Les 7è Assises d'AIDES se sont tenues à Paris, en septembre 1994, à l'occasion du dixième anniversaire de l'association. Carole Lemens, du GMHC, association de lutte contre le sida basée à New-York, y était invitée. Nous lui avons demandé de nous faire part de ses réþexions.
La gentillesse et la chaleur extraordinaires qui m'ont été communiquées pendant ce congrès ont engendré des discussions franches et ouvertes, l'échange d'idées et des questionsä et davantage de questions, sur chaque aspect du fonctionnement efÞcace d'une organisation de services dans le domaine du sida, depuis le recrutement des volontaires jusqu'à la constitution du conseil d'administration.
Pouvoir partager mes neuf années d'expérience de travail dans le domaine du sida a réafÞrmé, en dépit de nombreuses différences, qu'elles soient sociales, culturelles, économiques et/ou politiques, le lien commun que nous partageons dans le combat contre le sida.
La solidarité et l'intégration étaient vraiment au c¶ur de ce congrès. Cette dernière est peut-être l'un des aspects les plus difÞciles auxquels sont confrontées les associations, en s'occupant de cette épidémie. Le désir de comprendre et d'être compris de tous ceux qui sont affectés par cette épidémie était exprimé de manière poignante, à la fois dans les ateliers et lors de la séance plénière de clôture.
J'ai été impressionnée par la diversité des participants (âge, sexe, orientation sexuelle) et, particulièrement, venant des États-Unis, par l'absence de « politique par catégorie sexuelle », une absence vraiment bienvenue.
Venant d'une organisation et d'un mouvement où le fait de se donner le pouvoir à soi-même (self empowerment) a été la clé de notre force, j'ai été frappée que, pendant l'un des ateliers que j'ai suivis, «l'action thérapeutique dans les pôles», il y ait eu un refus total de remettre en question l'autorité du médecin. Ce sentiment était exprimé à la fois par des volontaires médecins et par des personnes vivant avec le sida ; un sentiment qui est en opposition directe avec ce qui constitue le centre de la réþexion sur les traitements, aux États-Unis.
Une partie de notre mission et, spéciÞquement, l'un des rôles de notre département d'Éducation et de Défense des droits aux traitements est d'informer et d'éduquer les personnes vivant avec le sida, pour leur donner la possibilité de prendre une décision informée, dans une relation de coopération et de collaboration avec leur médecin.
Ce changement de relation entre médecin et patient a eu d'importantes conséquences, au point que les activistes-traitements aux États-Unis (qui ne sont pas médecins) ont joué un rôle décisif dans le changement de la structure du Bureau de la recherche sur le sida, à l'Institut National de la Santé ; ils jouent un rôle essentiel dans la conception des essais cliniques ; les données qu'ils fournissent sont triées par la FDA (1), au cours du processus d'approbation d'un médicament. Le processus a été long et par moments difÞciles, pour passer d'un rôle qui à l'origine était combatif, à un rôle respecté de collaboration : ce combat a été, et continue à être, un composant vital de la lutte contre le sida.
J'ai aimé le concept de volontaires, salariés, usagers et membres du conseil d'administration participant ensemble aux ateliers, où la critique ouverte et constructive était encouragée ; souvent, dans cette épidémie, nous passons notre colère et notre frustration les uns sur les autres, et les discussions dans les ateliers peuvent avoir été difÞciles, mais elles sont saines et nécessaires si nous voulons rester forts.
En conclusion, je suis revenue de ce congrès avec le sentiment que mon âme avait été nourrie et, pour paraphraser Anne Frank, « qu'en dépit de tout je crois encore en la bonté de l'humanité ». Je vous remercie très sincèrement pour cela, et j'attend le plaisir d'être à nouveau parmi vous.
Carole LEMENS
(1) - La FDA est l'équivalent américain de l'Agence du Médicament, organisme public qui évalue l'efÞcacité et les effets secondaires d'un médicament, avant d'autoriser sa commercialisation.
À l'épicentre de l'épidémie de sida depuis 1981, le Gay Men Health Crisis (« Crise de santé des hommes gais ») a été la toute première organisation de service dans le domaine du sida et est aujourd'hui la plus grande. Ses objectifs sont : de maintenir et d'améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de sida, des personnes atteintes d'infection à VIH et de leurs partenaires de soins ; de se faire l'avocat de politiques et de pratiques justes et efÞcaces, concernant l'infection à VIH ; et, par l'éducation, de promouvoir la conscience, la compréhension et la prévention de l'infection à VIH. Aujourd'hui le GMHC a plus de 8 000 volontaires, 300 salariés et un budget de 27,5 millions de dollars, ce qui lui permet de dispenser ses services à plus de 6 000 personnes atteintes de sida.
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