YOKOHAMA


Système immunitaire et VIH : les leçons de Yokohama.

 

La conférence internationale sur le sida a permis d'appréhender le travail accompli ces dernières années, sur les mécanismes par lesquels le VIH entraîne une dégradation du système immunitaire. Les études portant sur les personnes séropositives depuis plusieurs années commencent à révéler comment leur système immunitaire parvient à contrôler le VIH. Les chercheurs s'inspirent de ces mécanismes pour imaginer de nouveaux types de traitement

 

Les ganglions : le lieu de la bataille

 

On le savait depuis la conférence de Berlin (l'an dernier), le VIH est présent et actif dans les ganglions lymphatiques dès les premiers jours de l'infection. Chez les personnes séropositives sans symptômes, un grand nombre de lymphocytes T4 présents dans les ganglions sont infectés, mais seulement un petit nombre d'entre eux produisent du VIH. Chez les personnes qui progressent dans la maladie, de plus en plus de lymphocytes produisent du VIH au sein des ganglions, qui parviennent de moins en moins à empêcher le virus de diffuser dans le reste du corps. En phase d'immunodépression sévère, les ganglions sont très endommagés et le VIH est produit en grande quantité.

Des chercheurs ont présenté la première étude cherchant à savoir si les médicaments antirétroviraux (AZT, ddI, ddC) pouvaient réduire la quantité de VIH produit par les lymphocytes des ganglions. Ils n'ont observé un effet de ce type qu'avec une association d'AZT et de ddI, et seulement chez des personnes ayant moins de 200 T4 par mm3. Chez les personnes ayant plus de 200 T4 par mm3, les antirétroviraux ne semblent pas diminuer la quantité de VIH produit par les ganglions. Ces résultats concordent (sans jeu de mots !) avec l'absence d'efficacité de l'AZT chez les personnes dont le système immunitaire est toujours en bon état.

Bien que ce type d'étude soit relativement lourd (il faut faire une biopsie des ganglions avant et après le traitement), on peut imaginer que les nouveaux traitements puissent d'abord être évalués de cette façon chez quelques personnes, avant d'être étudiés dans des essais de grande taille.

 

Les séropositifs de longue date : une population hétérogène

 

Entre la conférence de Berlin et celle de Yokohama, les «Long-Term Survivors» sont devenus des «Long-Term Non-Progressors», political correctness oblige ! Lors d'un atelier organisé sur ce thème en mémoire de l'activiste Aldyn McKean, Rob Anderson, un séropositif en parfaite santé après au moins 16 ans de séropositivité, a demandé aux chercheurs d'abandonner cette appellation barbare et d'y préférer celle de « Healthy Positive », séropositif en bonne santé.

Terminologie mise à part, de nombreuses informations nouvelles ont été annoncées à Yokohama sur les particularités des personnes dont le système immunitaire reste parfaitement sain après plusieurs années de séropositivité. Malheureusement, les définitions de cet état varient selon les chercheurs, ce qui rend difficile les comparaisons entre études ; certains sélectionnent les personnes qui sont séropositives depuis plus de 12 ans, sans symptômes et ayant plus de 500 T4 par mm3, alors que d'autres considèrent les personnes séropositives depuis plus de 5 ans, quel que soit leur taux de T4. Cependant, même si les définitions divergent, les chercheurs s'accordent sur plusieurs caractéristique.

Les séropositifs en bonne santé forment un groupe hétérogène : certains ont des souches de virus peu virulentes que les chercheurs sont en train de décortiquer, pour comprendre ce qui les rend moins agressives ; d'autres ont des lymphocytes T8 qui bloquent la production de virus de manière très intense, ou qui sont présents en très grande quantité ; d'autres enfin ont des anticorps capables de neutraliser un grand nombre de souches virales différentes.

Il est intéressant de constater que beaucoup de ces personnes ont un virus qui reste actif, avec parfois des poussées de multiplication. Ces poussées joueraient-elles un rôle dans le maintien d'une bonne immunité contre le VIH ?

Mieux connaître les relations qui se nouent entre le VIH et le système immunitaire permet d'imaginer des stratégies thérapeutiques qui s'inspirent de la capacité naturelle du système immunitaire à contrôler l'infection par le VIH.

Par exemple, un laboratoire américain a découvert une manière de sélectionner, à partir du sang d'un patient, les lymphocytes T8 qui bloquent la production du VIH et de les faire se multiplier. Un essai clinique est en cours sur une quinzaine de personnes. Les chercheurs espèrent reproduire chez ces patients ce qui sepasse chez les séropositifs en bonne santé.

Finalement, on peut regretter que, parmi les études sur le système immunitaire présentées à Yokohama, aucune n'ait concerné les personnes qui vivent depuis des années avec des T4 inférieurs à 50 par mm3. Pourtant, il y aurait beaucoup à apprendre des mécanismes par lesquels le système immunitaire de ces personnes parvient à effectuer son travail, malgré la diminution importante du nombre de T4.

 

Stéphane KORSIA

 

 

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