Intervention de Sida Info Service

En défilant toute cette journée, j'étais partagé par deux sentiments opposés : la satisfaction de voir la communauté homosexuelle se mobiliser pour la reconnaissance de ses droits et l'amertume en pensant aux situations difficiles voire dramatiques dont nous sommes témoins chaque jour sur nos lignes d'écoute.

Aujourd'hui, vous avez montré et démontré une nouvelle fois votre fierté d'être homosexuels et de vouloir vivre pleinement et dignement ce choix.

Mais, chaque jour, pour beaucoup de gays et lesbiennes au travail, dans la famille, auprès des collègues, des amis le prix à payer pour avoir une vie sociale correcte est celui du silence et du reniement une part d'eux-mêmes. Car aujourd'hui aimer une personne du même sexe reste encore un tabou.

Nous sommes témoins tous les jours de ces appels de détresse des victimes de discrimination et d'exclusion due à une orientation sexuelle ou à leur maladie.

Ces situations d'exclusion sont des facteurs aggravants et déterminants de fragilité psychologique et par la même de baisse de la vigilance pour se protéger des MST. Il est difficile de faire passer un message de prévention auprès des homosexuels s'ils ne peuvent pas vivre librement leur vie affective et sexuelle ? Pour certains, la prévention n'a pas de sens car l'intérêt de vivre leur semble dérisoire.

C'est pourquoi nous nous associons à la revendication de la Gay Pride et réclamons des décideurs politiques les décisions suivantes :

  • Oser voter la loi contre l'homophobie comme vous l'avez fait pour le Pacs. Cette loi devra intégrer un volet répressif bien évidemment mais aussi la mise en place d'un ensemble de mesures préventives d'éducation, de formation et de sensibilisation de la société française.
  • La reconnaissance du droit des malades et l'accès aux assurances privées et aux prêts bancaires pour les malades du sida. Aujourd'hui, les personnes en traitement se trouvent à nouveau dans l'impossibilité de construire des projets d'avenir.
  • Enfin et surtout, depuis le début de l'épidémie, 20 000 gays sont morts, 80 000 personnes sont actuellement sous traitement et nous estimons à 5 000 le nombre de nouvelles contaminations par an. Nous sommes inquiets lorsque certains annoncent une diminution des moyens accordés à la lutte contre le sida. Une politique budgétaire ne peut pas avoir comme seul indicateur le taux de mortalité. Si nous connaissons depuis les nouvelles thérapeutiques une diminution importante du nombre de décès ; ce qui ne peux que nous réjouir, les actions de prévention et de soutien sont toujours d'actualité. Les efforts des pouvoirs publics et de chacun d'entre nous doivent se poursuivre.

Mesdames, Messieurs les députés et Mesdames, Messieurs les ministres, il vous appartient de transformer les promesses en actions concrètes. Tous les manifestants présents aujourd'hui vous le demandent.

Yves Ferrarini
Directeur Sida Info Service