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la revue h.numéro 2, éditorial |
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| Médias |
La Revue h se doit de penser ce qui vient de lui arriver : un premier numéro épuisé en plein été. Même la veuve cycliste n'en revenait pas. L'intérimaire de la poste put constater que la boîte aux lettres du directeur de la Revue h était décidément trop petite. Il est vrai qu'il fut fait mention de notre publication lors de l'émission en direct de Canal Plus pour la Gay Pride, mais aussi dans un entrefilet de Libération et dans le Monde des livres. De leur côté, Gérard Lefort sur France Inter et Didier Eribon dans le Nouvel Observateur annoncèrent notre naissance. Qu'ils en soient ici remerciés ainsi que nos premiers points de vente, le bar d'art le Duplex et la librairie gaie les Mots à la Bouche.
La seule revue trimestrielle de réflexion de la question gaie et lesbienne depuis dix ans en France était née. Elle fut saluée par de nombreux abonnements en France et à l'étranger, parfois via le réseau internet.
Le lancement s'était pourtant voulu modeste. Avec une unique présentation au cinéma Action Christine, au cours de la semaine de la Gay Pride. Dans une salle pleine à craquer, toutes générations confondues, en ouverture de la projection-débat sur le FHAR avec, dans la salle, bon nombre de ses fondateurs et de ses fondatrices. À l'initiative de Marie-Jo Bonnet, deux d'entre eux, Alain Prique et Françoise d'Eaubonne, s'expriment dans ce numéro qui revient sur ce sursaut historique des gais et des lesbiennes à l'origine, avec le mouvement des femmes et la révolution socio-culturelle de 1968, de l'évolution des moeurs de ce dernier quart de siècle.
Par d'autres témoins essentiels, nous clorons cette évocation du FHAR dans notre troisième numéro. Puis nous enchaînerons sur la période suivante, celle des GLH (Groupes de Libération Homosexuels, 1975-1978). Une période injustement oubliée, entre les derniers coups d'éclats du FHAR et la naissance de Gai Pied.
La Revue h n'entend pas être seulement revue des annales de notre histoire politique et sociale contem- poraine. Il lui revient aussi de se consacrer à son étude, qui n'est pas à notre connaissance réalisée ailleurs. Ainsi lira-t-on dans notre prochain numéro la deuxième partie (1968-1982) de l'histoire d'Arcadie au travers de sa revue.
Depuis la sortie de la Revue h, notre ami Jean-Pierre Meyer Genton, fondateur des Mots à la Bouche, est décédé. Nous l'évoquons dans ce numéro. Nous a également quitté Michel Aribaud, qui se battait courageusement contre le sida depuis plus de dix ans, autre chef d'entreprise gai au tempérament entier qui n'avait jamais hésité à participer à la lutte contre cette épidémie. Je le revois, en 1978, militant en colère, détruire à coups de pavés un car de flics qui tentait d'emmener nos amis lors d'une manifestation gaie interdite rue Sainte Anne. Un autre ami proche de l'équipe de la Revue h s'en est également allé en cette fin d'été : Ramon Fernandez, trapéziste et globe-trotteur, beau gosse et chaleureux ami. Le cirque Gosh est en deuil. Une cérémonie pour sa mémoire a eu lieu à Berlin. Daniel Karlin l'avait interviewé dans l'Amour en France et réalisé récemment un reportage sur lui pour Envoyé spécial.
La Revue h évoque ces acteurs partis sans nous laisser suffisamment de traces de leurs engagements et de leur dévouement. Ainsi, dans ces colonnes, Hélène Hazéra, avec douleur et pudeur, chronique-t-elle ses derniers et terrifiants rendez-vous, au Père Lachaise et ailleurs.
Plusieurs événements ont retenu notre attention et stimulé nos désirs d'écriture et d'analyse. Quelle signification donner à la plus importante manifestation de cette année en France, quelle est la cause de cette affluence des 150 000 manifestants à la Lesbian & Gay Pride, aux chiffres exponentiels depuis quatre ans ? A-t-on seulement défilé pour les droits des gais et des lesbiennes ? Une marée humaine dont la portée et les significations n'ont pas fini de nous inciter à identifier et à construire de nouvelles solidarités. Cette foule de manifestants nous indique notamment la volonté de rendre visible l'évolution de la sexualité et des modes de vie de cette fin de siècle, qu'aucun sociologue n'a encore entrepris de diagnostiquer. Le combat contre le sida et la douleur du deuil sont aussi des marqueurs de cette évolution.
Car ce mouvement social de fond, que la Revue h souhaite accompagner, a également sa signification politique. Elle souhaite aider à la définition d'outils de compréhension sociale adaptés à ceux qui souhaitent mieux se comprendre, se vivre et se dire. Ainsi, dans ce numéro, Henning Bech, sociologues danois, interroge notre culture urbaine et la difficulté de nos filiations, et Laurent Muhleisen fustige les ravages de honteuses aux méfaits homophobes.
Ce succès social de la Lesbian & Gay Pride ne pouvait qu'aiguiser des appétits, eux aussi grandissants. Certains l'ont bien compris puisque, comme par capilarité, parler de la Gay Pride, rend inévitable de parler de l'association Act Up. Avec son flou artistique entretenu médiatiquement entre homosexualité et sida, entre culture de mort et diabolisation du pouvoir politique, avec la souffrance et l'indignation comme carburants pour les militants de base. Bref, un constat plutôt grinçant qui a fait que, pour en avoir le coeur net, la veuve cycliste a choisi ce mois-ci de s'inviter à la fameuse réunion hebdomadaire d'Act Up Paris, ou « RH » pour les initiés.
Il y a des pouvoirs, des répressions, et des bavardages. Michel Foucault n'a cessé de nous le faire savoir. Les terrains d'analyse de ce philosophe recoupent l'essentiel de la problématique homosexuelle. N'avons-nous pas été en effet souvent témoins ou proches de fragilités qui nous parlent de suicide ou de désir de mort comme le premier article qu'il me proposa pour le premier numéro de Gai Pied ? Sans parler de toutes les procédures d'enfermement psychiatrique ou d'exclusion sociale, de distorsion médiatique ou de récupération nocturne, de clin d'oeil publicitaire ou de retape politique, bref autant de lieux de réflexion couverts par l'impressionante lucidité de ce grand penseur d'un siècle finissant.
Ainsi, de la même manière que l'on a pu lire dans le premier numéro la transcription de l'émission pour le moins agitée de Ménie Grégoire sur les homosexuels en 1971, lira-t-on dans ce numéro la transcription, silences et rires compris, de la rencontre que j'ai eue avec Michel Foucault le 10 juillet 1978 à son domicile, six ans avant que cet immense penseur ne soit terrassé par le sida, en 1984. Revient sans cesse le constat que notre société ne veut bien intégrer les signes novateurs de l'homosexualité qu'en prenant soin d'éviter toute reformulation des relations entre personnes de même sexe.
La « mission » de la Revue h reste entière : offrir un espace d'expression culturelle, historique et sociale à la question homosexuelle, ses sources, ses manifestations, sa mémoire, ses deuils et ses expressions multiples. Une revue qui s'est choisi un rythme trimestriel. Pour au moins tenter d'avoir un recul, une maîtrise du temps que ne permet pas le rythme mensuel sur un tel sujet.
Nous sommes aussi une revue où tout le monde est bénévole, hormis l'imprimeur. Une revue sans publicité qui ne vit donc que de ses ventes et de ses abonnements. Une revue qui souhaite également être alimentée par vos contributions, par votre désir d'écriture. Enfin une revue sans illustrations, tant que l'on aura pas analysé, dans ses colonnes, les symptômes d'une certaine culture gaie qui s'imagine n'exister que par l'image. Cette facilité est trop souvent d'inspiration commerciale, à l'affût du seul déclic identitaire.
Ce qui n'est pas le but, à moins de se tromper de projet, de revue.
Jean Le Bitoux
et le comité éditorial
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29/07/1996, page réalisée par YD, © 1996
Gais et Lesbiennes Branchés
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