SEPTEMBRE 1998

Conférence internationale: Quoi de neuf?

 

Plus de 13 000 personnes ont assisté à la 12e conférence mondiale sur le sida,
à Genève (28 juin au 3 juillet 1998). L'efficacité des trithérapies avec antiprotéase et l'intérêt de baisser le plus possible la charge virale ont été confirmés. Mais un effet secondaire récemment repéré suscite des interrogations (voir p. 6). Enfin,
de nouveaux médicaments sont à l'étude. Cet article indique quelques faits nouveaux. Pour une vue plus large des traitements anti-VIH, voir p. 12.

Charge virale
De nouveaux tests de charge virale détectent le VIH jusqu'à 50 copies/ml, alors que les tests utilisés précédemment ne le détectaient pas en dessous de 500 copies/ml. On a constaté que l'efficacité d'un traitement était généralement plus durable lorsque la charge virale descendait au-dessous de 50 copies/ml (en sachant que cela peut prendre quelques semaines, voire quelques mois après le début du traitement). Les laboratoires d'analyse sont en train de s'équiper avec ces nouveaux tests ultra-sensibles.
Obtenir une charge virale la plus basse possible représente l'objectif du traitement. Cependant, certaines personnes ont essayé différents traitements sans parvenir à contrôler durablement leur charge virale. Mais, même dans ce cas, les études montrent que les traitements ralentissent l'évolution de l'infection à VIH.


Charge virale élevée
Certaines personnes ont, avant le début du traitement, une charge virale élevée (supérieure à 100 000 copies). En ce cas, la charge virale devient moins souvent indétectable au cours du traitement par trithérapie. Aussi commence-t-on à envisager de débuter le traitement par quatre médicaments chez ces personnes.


Trithérapies sans antiprotéase
Les antiprotéases ont prouvé leur efficacité : diminution des infections opportunistes, amélioration de l'espérance de vie. Mais deux questions se posent : serait-il préférable de ne pas les employer tout de suite, afin de les garder en réserve ? Leurs effets secondaires (hausse des graisses dans le sang, etc., voir p. 6) n'auront-ils pas des conséquences sérieuses à moyen ou long terme ?
Dans ce contexte, plusieurs trithérapies sans antiprotéase ont fait l'objet d'essais. Rétrovir + Videx + Viramune, étudiée depuis plusieurs années, présente une efficacité intéressante, quoiqu'inférieure à celle d'une trithérapie avec antiprotéase.
En revanche, les trithérapies comportant du Sustiva (efavirenz) ou du Ziagen (abacavir) paraissent aussi efficaces que celles qui contiennent un antiprotéase. Ces résultats ne portent que sur quelques mois, chez des patients n'ayant jamais pris de traitement : ils devront donc être confirmés. Sustiva est un nouveau médicament de la famille de Viramune (voir Remaides n° 28, p. 26). Ziagen appartient à la même famille que Rétrovir, Videx, etc., mais il est plus puissant que ses prédécesseurs.
Plusieurs essais comparant des trithérapies avec et sans antiprotéase sont en cours. Les résultats devraient être connus en 1999.

Hydroxyurée (Hydréa)
L'hydroxyurée est un médicament utilisé dans certains cancers. Dans l'infection à VIH, l'hydroxyurée permet d'améliorer l'efficacité de Videx ou de Videx + Zérit (la charge virale baisse davantage), y compris chez certains patients pour qui Videx avait perdu son efficacité.
Cependant, les T4 augmentent peu car l'hydroxyurée a une certaine toxicité sur la moelle osseuse (qui produit les globules blancs et les globules rouges).

Alléger son traitement ?
Commencer par trois ou quatre médicaments anti-VIH pour passer ensuite à deux ne permet pas de garder le contrôle de la charge virale. Cependant, un essai démarre pour voir si l'on peut commencer par une quadrithérapie (quatre médicaments anti-VIH) et passer ensuite à une trithérapie (avec ou sans antiprotéase). Un autre essai évaluera le passage d'une trithérapie avec antiprotéase à une trithérapie sans antiprotéase.

Moins de prises ?
De nouvelles modalités de prise des médicaments sont à l'étude. Pour le moment, aucune d'entre elles n'a apporté de preuve définitive de son efficacité. Mais on en sait un peu plus :
  • il semblerait que l'efficacité de Viracept en deux fois par jour (cinq comprimés matin et soir au moment du repas) soit comparable à celle des trois prises par jour (voir aussi p. 4);
  • aucune nouvelle donnée concernant la prise de Crixivan en deux fois par jour;
  • la prise de Fortovase, nouvelle formulation du saquinavir (Invirase), en deux fois par jour est maintenant à l'étude (huit gélules matin et soir pendant ou après les repas);
  • Viramune en une prise par jour (deux comprimés) est aussi à l'étude;
  • c'est également le cas de Videx. De plus, ce médicament devrait, d'ici à quelques mois, être présenté sous forme de gélule (plus besoin de diluer, plus de goût pâteux!).
Associer les antiprotéases ?
Le Norvir ralentit l'élimination de nombreux autres médicaments. Cela peut être utilisé pour augmenter leur efficacité ou simplifier leurs modalités de prise :
  • on connaît Norvir + Invirase (deux fois par jour, pendant les repas, avec deux gélules de Norvir matin et soir). On regrette que les très faibles doses de Norvir (une gélule matin et soir) n'aient pas été étudiées (elles
    sont pourtant prescrites, car mieux tolérées) ;
  • l'association Norvir (quatre gélules matin et soir) et Crixivan (deux gélules de 200 mg matin et soir) a été étudiée chez un petit nombre de patients. Avantages : on prend les médicaments deux fois par jour, pendant les repas. L'efficacité paraîtrait aussi bonne que celle du Crixivan donné seul ;
  • à l'étude également : Norvir et Viracept, Viracept et Invirase, Viracept et Crixivan.
Femme séropositive enceinte
Chez les femmes traitées par Rétrovir (ou Rétrovir et Epivir) pendant la grossesse, le fait de réaliser une césarienne programmée (avant le début du travail) permet de réduire le risque que l'enfant soit atteint par le VIH. Cependant, la césarienne n'est pas systématiquement recommandée : elle comporte parfois des risques. Par ailleurs, il n'est pas certain qu'elle apporte un bénéfice pour les femmes traitées par trithérapie pendant leur grossesse (car le risque que l'enfant soit atteint par le VIH est alors probablement très faible).

Bientôt disponibles
L'Agénérase (amprénavir), nouvel antiprotéase des laboratoires GlaxoWellcome, devrait être disponible d'ici à la fin 1998.
Prévéon (adéfovir) des laboratoires Gilead (un comprimé de 120 mg par jour) devrait lui aussi être disponible d'ici la fin de l'année. Ce médicament est également efficace contre l'hépatite B (voir p. 20).
Rappelons que Sustiva (efavirenz) et Ziagen (abacavir) sont déjà disponibles en France (voir Remaides n° 28, p. 24).

Pas avant l'année prochaine
4 Deux nouveaux antiprotéases sont théoriquement efficaces sur les VIH
résistants aux autres antiprotéases : l'ABT-378 (laboratoires Abbott) et le tipranavir (anciennement PNU-140690, Pharmacia Upjohn). On attend impatiemment d'en savoir plus !
  • Le FTC (cousin de l'Epivir) et le Fdda (cousin du Videx) sont à l'étude.
  • De nouveaux médicaments de la même famille que Viramune et Sustiva sont aussi en préparation : le MKC-442 et le S-1153.
  • Le T-20 bloque la pénétration du VIH dans la cellule. Il paraît intéressant, mais doit, pour le moment, être administré par voie intraveineuse. Un essai débute aux Etats-Unis.
En route vers le futur
Avec les traitements actuels, on a peu d'espoir de parvenir à éliminer totalement le VIH de l'organisme d'une personne séropositive. En revanche, on assiste à un regain d'intérêt pour les médicaments agissant sur le système immunitaire et notamment l'interleukine-2 (qui n'est pour le moment disponible que dans le cadre d'essais, voir Remaides n° 27, p. 22). Par ailleurs, le premier essai de Remune, un vaccin anti-VIH destiné aux personnes séropositives, montre qu'il améliorererait l'efficacité du système immunitaire.
On pense ainsi mieux contrôler l'infection à VIH, en agissant de deux manières :
  • réduire le plus possible la quantité de virus dans l'organisme, au moyen de traitements associant plusieurs médicaments anti-VIH ;
  • utiliser des médicaments qui permettraient de réactiver le système immunitaire et en particulier ses fonctions « tueuses » (qui servent à détruire les cellules infectées par les virus).

Si ces traitements agissent aussi bien qu'on l'espère, il deviendrait envisageable de les interrompre au bout d'un certain temps (un an, deux ans ?) On surveillerait ensuite l'évolution de l'infection et on ne reprendrait les traitements que si c'était nécessaire (réapparition d'une charge virale détectable, baisse de T4).

Emmanuel TRÉNADO
Thierry PRESTEL