10 ANS D'AIDES


 

Penser nos formes d'affection

 

 

Michel Foucault est mort du sida en juin 1984. Pendant l'été qui a suivi, Daniel Defert, son ami, a pris contact avec des juristes, des médecins, pour réþéchir sur la pratique médicale. Il a aussi rencontré le Terrence Higgins Trust, association de lutte contre le sida basée à Londres. Le 25 septembre, Daniel Defert a écrit la lettre qui suit à une dizaine de personnes, pour leur proposer de créer l'association AIDES :

 

C'est la première mouture d'un projet d'association, qu'il s'agit d'amender mais je tiens aux grands axes. J'ai passé du temps activement à Londres auprès du Terrence Higghins Trust, lui-même inspiré par l'exemple de Gay Men's Health Crisis des États-Unis. Je pars de leurs réalisations. Avant de les rencontrer je savais déjà que la question du sida ne pouvait pas être plus longtemps conÞnée comme question médicale.

Crise du comportement sexuel pour la communauté gaie, le sida prend de plein fouet majoritairement une population dont la culture s'est récemment édiÞée autour des valeurs gymniques, de santé, jeunesse perpétuées. Nous avons à affronter et institutionnaliser notre rapport à la maladie, l'invalidité et la mort.

La communauté sera bientôt la population la plus informée des problèmes immunitaires, la plus alertée sur la sémiologie du sida et les médecins conÞnent encore leurs scrupules déontologiques à taire ou non la chose au malade. C'est dépassé et les gais n'ont pas pris la mesure des conséquences morales, sociales et légales pour eux.

La libération des pratiques sexuelles n'est pas l'alpha et l'oméga de notre identité. Il y a urgence à penser nos formes d'affection jusqu'à la mort, ce que les hétéros ont institutionnalisé depuis longtemps. Je ne retournerai pas mourir chez maman. Nous risquons de nous laisser voler un part essentielle de nos engagements affectifs. Défamilialisons notre mort comme notre sexualité. Les mouvements gais n'offrent que des alternatives sexuelles : la masturbation comme nouvelle ressource de l'imagination.

Il y a d'autres intensiÞcations affectives à promouvoir au sein de la culture gaie, je dis que c'est un problème culturel donc il a des aspects psychologiques, matériels et légaux. Il faut les aborder de front. C'est mieux que la panique ou la moralisation.

Face à une urgence médicale certaine et une crise morale qui est une crise d'identité, je propose un lieu de réþexion, de solidarité et de transformation, voulons-nous le créer ?

 

 


Appel à témoignages

 

 

REMAIDES prépare un numéro spécial. Nous y présenterons des parcours de personnes vivant avec le VIH.

Nous proposons aux personnes intéressées de nous envoyer :

- soit leur témoignage, déjà rédigé

- soit quelques lignes sur leur propre parcours, avec un numéro de téléphone ou une adresse, aÞn que nous puissions prendre contact, pour une interview.

Voici quelques questions auxquelles nous avons pensé : quelles ont été les conséquences de la séropositivité, sur les plans personnel, amical, amoureux, professionnelä ?

Comment vit-on, comment gère-t-on sa relation avec le virus, avec les traitements, si on en prend, avec les soignants, avec l'hôpital, avec la maladie ? Comment cette relation évolue-t-elle au cours du temps ?

 

REMAIDES, 247 rue de Belleville 75019 Paris. Contact : Thierry PRESTEL. Tél. : (1) 44 52 33 79.

 

 

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