Voici la suite du témoignage intitulé &laqno; à la poursuite du 3TC », que nous vous avions présenté dans le précédent numéro.
Mercredi 16 mars, j'avale mon premier comprimé dosé à 300 mg de 3TC. Première contrainte : j'ai dû élaborer un planning horaire pour fixer les douze heures séparant les deux prises. Ce sera 8h - 20h.
Jeudi 17 mars, j'assure 7 heures de cours. Est-ce mon anxiété à prendre ce nouveau traitement, le printemps précoce qui travaille les adolescents, je trouve mes classes agitées et je quitte le collège à 17h20, abruti par la journée et un comprimé de Lexomil.
Vendredi 18 mars : la veille, j'ai relu pour la nième fois les trois pages du protocole surtout la rubrique : Risques et inconforts où je m'attarde sur &laqno; fatigue, céphalées, nausées... et agitation ». Je me sens électrique et à huit heures, je prends ma première classe, la pire des 4èmes du collège. Ils mettent dix minutes à sortir leurs matériels et quand je les interroge, je découvre qu'à l'exception de trois élèves, les vingt-cinq autres n'ont pas fait leur travail or leur contrôle est pour le lundi suivant. Je suis très calme d'apparence quand une &laqno; monstresse » me lance : &laqno; Qu'est-ce que vous croyez ? On n'a pas que votre travail à faire ! ». Je la regarde perplexe. Je n'ai aucune réponse. Je vois l'hôpital, les bilans mensuels, la mort et je réalise que je me tue d'une certaine façon à faire comme si tout allait bien pour tant d'ingratitude. Je prends mon matériel, lequel réintègre mon cartable, je fais appel au surveillant à qui je confie la classe et je les quitte. Je m'explique avec l'administration sans révéler que depuis mercredi une substance nouvelle me fouette le sang, la classe est sermonnée (sic) et je dicte dans le silence le corrigé des exercices. Heureusement il ne me reste plus que trois heures à assumer. J'avale ma roue de secours (Lexomil) et je plane au-dessus de ma 6ème puis je rentre pour dormir toute l'après-midi, lessivé.
Le week-end fut une sorte de cure de sommeil. Retranché sous ma couette, j'ai visionné distraitement des vidéos entre deux sommes. Le lundi j'avais bon pied bon ¶il, mon angoisse était surmontée.
Deux semaines plus tard, premier bilan. De 0 T4 j'en crée 12 mais l'antigènémie est à 32. Le mois suivant j'en conserve 9 mais l'antigènémie est à 16 et j'ai pris 1 kgä Troisième mois, tout est stable et un autre kilo supplémentaire. Quatrième mois, résultats identiques et je suis en passe de devenir grassouillet si j'attrape un kilo par mois ! Évidemment ces résultats interfèrent sur mon comportement. Depuis un an, j'avais délaissé toute sexualité, absence de désir, l'épée de Damoclés de la séropositivité transformant mes amours en veuf potentiel. Retrouvant figure humaine, j'ai regardé à nouveau les autres et je me suis rendu compte qu'on me regardait. S'en est suivi une sarabande d'amants, tel un moine défroqué, il me fallait trouver toujours plus de sensations tout en connaissant les risques et en les préservant comme moi-même. À ce jour, 27 juillet, tout semble aller bien, mes amants sont en vacances, ce qui me permet de souffler et j'envisage de me stabiliser à la rentrée plutôt que de me disperser.
J-F
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