de soins, sont suivies en ville par des mÈdecins gÈnÈralistes. Les centres de soins qui, en gÈnÈral, dÈlivrent une substitution ý la mÈthadone regroupent dans un mÍme lieu une Èquipe pluridisciplinaire qui peut travailler ý la prise en charge globale des usagers. Cet accompagnement est une des raisons essentielles de l’intÈrÍt des usagers pour les centres de soins. Cependant, ces structures peuvent, dans certains cas, s’avÈrer trop contraignantes.


Enquête substitution:
les principaux chiffres

Quel que soit le produit utilisÈ, 81 % des personnes interrogÈes considËrent que la substitution a un effet positif dans leur vie. 6 0 % des personnes en ´ avaient marre des galËres liÈes ý la drogue ª. Plus de la moitiÈ des personnes interrogÈes avaient dÈjý effectuÈ un sevrage.

Un meilleur accËs ý la santÈ
73% des personnes dÈclarent avoir des problËmes de santÈ. 6 personnes sur 10 dÈclarent síoccuper mieux de leur santÈ depuis quíelles ont un traitement de substitution.
37% des personnes interrogÈes dÈclarent Ítre sÈropositives au VIH. 60% dÈclarent Ítre touchÈes par les hÈpatites B et C. Les personnes sÈropositives pour le VIH sont cependant plus souvent en bithÈrapie (58 %) et moins souvent en trithÈrapie (38 %) que la moyenne nationale des personnes en traitement (47% en bithÈrapie, 47% en trithÈrapie).

Moins de difficultÈs sociales
30% des personnes níont pas de logement et vivent en squat (11%) ou sans domicile fixe (10%). Moins de 2 personnes sur 10 ont un emploi et prËs de 2 personnes sur 10 dÈclarent níavoir aucun revenu. Plus de la moitiÈ des personnes vivent avec moins de 3 000 F par mois, ce qui correspond, en gÈnÈral, au RMI.
Cependant, plus de 9 personnes sur 10 ont une couverture sociale. La substitution est, pour de nombreux usagers de drogues, le moyen díaccÈder ý une prise en charge sociale permettant líouverture des droits sociaux et líaccËs ý des prestations de type Revenu Minimum díInsertion ou, pour les personnes malades, Allocation Adulte HandicapÈ. 36% des personnes considËrent quíavec la substitution leur situation sociale síamÈliore pour líobtention de leurs droits, 38% sur un plan matÈriel et 20% seulement au niveau de líemploi. Enfin, la moitiÈ des personnes dÈclarent que leurs rapports avec les autres sont plus faciles depuis quíelles sont en traitement de substitution.

Quels produits ?
69% des personnes interrogÈes prennent du Subutex, 24% de la mÈthadone et, malgrÈ líabsence díautorisation de Mise sur le MarchÈ dans cette indication, 8% prennent des sulfates de morphine.
4 personnes sur 10 sous mÈthadone, contre 3 sur 10 avec le Subutex, dÈclarent continuer ý utiliser de líhÈroÔne ou de la cocaÔne. Cependant, cet usage est occasionnel pour 70% díentre elles.
30% des personnes continuant ý utiliser des drogues en plus de leur traitement de substitution dÈclarent le faire parce que le dosage de leur traitement est insuffisant. Les personnes se plaignent surtout de la volontÈ de certains mÈdecins de baisser les dosages trop rapidement.

Líinjection
55% des rÈpondants dÈclarent síinjecter leur substitution. Plus de 6 personnes sur 10 dÈclarent quíelles le font ´ parce quíelles ont besoin díinjecter ª. 95% des rÈpondants utilisent toujours ou la plupart du temps (sauf impossibilitÈ) une nouvelle seringue. 88% dÈclarent avoir un accËs facile ý des seringues stÈriles.

Quelles relations soignant-soignÈ ?
Alors que 70% des rÈpondants se dÈclarent satisfaits des relations avec le mÈdecin prescripteur de leur substitution, prËs de 50% disent ne pas pouvoir parler de leurs pratiques díinjection avec lui.
A líhÙpital, incomprÈhension et difficultÈs relationnelles persistent pour 4 personnes sur 10. Pour elles, la substitution nía pas amÈliorÈ leurs rapports avec les mÈdecins et les services hospitaliers. Malaise, arrÍt de traitement de substitution, volontÈ de sevrage de la part de líÈquipe mÈdicale sont les causes de ces relations conflictuelles.
Cependant, une partie des services hospitaliers a intÈgrÈ la notion de substitution et les spÈcificitÈs de líaccueil des usagers de drogue. En effet, 6 personnes sur 10 sont satisfaites de leurs relations avec líhÙpital.

Les personnes sÈropositives
Plus encore que les personnes sÈronégatives, les personnes sÈropositives estiment que le traitement de substitution a un effet positif dans leur vie. Les personnes sÈropositives sont Ègalement plus nombreuses ý dÈclarer mieux síoccuper de leur santÈ et ý constater que celle-ci síest amÈliorÈe.

JÈrÙme SOLETTI


Les résultats complets

Les rÈsultats complets de líenquÍte sont disponibles sur demande Ècrite auprËs de : AIDES FÈdÈration nationale, Coordinateur national accËs aux soins,
23, rue de Ch’teau-Landon, 75010 Paris.


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