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A sa demande, Homosexualités & Socialisme a été
reçue par M. Quinqueton, conseiller technique à
l'Immigration du Ministère de l'Intérieur. Celui-ci
est un des rédacteurs du projet de loi sur l'Immigration
qui sera présenté par le gouvernement au Parlement
à la mi-novembre. Le vote définitif ne devrait
intervenir qu'au mois de janvier.
L'objet du rendez-vous était de présenter les
observations et les revendications concernant le droit d'asile
pour les personnes homosexuelles persécutées dans
leur pays pour le seul fait de leurs préférences
sexuelles ; et concernant les couples constitués de personnes
homosexuelles dont l'une au moins est étrangère.
Des courriers et un premier rendez-vous avec Mme. Adeline
Hazan, conseiller technique à l'Intégration du
Ministère de la Solidarité avaient permis au préalable
de sensibiliser le gouvernement et H&S est en droit de penser
que ses interpellations ont contribué à l'élaboration
d'une loi plus juste et plus humaine.
M. Quinqueton annonce une ouverture du droit d'asile.
A la question de l'ouverture du droit d'asile aux femmes et
aux hommes persécutés dans leur pays du seul fait
de leurs préférences sexuelles, M. Quinqueton a
répondu que le droit d'asile, au titre de la Convention
de Genève, relevait de l'appréciation, par l'OFPRA
et ensuite par la Commission des recours, de la validité
des demandes posées. Il a reconnu qu'à ce jour,
cet organisme et cette commission n'accordaient pas l'asile pour
seul fait d'une persécution pour préférence
sexuelle. Il a rappelé l'indépendance de l'OFPRA
et a relevé le rôle de tutelle du Ministère
des Affaires Étrangères sur cet organisme.
Il a aussi précisé que le projet de loi mentionnait
un nouveau type d'asile dit « territorial ».
Celui-ci inscrirait dans la Loi l'actuelle pratique administrative
d'octroi de titre de séjour à des personnes qui
risqueraient la mort ou des traitements inhumains et dégradants
en cas de retour dans leur pays d'origine. L'objectif est de
permettre à un gouvernement d'apprécier des situations
au regard des risques réels qui ne sont pas prévus
par la Convention de Genève, alors que celui-ci pourrait
souhaiter les prendre en compte.
M. Quinqueton a par ailleurs annoncé qu'un nouveau
statut de réfugié, dit asile « constitutionnel »,
se référant au préambule de 1946 de l'actuelle
Constitution, était à l'étude. Il permettrait
une plus libre interprétation des critères de la
Convention de Genève, et en serait dès lors complémentaire.
Parmi ces situations, M. Quinqueton a notamment mentionné
les persécutions exercées par des agents autres
que l'État. Il a illustré son propos par l'exemple
des Algériens persécutés par des groupes
terroristes.
M. Quinqueton a alors précisé que rien en droit
ne s'oppose à ce que les femmes et les hommes homosexuels
demandent l'asile au titre de l'asile « territorial »
ou de l'asile « constitutionnel ». Pour le premier,
les critères se fonderaient essentiellement sur les persécutions
réelles déjà subies ou sur les risques de
répression exercés par l'État ou par un
agent autre que l'État ; alors que le deuxième
concernerait les personnes qui agissent en cela dans certains
pays répressifs comme des « combattants de
la liberté » en défendant notamment
le droit à la préférence sexuelle, sans
qu'ils aient créé ou fait partie d'une quelconque
organisation. Considérant que ceux-ci pourraient être
amenés à devoir chercher refuge à l'étranger,
l'asile « constitutionnel » offrirait au gouvernement
la possibilité de les accueillir.
Malgré sa satisfaction, H&S précise ses
exigences.
Au delà de sa satisfaction, Homosexualités &
Socialisme a déploré que l'asile au titre de la
Convention de Genève, ne soit pas accordé aux personnes
homosexuelles. H&S a rappelé, comme elle l'a écrit
dans la note remise à M. Quinqueton, qu'elle estimait
que les personnes persécutées au titre de leurs
préférences sexuelles constituaient selon elle
un groupe social au sens de la Convention de Genève.
En complément des principaux éléments
du droit d'asile, H&S a demandé l'octroi d'un titre
de séjour aux étrangers entretenant une relation
affective avec une personne bénéficiant d'un droit
d'asile en France, au cas où cette relation concernerait
des personnes de même sexe.
M. Quinqueton a répondu que ce cas de figure était
couvert par la nouvelle carte de séjour pour « raisons
personnelles et familiales ». (Voir plus loin.)
Une nécessaire caractérisation des critères.
H&S a par ailleurs demandé avec insistance que
la notion de préférence sexuelle ou la notion de
moeurs soient spécifiquement précisées parmi
les critères mentionnés dans les décrets
et circulaires qui compléteront la nouvelle loi sur l'Immigration.
La préférence d'H&S se porte en effet sur la
caractérisation des critères plutôt que sur
la constitution d'une liste de pays persécuteurs, bien
qu'il paraisse évident que ces deux notions soient complémentaires.
M. Quinqueton a répondu qu'il était envisageable
de voir mentionnée la notion de préférence
sexuelle ou de moeurs parmi les critères retenus dans
les décrets et circulaires de la nouvelle loi. Il ne s'est
pas prononcé sur une possible caractérisation des
critères.
Un autre sujet d'inquiétude pour H&S est la transparence
des procédures dans le cadre de d'octroi de l'asile, notamment
« territorial ». Le fait que celui-ci dépendrait
uniquement de la volonté du Ministère de l'Intérieur
nécessite la publication des motivations du Ministère
afin de respecter un exercice démocratique d'un droit
à naître. H&S a également relevé
le problème que pose la durée du titre de séjour
accordé pour asile « territorial ». Octroyé
pour une seule année, ce titre n'est renouvelable que
trois fois. H&S s'est donc inquiétée de la
perpétuation d'une catégorie de personnes inexpulsables
en situation irrégulière au bout de trois ans,
autrement dit des « clandestins inexpulsables ».
M. Quinqueton a précisé que l'inscription
dans la loi de l'asile « territorial »était
une garantie de la future transparence des procédures
le concernant. Il a notamment comparé celle-ci à
une logique juridique, et a mentionné la « judiciarisation »
des procédures. Il a ajouté qu'au bout de trois
ans, une carte de résident de dix ans renouvelable de
plein droit serait délivrée aux intéressés,
répondant en cela à notre inquiétude des
« clandestins inexpulsables ».
H&S demande une réforme profonde des procédures
et des pratiques.
H&S a ensuite demandé une formation adaptée
des forces de l'ordre en charge du contrôle aux frontières
afin que les demandeurs d'asile pour préférence
sexuelle soient accueillis comme il convient.
H&S a évoqué les conditions de vie particulièrement
difficiles dans les zones d'attente. Elle a demandé que
des conseils juridiques soient mis à disposition des demandeurs
et que les associations humanitaires aient un accès libre
et permanent à ces zones.
H&S a demandé que les conditions imposées
par l'accord de Schengen ne constituent plus un obstacle à
la demande d'asile en France. Elle a souhaité que la provision
prévue dans la Constitution, qui laisse au gouvernement
le choix d'étudier un dossier, soit utilisée dès
que nécessaire. Cet élément est particulièrement
important dans le cas de personnes qui passent, dans un premier
temps, par un pays où les conditions de vie réservées
aux homosexuels ne sont pas favorables (comparées à
celle de la France). Enfin, H&S a demandé que soit
stoppée la « dissuasion à tout prix »
de la demande d'asile en France au travers des procédures
et que soit réhabilité le jugement sur le fond
des dossiers.
Se référant au rapport Weil, H&S évoque
le cas des couples dont un membre au moins est étranger.
Concernant les couples constitués de personnes homosexuelles
dont l'une au moins est étrangère, M. Quinqueton
a placé ses déclarations dans la perspective de
l'adoption par le Parlement d'une loi reprenant les principes
du Contrat d'Union Civile. Il a indiqué que le souhait
des rédacteurs était de mettre la future loi sur
l'Immigration et la future loi sur le Contrat d'Union Civile
en cohérence. M. Quinqueton n'a toutefois pas stipulé
que les étrangers concernés aient l'obligation
de contracter une « Union Civile ».
Des couples dont un seul membre est ressortissant d'un
pays étranger non membre de l'Union Européenne.
M. Quinqueton a indiqué que l'objectif du gouvernement
était de créer une nouvelle carte de séjour
temporaire, portant la mention « situation personnelle
et familiale ». Elle serait délivrée
de plein droit à certaines catégories d'étrangers,
et notamment à ceux à qui le refus d'autoriser
le séjour en France porterait à leur droit au respect
de leur situation personnelle et de leur vie familiale une atteinte
disproportionnée au regard des motifs du refus. Ce nouveau
titre de séjour prendrait en considération les
personnes qui entretiennent des liens personnels et familiaux
avec des ressortissants français. Dans cette dernière
catégorie, M. Quinqueton a clairement précisé
que les relations affectives entre deux personnes, qu'elles soient
de sexes différents ou de même sexe, n'étaient
pas exclues de cette définition.
Cette évolution probable du droit français se
fonde tant sur l'article 8 de la Convention européenne
des Droits de l'Homme que sur la jurisprudence du Conseil d'État.
Elle marquerait une évolution sans précédent
du droit français. M. Quinqueton a indiqué qu'une
carte de résident peut être accordée à
toutes personnes qui justifie d'une résidence non interrompue
de trois ans ce qui n'exclut pas les concubins étrangers.
Des ressortissants étrangers homosexuels résidant
régulièrement en France et leur compagnon.
M. Quinqueton a laissé entendre que les concubins de
ressortissants étrangers résidant régulièrement
en France pourraient bénéficier de la carte de
séjour temporaire portant la mention « situation
personnelle et familiale ».
Des couples dont l'un des membres est ressortissant
d'un état membre de l'Union Européenne,
l'autre ne l'étant pas.
Dans le cadre d'une possible réciprocité entre
les textes prévoyant les unions entre partenaires de même
sexe, Homosexualités & Socialisme a demandé
à ce qu'un ressortissant d'un État non-membre de
l'Union Européenne, uni à un ressortissant d'un
État-membre de l'UE selon les lois nationales de pays
de l'UE tels le Danemark, la Suède ou les Pays-Bas, obtienne
un titre de séjour temporaire pour situation personnelle
et familiale. M. Quinqueton a déclaré qu'à
sa connaissance, cette perspective ne poserait pas de problème.
Des preuves de la relation.
M. Quinqueton a posé le problème des critères
qui permettront d'établir la véracité des
relations affectives. Sur ce point, il n'a pas fait de distinction
entre personnes de même sexe ou de sexe différent.
L'acuité du problème se situe donc au niveau des
preuves que l'État serait en droit d'exiger afin d'accorder
un titre de séjour temporaire.
H&S a suggéré que les preuves exigées
a priori soient des déclarations de la part des deux personnes
concernées, complétées de déclarations
de personnes pouvant témoigner de cette relation. S'ajouteraient,
de façon facultative, toute autre preuve que pourraient
apporter les concernés. C'est a posteriori, et
donc à chaque renouvellement de la carte de séjour
temporaire, que la preuve de la communauté de vie effective
serait à apporter. Celle-ci pourrait être constituée
d'une base de preuves obligatoires, que les intéressés
pourraient compléter à leur gré. Néanmoins,
les conditions de la production et la nature même des preuves
à fournir ne devront pas rendre impossible la démonstration
de la communauté de vie effective. La communauté
de vie ne devrait pas, selon H&S, rendre obligatoire la vie
sous un même toit, car ni le mariage ni le futur Contrat
d'Union Civile n'imposent ce mode de vie. H&S souhaite être
associée à la détermination de ces critères,
qui lui semblent extrêmement importants pour garantir l'effectivité
de la loi.
H&S prend acte avec une extrême satisfaction
des objectifs, concernant le droit d'asile et les titres de séjour
accordés aux personnes homosexuelles étrangères,
présentés par le Gouvernement dans le cadre de
la nouvelle loi sur l'immigration. H&S souhaite que le gouvernement
et les parlementaires suivent les propositions du Ministère.
H&S souhaite exercer dès maintenant sa vigilance quant
à l'élaboration des critères. Enfin, H&S
émet des réserves quant à la transparence
et la simplification des procédures telles que présentées
dans l'avant-projet de loi. Ces dernières exigences valent
tant pour le droit d'asile que pour les titres de séjour
délivrés pour « situation personnelle
et familiale ».
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