Plus de 13 000 personnes ont assisté à
la 12e conférence mondiale sur le sida,
à Genève (28 juin au 3 juillet 1998). L'efficacité
des trithérapies avec antiprotéase et l'intérêt
de baisser le plus possible la charge virale ont été
confirmés. Mais un effet secondaire récemment repéré
suscite des interrogations (voir p. 6). Enfin,
de nouveaux médicaments sont à l'étude.
Cet article indique quelques faits nouveaux. Pour une vue plus
large des traitements anti-VIH, voir p. 12.
Charge virale
De nouveaux tests de charge virale détectent le VIH jusqu'à
50 copies/ml, alors que les tests utilisés précédemment
ne le détectaient pas en dessous de 500 copies/ml. On
a constaté que l'efficacité d'un traitement était
généralement plus durable lorsque la charge virale
descendait au-dessous de 50 copies/ml (en sachant que cela peut
prendre quelques semaines, voire quelques mois après le
début du traitement). Les laboratoires d'analyse sont
en train de s'équiper avec ces nouveaux tests ultra-sensibles.
Obtenir une charge virale la plus basse possible représente
l'objectif du traitement. Cependant, certaines personnes ont
essayé différents traitements sans parvenir à
contrôler durablement leur charge virale. Mais, même
dans ce cas, les études montrent que les traitements ralentissent
l'évolution de l'infection à VIH.
Charge virale élevée
Certaines personnes ont, avant le début du traitement,
une charge virale élevée (supérieure à
100 000 copies). En ce cas, la charge virale devient moins souvent
indétectable au cours du traitement par trithérapie.
Aussi commence-t-on à envisager de débuter le traitement
par quatre médicaments chez ces personnes.
Trithérapies
sans antiprotéase
Les antiprotéases ont prouvé leur efficacité
: diminution des infections opportunistes, amélioration
de l'espérance de vie. Mais deux questions se posent :
serait-il préférable de ne pas les employer tout
de suite, afin de les garder en réserve ? Leurs effets
secondaires (hausse des graisses dans le sang, etc., voir p.
6) n'auront-ils pas des conséquences sérieuses
à moyen ou long terme ?
Dans ce contexte, plusieurs trithérapies sans antiprotéase
ont fait l'objet d'essais. Rétrovir + Videx + Viramune,
étudiée depuis plusieurs années, présente
une efficacité intéressante, quoiqu'inférieure
à celle d'une trithérapie avec antiprotéase.
En revanche, les trithérapies comportant du Sustiva (efavirenz)
ou du Ziagen (abacavir) paraissent aussi efficaces que celles
qui contiennent un antiprotéase. Ces résultats
ne portent que sur quelques mois, chez des patients n'ayant jamais
pris de traitement : ils devront donc être confirmés.
Sustiva est un nouveau médicament de la famille de Viramune
(voir Remaides n° 28, p. 26). Ziagen appartient à
la même famille que Rétrovir, Videx, etc., mais
il est plus puissant que ses prédécesseurs.
Plusieurs essais comparant des trithérapies avec et sans
antiprotéase sont en cours. Les résultats devraient
être connus en 1999.
- Hydroxyurée (Hydréa)
L'hydroxyurée est un médicament utilisé
dans certains cancers. Dans l'infection à VIH, l'hydroxyurée
permet d'améliorer l'efficacité de Videx ou de
Videx + Zérit (la charge virale baisse davantage), y compris
chez certains patients pour qui Videx avait perdu son efficacité.
Cependant, les T4 augmentent peu car l'hydroxyurée a une
certaine toxicité sur la moelle osseuse (qui produit les
globules blancs et les globules rouges).
Alléger son
traitement ?
Commencer par trois ou quatre médicaments anti-VIH pour
passer ensuite à deux ne permet pas de garder le contrôle
de la charge virale. Cependant, un essai démarre pour
voir si l'on peut commencer par une quadrithérapie (quatre
médicaments anti-VIH) et passer ensuite à une trithérapie
(avec ou sans antiprotéase). Un autre essai évaluera
le passage d'une trithérapie avec antiprotéase
à une trithérapie sans antiprotéase.
Moins de prises ?
De nouvelles modalités de prise des médicaments
sont à l'étude. Pour le moment, aucune d'entre
elles n'a apporté de preuve définitive de son efficacité.
Mais on en sait un peu plus :
- il semblerait que l'efficacité
de Viracept en deux fois par jour (cinq comprimés matin
et soir au moment du repas) soit comparable à celle des
trois prises par jour (voir aussi p. 4);
- aucune nouvelle donnée concernant
la prise de Crixivan en deux fois par jour;
- la prise de Fortovase, nouvelle formulation
du saquinavir (Invirase), en deux fois par jour est maintenant
à l'étude (huit gélules matin et soir pendant
ou après les repas);
- Viramune en une prise par jour (deux
comprimés) est aussi à l'étude;
- c'est également le cas de Videx.
De plus, ce médicament devrait, d'ici à quelques
mois, être présenté sous forme de gélule
(plus besoin de diluer, plus de goût pâteux!).
- Associer les antiprotéases
?
Le Norvir ralentit l'élimination de nombreux autres médicaments.
Cela peut être utilisé pour augmenter leur efficacité
ou simplifier leurs modalités de prise :
- on connaît Norvir + Invirase
(deux fois par jour, pendant les repas, avec deux gélules
de Norvir matin et soir). On regrette que les très faibles
doses de Norvir (une gélule matin et soir) n'aient pas
été étudiées (elles
sont pourtant prescrites, car mieux tolérées) ;
- l'association Norvir (quatre gélules
matin et soir) et Crixivan (deux gélules de 200 mg matin
et soir) a été étudiée chez un petit
nombre de patients. Avantages : on prend les médicaments
deux fois par jour, pendant les repas. L'efficacité paraîtrait
aussi bonne que celle du Crixivan donné seul ;
- à l'étude également
: Norvir et Viracept, Viracept et Invirase, Viracept et Crixivan.
- Femme séropositive
enceinte
Chez les femmes traitées par Rétrovir (ou Rétrovir
et Epivir) pendant la grossesse, le fait de réaliser une
césarienne programmée (avant le début du
travail) permet de réduire le risque que l'enfant soit
atteint par le VIH. Cependant, la césarienne n'est pas
systématiquement recommandée : elle comporte parfois
des risques. Par ailleurs, il n'est pas certain qu'elle apporte
un bénéfice pour les femmes traitées par
trithérapie pendant leur grossesse (car le risque que
l'enfant soit atteint par le VIH est alors probablement très
faible).
Bientôt disponibles
L'Agénérase (amprénavir), nouvel antiprotéase
des laboratoires GlaxoWellcome, devrait être disponible
d'ici à la fin 1998.
Prévéon (adéfovir) des laboratoires Gilead
(un comprimé de 120 mg par jour) devrait lui aussi être
disponible d'ici la fin de l'année. Ce médicament
est également efficace contre l'hépatite B (voir
p. 20).
Rappelons que Sustiva (efavirenz) et Ziagen (abacavir) sont déjà
disponibles en France (voir Remaides n° 28, p. 24).
Pas avant l'année
prochaine
4 Deux nouveaux antiprotéases sont théoriquement
efficaces sur les VIH
résistants aux autres antiprotéases : l'ABT-378
(laboratoires Abbott) et le tipranavir (anciennement PNU-140690,
Pharmacia Upjohn). On attend impatiemment d'en savoir plus !
- Le FTC (cousin de l'Epivir) et le Fdda
(cousin du Videx) sont à l'étude.
- De nouveaux médicaments de la
même famille que Viramune et Sustiva sont aussi en préparation
: le MKC-442 et le S-1153.
- Le T-20 bloque la pénétration
du VIH dans la cellule. Il paraît intéressant, mais
doit, pour le moment, être administré par voie intraveineuse.
Un essai débute aux Etats-Unis.
- En route vers le futur
Avec les traitements actuels, on a peu d'espoir de parvenir à
éliminer totalement le VIH de l'organisme d'une personne
séropositive. En revanche, on assiste à un regain
d'intérêt pour les médicaments agissant sur
le système immunitaire et notamment l'interleukine-2 (qui
n'est pour le moment disponible que dans le cadre d'essais, voir
Remaides n° 27, p. 22). Par ailleurs, le premier essai de
Remune, un vaccin anti-VIH destiné aux personnes séropositives,
montre qu'il améliorererait l'efficacité du système
immunitaire.
On pense ainsi mieux contrôler l'infection à VIH,
en agissant de deux manières :
- réduire le plus possible la
quantité de virus dans l'organisme, au moyen de traitements
associant plusieurs médicaments anti-VIH ;
- utiliser des médicaments qui
permettraient de réactiver le système immunitaire
et en particulier ses fonctions « tueuses » (qui
servent à détruire les cellules infectées
par les virus).
Si ces traitements agissent aussi bien qu'on l'espère,
il deviendrait envisageable de les interrompre au bout d'un certain
temps (un an, deux ans ?) On surveillerait ensuite l'évolution
de l'infection et on ne reprendrait les traitements que si c'était
nécessaire (réapparition d'une charge virale détectable,
baisse de T4).
Emmanuel TRÉNADO
Thierry PRESTEL
|