La réforme des lois sur l'immigration

Intervention d'HES
août 1997

[Le contexte]

[Exemples de persécution]

A sa demande, Homosexualités & Socialisme a été reçue par M. Quinqueton, conseiller technique à l'Immigration du Ministère de l'Intérieur. Celui-ci est un des rédacteurs du projet de loi sur l'Immigration qui sera présenté par le gouvernement au Parlement à la mi-novembre. Le vote définitif ne devrait intervenir qu'au mois de janvier.

L'objet du rendez-vous était de présenter les observations et les revendications concernant le droit d'asile pour les personnes homosexuelles persécutées dans leur pays pour le seul fait de leurs préférences sexuelles ; et concernant les couples constitués de personnes homosexuelles dont l'une au moins est étrangère.

Des courriers et un premier rendez-vous avec Mme. Adeline Hazan, conseiller technique à l'Intégration du Ministère de la Solidarité avaient permis au préalable de sensibiliser le gouvernement et H&S est en droit de penser que ses interpellations ont contribué à l'élaboration d'une loi plus juste et plus humaine.

M. Quinqueton annonce une ouverture du droit d'asile.

A la question de l'ouverture du droit d'asile aux femmes et aux hommes persécutés dans leur pays du seul fait de leurs préférences sexuelles, M. Quinqueton a répondu que le droit d'asile, au titre de la Convention de Genève, relevait de l'appréciation, par l'OFPRA et ensuite par la Commission des recours, de la validité des demandes posées. Il a reconnu qu'à ce jour, cet organisme et cette commission n'accordaient pas l'asile pour seul fait d'une persécution pour préférence sexuelle. Il a rappelé l'indépendance de l'OFPRA et a relevé le rôle de tutelle du Ministère des Affaires Étrangères sur cet organisme.

Il a aussi précisé que le projet de loi mentionnait un nouveau type d'asile dit « territorial ». Celui-ci inscrirait dans la Loi l'actuelle pratique administrative d'octroi de titre de séjour à des personnes qui risqueraient la mort ou des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine. L'objectif est de permettre à un gouvernement d'apprécier des situations au regard des risques réels qui ne sont pas prévus par la Convention de Genève, alors que celui-ci pourrait souhaiter les prendre en compte.

M. Quinqueton a par ailleurs annoncé qu'un nouveau statut de réfugié, dit asile « constitutionnel », se référant au préambule de 1946 de l'actuelle Constitution, était à l'étude. Il permettrait une plus libre interprétation des critères de la Convention de Genève, et en serait dès lors complémentaire. Parmi ces situations, M. Quinqueton a notamment mentionné les persécutions exercées par des agents autres que l'État. Il a illustré son propos par l'exemple des Algériens persécutés par des groupes terroristes.

M. Quinqueton a alors précisé que rien en droit ne s'oppose à ce que les femmes et les hommes homosexuels demandent l'asile au titre de l'asile « territorial » ou de l'asile « constitutionnel ». Pour le premier, les critères se fonderaient essentiellement sur les persécutions réelles déjà subies ou sur les risques de répression exercés par l'État ou par un agent autre que l'État ; alors que le deuxième concernerait les personnes qui agissent en cela dans certains pays répressifs comme des « combattants de la liberté » en défendant notamment le droit à la préférence sexuelle, sans qu'ils aient créé ou fait partie d'une quelconque organisation. Considérant que ceux-ci pourraient être amenés à devoir chercher refuge à l'étranger, l'asile « constitutionnel » offrirait au gouvernement la possibilité de les accueillir.

Malgré sa satisfaction, H&S précise ses exigences.

Au delà de sa satisfaction, Homosexualités & Socialisme a déploré que l'asile au titre de la Convention de Genève, ne soit pas accordé aux personnes homosexuelles. H&S a rappelé, comme elle l'a écrit dans la note remise à M. Quinqueton, qu'elle estimait que les personnes persécutées au titre de leurs préférences sexuelles constituaient selon elle un groupe social au sens de la Convention de Genève.

En complément des principaux éléments du droit d'asile, H&S a demandé l'octroi d'un titre de séjour aux étrangers entretenant une relation affective avec une personne bénéficiant d'un droit d'asile en France, au cas où cette relation concernerait des personnes de même sexe.

M. Quinqueton a répondu que ce cas de figure était couvert par la nouvelle carte de séjour pour « raisons personnelles et familiales ». (Voir plus loin.)

Une nécessaire caractérisation des critères.

H&S a par ailleurs demandé avec insistance que la notion de préférence sexuelle ou la notion de moeurs soient spécifiquement précisées parmi les critères mentionnés dans les décrets et circulaires qui compléteront la nouvelle loi sur l'Immigration. La préférence d'H&S se porte en effet sur la caractérisation des critères plutôt que sur la constitution d'une liste de pays persécuteurs, bien qu'il paraisse évident que ces deux notions soient complémentaires.

M. Quinqueton a répondu qu'il était envisageable de voir mentionnée la notion de préférence sexuelle ou de moeurs parmi les critères retenus dans les décrets et circulaires de la nouvelle loi. Il ne s'est pas prononcé sur une possible caractérisation des critères.

Un autre sujet d'inquiétude pour H&S est la transparence des procédures dans le cadre de d'octroi de l'asile, notamment « territorial ». Le fait que celui-ci dépendrait uniquement de la volonté du Ministère de l'Intérieur nécessite la publication des motivations du Ministère afin de respecter un exercice démocratique d'un droit à naître. H&S a également relevé le problème que pose la durée du titre de séjour accordé pour asile « territorial ». Octroyé pour une seule année, ce titre n'est renouvelable que trois fois. H&S s'est donc inquiétée de la perpétuation d'une catégorie de personnes inexpulsables en situation irrégulière au bout de trois ans, autrement dit des « clandestins inexpulsables ».

M. Quinqueton a précisé que l'inscription dans la loi de l'asile « territorial »était une garantie de la future transparence des procédures le concernant. Il a notamment comparé celle-ci à une logique juridique, et a mentionné la « judiciarisation » des procédures. Il a ajouté qu'au bout de trois ans, une carte de résident de dix ans renouvelable de plein droit serait délivrée aux intéressés, répondant en cela à notre inquiétude des « clandestins inexpulsables ».

H&S demande une réforme profonde des procédures et des pratiques.

H&S a ensuite demandé une formation adaptée des forces de l'ordre en charge du contrôle aux frontières afin que les demandeurs d'asile pour préférence sexuelle soient accueillis comme il convient.

H&S a évoqué les conditions de vie particulièrement difficiles dans les zones d'attente. Elle a demandé que des conseils juridiques soient mis à disposition des demandeurs et que les associations humanitaires aient un accès libre et permanent à ces zones.

H&S a demandé que les conditions imposées par l'accord de Schengen ne constituent plus un obstacle à la demande d'asile en France. Elle a souhaité que la provision prévue dans la Constitution, qui laisse au gouvernement le choix d'étudier un dossier, soit utilisée dès que nécessaire. Cet élément est particulièrement important dans le cas de personnes qui passent, dans un premier temps, par un pays où les conditions de vie réservées aux homosexuels ne sont pas favorables (comparées à celle de la France). Enfin, H&S a demandé que soit stoppée la « dissuasion à tout prix » de la demande d'asile en France au travers des procédures et que soit réhabilité le jugement sur le fond des dossiers.

Se référant au rapport Weil, H&S évoque le cas des couples dont un membre au moins est étranger.

Concernant les couples constitués de personnes homosexuelles dont l'une au moins est étrangère, M. Quinqueton a placé ses déclarations dans la perspective de l'adoption par le Parlement d'une loi reprenant les principes du Contrat d'Union Civile. Il a indiqué que le souhait des rédacteurs était de mettre la future loi sur l'Immigration et la future loi sur le Contrat d'Union Civile en cohérence. M. Quinqueton n'a toutefois pas stipulé que les étrangers concernés aient l'obligation de contracter une « Union Civile ».

Des couples dont un seul membre est ressortissant d'un pays étranger non membre de l'Union Européenne.

M. Quinqueton a indiqué que l'objectif du gouvernement était de créer une nouvelle carte de séjour temporaire, portant la mention « situation personnelle et familiale ». Elle serait délivrée de plein droit à certaines catégories d'étrangers, et notamment à ceux à qui le refus d'autoriser le séjour en France porterait à leur droit au respect de leur situation personnelle et de leur vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Ce nouveau titre de séjour prendrait en considération les personnes qui entretiennent des liens personnels et familiaux avec des ressortissants français. Dans cette dernière catégorie, M. Quinqueton a clairement précisé que les relations affectives entre deux personnes, qu'elles soient de sexes différents ou de même sexe, n'étaient pas exclues de cette définition.

Cette évolution probable du droit français se fonde tant sur l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme que sur la jurisprudence du Conseil d'État. Elle marquerait une évolution sans précédent du droit français. M. Quinqueton a indiqué qu'une carte de résident peut être accordée à toutes personnes qui justifie d'une résidence non interrompue de trois ans ce qui n'exclut pas les concubins étrangers.

Des ressortissants étrangers homosexuels résidant régulièrement en France et leur compagnon.

M. Quinqueton a laissé entendre que les concubins de ressortissants étrangers résidant régulièrement en France pourraient bénéficier de la carte de séjour temporaire portant la mention « situation personnelle et familiale ».

Des couples dont l'un des membres est ressortissant d'un état membre de l'Union Européenne,
l'autre ne l'étant pas.

Dans le cadre d'une possible réciprocité entre les textes prévoyant les unions entre partenaires de même sexe, Homosexualités & Socialisme a demandé à ce qu'un ressortissant d'un État non-membre de l'Union Européenne, uni à un ressortissant d'un État-membre de l'UE selon les lois nationales de pays de l'UE tels le Danemark, la Suède ou les Pays-Bas, obtienne un titre de séjour temporaire pour situation personnelle et familiale. M. Quinqueton a déclaré qu'à sa connaissance, cette perspective ne poserait pas de problème.

Des preuves de la relation.

M. Quinqueton a posé le problème des critères qui permettront d'établir la véracité des relations affectives. Sur ce point, il n'a pas fait de distinction entre personnes de même sexe ou de sexe différent. L'acuité du problème se situe donc au niveau des preuves que l'État serait en droit d'exiger afin d'accorder un titre de séjour temporaire.

H&S a suggéré que les preuves exigées a priori soient des déclarations de la part des deux personnes concernées, complétées de déclarations de personnes pouvant témoigner de cette relation. S'ajouteraient, de façon facultative, toute autre preuve que pourraient apporter les concernés. C'est a posteriori, et donc à chaque renouvellement de la carte de séjour temporaire, que la preuve de la communauté de vie effective serait à apporter. Celle-ci pourrait être constituée d'une base de preuves obligatoires, que les intéressés pourraient compléter à leur gré. Néanmoins, les conditions de la production et la nature même des preuves à fournir ne devront pas rendre impossible la démonstration de la communauté de vie effective. La communauté de vie ne devrait pas, selon H&S, rendre obligatoire la vie sous un même toit, car ni le mariage ni le futur Contrat d'Union Civile n'imposent ce mode de vie. H&S souhaite être associée à la détermination de ces critères, qui lui semblent extrêmement importants pour garantir l'effectivité de la loi.

H&S prend acte avec une extrême satisfaction des objectifs, concernant le droit d'asile et les titres de séjour accordés aux personnes homosexuelles étrangères, présentés par le Gouvernement dans le cadre de la nouvelle loi sur l'immigration. H&S souhaite que le gouvernement et les parlementaires suivent les propositions du Ministère. H&S souhaite exercer dès maintenant sa vigilance quant à l'élaboration des critères. Enfin, H&S émet des réserves quant à la transparence et la simplification des procédures telles que présentées dans l'avant-projet de loi. Ces dernières exigences valent tant pour le droit d'asile que pour les titres de séjour délivrés pour « situation personnelle et familiale ».

FQRDLa France Gaie et Lesbienne
France QRD
HES
Last modified: Thu Sep 18 18:45:13 MET DST 1997