Spanner et les euroflics

À l'heure où la Cour européenne des Droits de l'Homme se met en peine de légiférer sur le sadomasochisme comme pratique sexuelle toujours déviante, comme récemment dans l'affaire Spanner, il n'est peut-être pas inutile de revenir sur le SM comme pratique politico-sexuelle et symbolique telle qu'elle a été élaborée et revendiquée par les pédés et les gouines après Stonewall, dans le sillage de la << révolution homosexuelle >> des années soixante dix. Une réflexion sur le pouvoir et le genre au grand dam des féministes essentialistes. Un paradigme de la subversion qui grisa Foucault au point d'en faire le premier philosophe apologue du fist fucking. Des kilos de matos pour partir en week-end. Un langage spécifique et des codes vestimentaires sévères... C'est tout cela, le SM, et un pan non négligeable de l'histoire lesbienne et gaie.

Les articles qui suivent déclinent à plusieurs reprises la dimension politique du SM. Le fait même que cette déclinaison soit possible est la preuve - historique - que le SM n'est pas une pratique sexuelle en soi, une perversion fixe comme l'auraient désiré Havelock Ellis et tant d'autres << sergents du sexe >>1 mais une pratique qui fait sens d'une certaine manière dans un contexte donné.À condition de pointer la dimension culturelle et politique de la sexualité et des genres. A condition d'envisager comment, pour certains, pratique ne rime pas avec libération sexuelle mais avec résistance au sens politique et social du terme. Réaffirmer la dimension politique du SM dans le sillage de l'affaire Spanner vaut aussi pour revendication. Il faut s'opposer aux instances qui non seulement légifèrent sur nos corps mais qui tentent de sexualiser à outrance nos pratiques sexuelles pour mieux en amoindrir la portée politique. Enfin, réaffirmer la dimension politique du SM, c'est aussi, plus généralement, mettre en évidence la mobilité, la flexibilité qui existe dans la communauté << queer >> et réduire le spectre du communautarisme et du mouvement identitaire mal compris. Le développement des pratiques SM au sein de la communauté lesbienne et gay ne se résume pas à une perversion post-moderne. Il témoigne de la fréquence des conflits et des remises en question qui agitent la sphère homo : peu essentialiste en ce sens que les moments de fixation identitaire et d'excessive << labellisation >> y sont souvent débordés. Eh oui, il y a des corrections discursives qui se perdent... et pas de quoi se mettre Martel en tête...

FQRDLa France Gaie et Lesbienne
France QRD

La revue h : (4)

21/07/1997
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