On en parle depuis des années. C'est (presque) décidé : l'AZT pourrait être disponible dans les pharmacies de ville à l'automne ou, plus probablement, à l'hiver 1994.
Cette mesure concernera plusieurs autres médicaments (comme la ciclosporine, utilisée chez les personnes greffées ou le sumatriptan, un anti-migraineux). Il était prévu que ces médicaments portent une vignette orange (c'est discret !), mais, à la demande des associations, on s'oriente vers une vignette plus classique (blanche à liseré vert). La Sécurité sociale exercera un contrôle rigoureux de leur usage. En revanche, le remboursement (à 100 %) et les règles de prescription par le médecin ne changeraient pas. Quant à la ddI et la ddC, elles resteraient dans les pharmacies hospitalières.
Est-ce vraiment un progrès, pour les personnes en traitement ? Françoise Vincent-Ballereau (pharmacien hospitalier) a réalisé une étude auprès de 2 000 personnes séropositives (1 211 réponses). Les deux-tiers souhaitent continuer à aller chercher l'AZT à l'hôpital. Cette enquête a été transmise au ministère de la Santé (Mission Sida). Préoccupation majeure des personnes interrogées : la confidentialité. L'agencement de la plupart des pharmacies de ville ne permet pas de la garantir. Surtout lorsqu'il y a plusieurs clients. Et, l'aspect des boîtes de Retrovir® n'est pas particulièrement discretä
Autre problème : le manque de formation des pharmaciens de ville en matière d'infection à VIH. De plus, « sauf exception, ils n'ont pas l'habitude d'être en contact régulier avec le médecin de ville, et encore moins avec celui de l'hôpital, pour discuter d'une ordonnance. Or les problèmes de prescriptions, de dosages, d'interactions sont souvent complexes, chez des patients qui peuvent prendre plus de 10 médicaments ». ajoute Agnès Certain, pharmacien à l'hôpital Bichat et auteur d'une enquête sur ce sujet.
La solution est simple : l'AZT devrait être disponible à la fois dans les pharmacies de ville et dans celles des hôpitaux. Chacun pourrait aller le chercher où il le désire : à l'hôpital, pour la confidentialité et le suivi, ou en ville, parce que c'est plus pratique (rappelons que les médecins généralistes ont la possibilité de renouveler les ordonnances d'AZT). Mais il semblerait que des obstacles législatifs s'opposent à cette double dispensation. S'il n'était pas possible de les contourner, il serait préférable que l'AZT continue à être dispensé dans les pharmacies hospitalières, comme c'est le cas actuellement.
Thierry PRESTEL avec l'aide d'Agnès CERTAIN
À l'Assistance Publique de Paris (AP), on a le goût de la simplicité : une consultation, trois ordonnances. Une pour la pharmacie de l'hôpital (antiviraux) ; une pour la pharmacie de ville ; une pour la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH, rue du Fer à Moulin) (Lamprène®, Zentel®, Osfolate®, Lederfoline®, Sporanox® etc.)
Lorsqu'on travaille, ou qu'on est fatigué, obtenir ses médicaments devient un véritable parcours du combattant, compliqué par la rigidité administrative de la PCH. Les personnes atteintes d'autres affections (cancer, par exemple) sont confrontées au même problème.
L'association AIDES s'était déjà élevée contre cette situation, fin 1993. Le directeur général de l'AP, Alain Cordier, avait promis d'y remédier rapidement : les médicaments distribués par la PCH devaient désormais l'être par les pharmacies des hôpitaux
Six mois plus tard, la situation n'avait pas beaucoup évolué, sauf dans quelques établissements. Pour pouvoir dispenser les médicaments, les pharmacies des hôpitaux ont besoin de personnel et de locaux. Sinon, les délais d'attente des patients risquent de s'allonger, et les conditions d'accueil, de se dégrader. Qui dit moyens dit financement. C'est là que cela bloquait. Malgré les belles déclarations de divers responsables de l'AP.
Lassées d'attendre, les associations AIDES et Act-up ont manifesté devant la PCH, le 24 juin dernier. Cela émut les pouvoirs publics : on dépêcha un fort contingent de CRSä et Alain Cordier renouvela immédiatement sa promesse
À la fin août, il semble que les choses soient à peu près partout en place. Ou en passe de l'être : à Bichat, il faudra attendre la fin des travaux, en octobre-novembre.
Attention : bien que les médicaments soient dispensés à la pharmacie de l'hôpital, et non plus à la PCH, les formalités administratives n'ont pas changé. Pour se rendre à la consultation ou à la pharmacie de l'hôpital, il ne faut pas oublier de se munir de sa carte de Sécurité sociale, ni des étiquettes de 100 %.
Jérôme SOLETTI et Thierry PRESTEL
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